"Se priver d'attirer les talents étrangers serait une erreur dramatique"
Antoine Petit, président-directeur général du CNRS, réaffirme le rôle des collaborations internationales dans la recherche.
Cette tribune a été publiée sur lemonde.fr
Le CNRS accueille dans ses laboratoires près de 29 000 étudiantes et étudiants qui préparent un doctorat. La très grande majorité d’entre eux sont rémunérés, le plus souvent par les universités avec lesquelles nous partageons ces laboratoires.
Attirer ces talents fait l’objet d’une compétition internationale importante, car ils sont essentiels pour produire des connaissances et pour occuper demain les postes qualifiés, dans le public comme dans le privé, dont tout le monde a grand besoin, organismes de recherche et universités, centres privés de recherche et de développement ou encore administrations.
Aujourd’hui, parmi ces doctorantes et doctorants, 40% ne sont pas de nationalité française. Et seulement un sur cinq d’entre eux restera en France, pour travailler, une fois son doctorat acquis. Les autres repartiront dans leur pays, ou ailleurs, après s’être constitué un réseau de collaborateurs, utile pour eux et tout autant pour leurs collègues restés en France. Si on présente souvent le « brain drain » comme la fuite de cerveaux formés en France vers l’étranger, on oublie qu’il fonctionne dans les deux sens et que la France est un pays attractif. Et cette attractivité est liée avant tout à la qualité de notre recherche, de nos laboratoires, de nos chercheurs et chercheuses. Mais elle est aussi liée à l’image de la France, à sa capacité à donner envie de venir chez nous à des étudiants et étudiantes qui ont le choix, car ils sont talentueux, entre les meilleures institutions du monde.
Alors, bien sûr, on peut vouloir se priver de cet apport extérieur en ne comprenant pas, ou en faisant semblant de ne pas comprendre, tout ce qu’il nous apporte. Ce serait une erreur dramatique qui nuira à terme à l’image de la France à travers le monde, à notre positionnement comme grand pays scientifique, et aussi à notre économie, à notre capacité à nous ré-industrialiser et à notre souveraineté.
Et, soyons vigilants, car une fois que les mauvais messages seront passés et que la France aura une image repoussante pour les doctorantes et doctorants, et plus généralement pour les étudiantes et étudiants, il sera long, difficile et très aléatoire de redresser la barre. Et cette image dégradée nuira à l’ensemble de nos coopérations scientifiques internationales, pourtant indispensables pour être, et rester, une puissance scientifique et économique qui compte.