La science européenne au firmament

Institutionnel

Les Étoiles de l’Europe récompensent chaque année douze équipes françaises impliquées dans la coopération scientifique en Europe. Parmi les sujets lauréats de l’édition 2017, les sciences du climat, la résonance magnétique nucléaire, et les nanotechnologies écoresponsables sont à l’honneur.
 

Avec 79 milliards d’euros à la clé, l’Union européenne n’oublie pas la science. L’ambitieux programme Horizon 2020 soutient ainsi la recherche et ses initiatives transnationales depuis 2013. Alors dirigé par Geneviève Fioraso, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche lançait la même année le prix des Étoiles de l’Europe afin d’inciter les laboratoires français à utiliser ce fonds.

Un jury scientifique, sous la supervision du président de l’UPMC 1 Jean Chambaz, récompense chaque année douze projets organisés par des équipes de l’Hexagone, soit autant d’étoiles que sur le drapeau européen. La cérémonie 2017 s’est déroulée le 4 décembre dernier au musée du quai Branly-Jacques Chirac, dans le cadre du 4e Forum Horizon 2020. Trois des lauréats illustrent la richesse du palmarès et la volonté de développer des initiatives à travers l’Europe.

En matière de coopération internationale, peu de sujets mobilisent autant de chercheurs que le changement climatique. Entre les volumineux rapports du GIEC 2 et d'innombrables programmes internationaux et pluridisciplinaires, le domaine exige un cadre solide. IS-ENES2 3 offre précisément l'infrastructure nécessaire pour organiser la communauté européenne sur la modélisation du climat, ce qui lui a valu la remise d’une des Étoiles de l’Europe.

Sylvie Joussaume

Sylvie Joussaume, directrice de recherche au Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement (LSCE - CNRS/CEA/université Versailles Saint-Quentin) et ancienne directrice de l’Institut des sciences de l’Univers du CNRS, coordonne le projet via l’Institut Pierre Simon Laplace 4 . Spécialiste de la modélisation du climat, et en particulier des climats du passé, elle connaît parfaitement les contraintes inhérentes à la discipline.

« Les trois principaux aspects de la modélisation du climat requièrent tous de solides infrastructures, détaille Sylvie Joussaume. Les modèles eux-mêmes sont composés de codes numériques souvent très lourds et complexes et nécessitent de disposer d’outils pour utiliser les calculateurs. L’accès au calcul intensif est fondamental pour réaliser les simulations numériques, et il est essentiel de savoir gérer la masse de données obtenues pour les partager au niveau international. »

L’IS-ENES2 échange donc des codes et outils pour permettre la réalisation de ces simulations climatiques à très grande échelle, «  par exemple pour coupler les interactions entre l’atmosphère et l’océan  », précise Sylvie Joussaume. Cela renforce l’efficacité des équipes européennes. Le projet contribue aussi à maintenir, standardiser et alimenter les deux millions de gigaoctets de la base de données ESGF 5 .

« J’espère que l’Europe continuera à aider et à renforcer la communauté des sciences du climat, se réjouit la directrice de recherche. Au début, l’infrastructure de la base de données ESGF était surtout développée par les Américains. Mais IS-ENES est devenu l'interlocuteur européen des agences américaines. Ce qui ne serait pas le cas sans ce projet, et sans la compétence des équipes européennes. »

Si le changement climatique touche toute la planète, les Étoiles de l’Europe brillent aussi pour l’infiniment petit. Capable d’analyser la matière à l’échelle atomique, la spectroscopie par résonance magnétique nucléaire s’est imposée tant auprès de la communauté scientifique que du secteur industriel.

Guido Pintacuda

Afin d’augmenter la résolution et la sensibilité de cette technique de pointe, neuf équipes de recherche et quatre entreprises se sont rassemblées au sein du consortium pNMR 6 , primé cette année. Guido Pintacuda, directeur de recherche à l’Institut des sciences analytiques (ISA - CNRS/ENS Lyon/Université Claude Bernard), coordonne cette plateforme devenue une référence mondiale.

« Avant ce projet, la RMN fonctionnait très difficilement sur les ions paramagnétiques, explique Guido Pintacuda. Notre réseau a montré qu’il était tout à fait possible de les étudier de cette manière, et même d’exploiter leur présence pour améliorer la RMN. »

Plusieurs métaux de transition, dont le fer, le cobalt, le cuivre et les lanthanides, possèdent en effet des électrons célibataires, rendant leur étude par RMN très difficile. Mais ils n’échappent plus à la RMN grâce aux chercheurs de pRMN. Ces avancées intéressent aussi bien la chimie, la biologie, la médecine, les sciences des matériaux...

De la France à la Finlande en passant par la Slovaquie, pRMN a tissé ses liens à travers l’Europe. Ce réseau a permis de multiplier les expériences et les opportunités de formation pour toute une génération de jeunes chercheurs. Une dynamique qui a également contribué à attirer de nouveaux financements et à démocratiser la RMN au-delà des cercles de la recherche la plus fondamentale.

« L’équipe est très satisfaite de ce prix, affirme Guido Pintacuda. Si certains doutent des performances de l’Europe en matière de recherche, notre projet montre au contraire son efficacité à financer des équipes internationales. Notre réseau a aidé à rassembler des compétences qu’on ne pouvait pas trouver dans un seul et unique pays. Je suis également très heureux car trois jeunes chercheurs formés par les laboratoires associés à ce projet ont depuis obtenu des postes prestigieux de professeurs à Stockholm, au Max Planck Institute et à Santa Barbara. »

Redouane Borsali

La grande science à petite échelle a également vu les travaux de GreeNanoFilms récompensés. Ce projet européen, conçu en 2014 autour du Centre de recherche sur les marcomolécules végatales (Cermav – CNRS) et impliquant dix partenaires européens du monde académique et industriel, se concentre sur les nanotechnologies respectueuses de l’environnement. « Le cœur de GreeNanoFilms consiste à fabriquer des films minces par autoassemblage de copolymères biosourcés ou glycopolymères, explique Redouane Borsali, directeur de recherche au CNRS et coordinateur du projet. Ces matériaux obtiennent de meilleures performances que ceux issus de dérivés de pétrole. »

Les glycopolymères sont des polymères formés à partir de sucres, dont les exemples naturels les plus connus sont la cellulose et l’amidon. Elaborés grâce à la biomasse, ils sont donc fabriqués à partir de ressources abondantes et renouvelables. Les chercheurs de GreeNanoFilms ont acquis une telle maîtrise de ces briques élémentaires que celles-ci s’agencent d’elles-mêmes pour former des films nanostructurés d’une résolution de 5 nanomètres. Leurs multiples applications vont des films à haut rendement photovoltaïque à la nanolithographie, ainsi que toutes sortes de biocapteurs flexibles.

« Nous avons éprouvé beaucoup de joie à l’annonce du prix, ainsi que le sentiment d’avoir réussi un beau travail d’équipe, conclut Redouane Borsali. Grâce au CNRS, nous avons pu réunir des équipements de pointe et les compétences nécessaires à ce projet. »

  • 1Université Pierre et Marie Curie
  • 2Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat
  • 3Infrastructure for the European Network of Earth System modeling — Phase 2
  • 4CNRS/Université Versailles Saint-Quentin/CEA/ENS Paris/École Polytechnique/IRD/Université Paris Diderot/Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne/UPMC/École Polytechnique.
  • 5Earth System Grid Federation
  • 6Paramagnetic nuclear magnetic resonance