Le laboratoire international "Environnement, Santé, Sociétés" reconduit en Afrique de l’Ouest
« Grâce à ce laboratoire, nous renforçons le partenariat Nord/Sud », indique Lamine Gueye, directeur du laboratoire de recherche international "Environnement, Santé, Sociétés".
Du 25 au 27 septembre, une délégation du CNRS, conduite par son président-directeur général Antoine Petit a rencontré ses principaux partenaires ouest-africains à Dakar. L’occasion d’échanger avec Lamine Gueye, directeur du laboratoire de recherche international, à ce jour la seule unité du CNRS en Afrique de l’Ouest.
Le laboratoire vient de fêter ses dix ans d’existence et ses institutions tutelles viennent de signer sa reconduction. Quel bilan faites-vous des 10 premières années d’existence ?
Notre objectif principal était de mettre en place une recherche d’excellence très orientée sur des questions de société avec une approche interdisciplinaire de terrain autour du triptyque « Environnement, Santé, Sociétés ». Ce n’était pas évident dans un contexte africain très cloisonné, et particulièrement dans le domaine de la santé où les équipes médicales pratiquent la recherche essentiellement à l’hôpital et dans les laboratoires. L’élément clé de la création de cette unité et son premier chantier a été la mise en relation des équipes du CNRS avec celles des trois pays africains impliqués en sciences humaines et sociales, en santé, en écologie et en environnement. Il y a eu un effort très important de constituer un réseau pour travailler en équipe. Un autre résultat important a été de faire en sorte que les équipes pluridisciplinaires descendent sur le terrain pour étudier les zones urbaines et rurales. Et on peut constater désormais que pour chaque résultat, par exemple l’étude des maladies chroniques non transmissibles, des médecins et des pharmaciens ont collaboré avec des sociologues, des anthropologues et des géographes. C’est de cette manière que nous avons obtenu les premiers résultats épidémiologiques fiables dans la population sénégalaise sur l’hypertension artérielle et le diabète. Cette étude a procuré les premiers taux de prévalence de cette maladie à Dakar et en zone rurale. Grace à ces résultats qui ont révélé un problème important de santé publique, le ministère de la santé du Sénégal a mis en place une étude sur le plan national.
La signature de renouvellement du laboratoire a donné lieu à une présentation de ses travaux et résultats devant la direction du CNRS et des partenaires africains. Qu’a représenté pour vous cette journée ?
Cette journée a été fort utile car nous avons pu discuter avec les dirigeants des tutelles, le président-directeur général du CNRS, le délégué général du Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST) du Burkina-Faso, le recteur de l’Université des sciences, des techniques et des technologies (USTTB) du Mali, le recteur de l’Université Gaston Berger (Saint-Louis, Sénégal) et le recteur de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar. Le directeur du Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST) du Mali était également présent en tant que membre du pôle UMI du Mali, avec le responsable du pôle Mali du laboratoire, le Professeur Abdoulaye Djimdé. Nous avons pu faire le bilan de ces dix années de résultats scientifiques et nous projeter vers le futur.
Justement quels sont les nouveaux objectifs du laboratoire ?
Nous souhaitons renforcer les relations entre les équipes et accroitre la mobilité des chercheurs du CNRS spécialistes de nos thématiques « Environnement santé et sociétés ». Nous aimerions aussi que des chercheurs seniors viennent sur le terrain, même s’ils ne sont pas titulaires du laboratoire, pour renforcer le partenariat Nord Sud. Nous souhaiterions enfin renforcer notre travail de terrain et accélérer le reboisement de la grande muraille verte. C’est un défi continental. Nous avons réussi au Sénégal à positionner le laboratoire comme structure de recherche de ce grand projet ; nous souhaitons le faire aussi au Mali et au Burkina Faso. Cela va donner plus d’élan à cette initiative majeure pour l’environnement.
L’autre défi de santé publique important est l’étude des maladies chroniques non transmissibles. Quand on parle de l’Afrique, on pense surtout aux maladies infectieuses, qui sont pour partie en bonne voie de résolution, comme le paludisme ou les maladies parasitaires qui régressent. Mais il apparait que les sociétés africaines voient s’installer progressivement dans les populations l’hypertension artérielle, le diabète et l’obésité. Nous devons approfondir les recherches pour en identifier les déterminants. Nos équipes sont en train de montrer que l’Afrique est, comme les pays du Nord, aujourd’hui exposée à une alimentation beaucoup trop sucrée et salée, en raison de la mondialisation et de l’harmonisation des pratiques alimentaires. Nous allons approfondir ces questions, comme toujours de manière interdisciplinaire, et allons étudier sur le terrain et dans les familles ces nouvelles habitudes alimentaires.
Comment sont les relations du laboratoire avec le ministère en charge de la recherche du Sénégal ?
Excellentes depuis l’existence du laboratoire car elles sont très suivies sur le plan institutionnel. Les autorités des universités, les directeurs généraux des organismes de recherche savent exactement ce que nous faisons et nous en discutons régulièrement. Durant son séjour, Antoine Petit a pu rencontrer pendant un peu plus d’heure le Docteur Cheikh Oumar Anne, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation sénégalais. Ils ont pu échanger sur les partenariats entre le Sénégal et le CNRS. La question de l’amélioration de la mobilité des enseignants et des chercheurs entre nos deux pays partenaires a notamment été à l’ordre du jour.