L’UN Ocean Conference : le CNRS au défi des océans durables
Alors que la France a tenu en début d’année le One Ocean Summit, les chercheurs et acteurs sur le thème des océans se retrouvent à la conférence des Nations Unies pour l’Océan. Organisée à Lisbonne du 27 juin au 1er juillet, elle accueillera une large délégation du CNRS aux missions multiples.
Les Nations unies ont édicté dix-sept objectifs de développement durable (ODD), dont le quatorzième concerne la préservation de la vie dans les océans. Cet ODD 14 est au cœur de l’UN Ocean Conference, coorganisée par le Portugal et le Kenya à Lisbonne du 27 juin au premier juillet. Elle fait suite à une première conférence à New York, en 2017, et s’inscrit dans la « décennie d’action pour atteindre les objectifs du développement durable », lancée par le Secrétaire général des Nations unies António Guterres.
« À Lisbonne, les acteurs majeurs de l’océan sur les océans pourront se retrouver pour faire un bilan d’étape sur les atteintes des cibles de l’ODD 14, puis échanger sur les actions en cours et futures, explique Joachim Claudet, directeur de recherche au Centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement (Criobe).1 On espère que ce sera l’occasion de voir les États s’engager sur de nouvelles mesures pour l’océan. »
L’ODD 14 est en effet divisé en plusieurs cibles bien identifiées, comme lutter contre l’acidification des océans, interdire les subventions aux pêches non durables ou illégales, le développement d’aires marines protégées ou encore le partage des technologies et des connaissances scientifiques avec tous les pays du monde. « Chaque jour de la conférence sera consacré à une des cibles de l’ODD 14, poursuit Joachim Claudet. Le CNRS portera ou interviendra dans différents événements tout au long de la semaine et toutes les actions internationales vont se recouper. » Un programme « off » enrichira le tout, avec des discussions sur des thèmes comme la pollution des océans par les plastiques ou l’empreinte carbone des portes-containers.
Le CNRS sera accompagné à Lisbonne par plusieurs autres organismes de recherche français, comme l’Ifremer ou l’IRD, ainsi que différentes ONG. Des représentants du ministère des Affaires étrangères, du ministère de la Transition écologique ou encore du Secrétariat général de la mer seront également présents. Cette variété d’intervenants s’explique par le fait que la conférence des Nations Unies sur l’Océan va au-delà des seuls sujets scientifiques.
« À Lisbonne, une grande partie des discussions tournera autour du business, de l’économie bleue ou des biotechnologiques, précise Françoise Gaill, conseiller scientifique à l’institut écologie et environnement du CNRS. En quoi l’Océan peut-il être source de nouvelles formes de richesses, par exemple minières ou génétiques ? Des questions géostratégiques seront aussi abordées, concernant différents traités gérés par des instances onusiennes : le transport maritime, le fond des mers, les ressources alimentaires etc. » Le High level panel for a sustainable ocean economy, abrégé en Ocean Panel, sera au cœur de ces questions.
La délégation du CNRS, conduite par son directeur général délégué à la science, Alain Schuhl, portera également le projet IPOS : le panel international pour un océan durable. S’inspirant des réussites du GIEC et de L’IPES, cette plateforme dédiée à l’évolution de l’océan vise à intégrer les connaissances scientifiques pour en modéliser le comportement et esquisser les actions à mener pour obtenir un océan durable. Le concept devrait être présenté plus en détail dans un article du groupe Nature.
« Les réactions du milieu aquatique au changement climatique sont bien plus lentes que sur la terre ferme, il faut donc se soucier dès à présent des conséquences à long terme, insiste Françoise Gaill. Nous sommes un noyau dur d’une cinquantaine de scientifiques de diverses disciplines, impliquant également des entités de la société civile internationales. Notre publication sur l’IPOS va entraîner une dynamique encore plus forte, mais la conférence de Lisbonne sera une belle occasion de discuter et d’envisager l’avenir avec d’autres entités internationales. »
Le directeur général délégué à la science du CNRS ouvrira une session dédiée à l’IPOS, en présence de nombreux auteurs de l’article fondateur. La co-construction des savoirs étant un axe majeur de l’IPOS, des représentants de petits États insulaires seront également conviés, ainsi que différents réseaux animés par des jeunes et des ONG internationales. L’évolution de la recherche académique dans le contexte océan est un des aspects qui pourra bénéficier de l’approche pluridisciplinaire du CNRS, mise en œuvre dans le GDR OMER.
Fabrizio D’Ortenzio, du Laboratoire d’océanographie de Villefranche (LOV),2 participera de son côté à la journée dédiée à sa spécialité : l’observation des océans.
« L’observation des océans est fondamentale, car seules la récolte massive de données et leur analyse nous renseigneront sur le fonctionnement des océans, explique-t-il. C’est d’ailleurs une des cibles de l’ODD 14. Comme la mer est un milieu difficile d’accès, les pays et les communautés de recherche essayeront de se coordonner à Lisbonne pour combiner leurs efforts et maximiser les résultats. »
Ce besoin de données est aussi primordial pour le développement de jumeaux numériques des océans. Allant bien plus en détail que des simulations classiques, ces jumeaux numériques ambitionnent d’être une représentation de la réalité, prenant par exemple en compte la circulation en temps réel des navires ou la position de bancs de poissons. Les rendre opérationnels serait un exploit scientifique et offrirait un outil formidable pour la recherche sur les océans.
« Pour parvenir à ces jumeaux numériques, nous avons besoin de systèmes d’observation à la hauteur, souligne Fabrizio D’Ortenzio. Un des enjeux est notamment que tous les États n’ont pas accès à la technologie nécessaire, et que les données ne sont pas toujours partagées entre tous les pays. Il faut également gérer certains aspects diplomatiques, comme pour faciliter le passage de navires de recherche étrangers sur les eaux d’autres pays. La conférence de Lisbonne est le bon endroit pour avoir ces discussions. »
L’UN Ocean Conference sera ainsi l’occasion de mettre en avant Mercator Ocean International (MOI). Cette entreprise européenne, initiée en France et spécialisée dans la modélisation océanique des océans, a reçu l’accord des gouvernements impliqués pour se transformer en une organisation intergouvernementale. Ce processus a été initié lors du One Ocean Summit de Brest, qui s’est tenu en février au cours d’une initiative impulsée dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne. MOI ambitionne de devenir l’opérateur européen de référence des jumeaux numériques des océans, et ambitionne de jouer un rôle mondial.
« Mercator Ocean International représente une incroyable réussite de la communauté scientifique française et européenne, affirme Fabrizio D’Ortenzio. Le CNRS a fortement contribué à cette réussite, notamment avec l’implication de nombreux scientifiques spécialistes en modélisation océanique, mais aussi grâce aux observations récoltées régulièrement et systématiquement par les équipes CNRS. Cette relation entre Mercator Ocean International et la recherche au CNRS est un outil précieux, à garder pour le futur. »
Non exhaustifs, ces points montrent la richesse du programme de l’UN Ocean Conference, une richesse qui souligne l’importance des défis qui nous attendent pour permettre l’émergence d’océans durables.