En Arizona, le premier IRC du CNRS est un succès

Institutionnel

Une délégation importante du CNRS s’est rendue à Tucson, en Arizona (États-Unis), pour échanger sur les prochaines actions du premier International Research Center du CNRS, inauguré l’an dernier. De nouveaux projets ont été lancés et les deux partenaires ont décidé de renforcer la structuration de la collaboration sur trois grandes thématiques.

Installé à Tuscon, en Arizona, le premier International Research Center (IRC) du CNRS fête sa première année. Pour l’occasion, une délégation de l’organisme a fait le déplacement aux États-Unis du 28 février au 2 mars, afin de dresser un état des lieux des collaborations existantes et de préparer les actions futures.

Mirror lab
La délégation du CNRS a visité le Mirror Lab où sont conçus les miroirs de télescopes géants. © CNRS

L’IRC entre le CNRS et l’Université d’Arizona (UoA) « est parfaitement en phase avec les défis sociétaux dans lesquels le CNRS s’est engagé1 . Il répond aux valeurs auxquelles nous sommes attachées, comme la place de la science dans la société, la science ouverte, la place des femmes dans la science ou encore l’inclusivité. », assure Antoine Petit, président-directeur général du CNRS.

Un partenariat stratégique pour pérenniser de nombreuses coopérations

Un IRC est un nouveau dispositif institutionnel qui vise à instaurer un dialogue stratégique ambitieux entre le CNRS et son partenaire académique pour définir leurs intérêts communs et les collaborations leur permettant d’y répondre ensemble, sous la forme de laboratoires de recherche internationaux (IRL2 ), de projets de recherche (IRP), de réseaux thématiques (IRN), ou d’autres dispositifs existants ou à développer. Premier du genre, l’IRC « France-Arizona Institute for Global Grand Challenges » a été inauguré en avril 2021. Il entend relever les grands défis scientifiques sur l’environnement naturel, social et digital, et s’appuie notamment sur des structures comme l’IRL iGlobes3 , l’un des 5 IRL du CNRS avec les États-Unis, et l’Observatoire Homme-Milieu International « Pima County » (voir encadré).

L’IRL iGlobes est un « très bon exemple » du programme du second mandat d’Antoine Petit à la tête du CNRS, qui vient de commencer : portant la devise « La recherche fondamentale au service de la société », ce programme repose sur les forces du CNRS, dont son « ensemble remarquable de coopérations internationales ». L’Université d’Arizona est en effet l’une des meilleures universités publiques des États-Unis. Leader mondial dans les sciences de l’environnement, notamment sur l’étude des déserts, l’hydrologie et la gestion des ressources en eau, elle est reconnue également dans le domaine de l’astronomie, des sciences des données et sur les problématiques liées aux zones frontalières telles que l’immigration ou le partage des ressources. Les collaborations entre le CNRS et l’Université d’Arizona sont riches : en termes de copublications sur la période 2009-2019, l’UoA est le 10e partenaire du CNRS aux États-Unis et le 6e universitaire, le CNRS étant quant à lui le premier partenaire étranger de l’UoA.

« Ce premier IRC est très important pour nous car ce type de partenariat au niveau institutionnel participe de la stratégie internationale du CNRS, décrite dans le Contrat d’objectifs et de performance 2019-2023 signé entre le CNRS et l’État », confirme Alain Schuhl, directeur général délégué à la science qui faisait partie de la délégation. Celle-ci était conséquente, avec des représentants de la gouvernance, des instituts du CNRS, de la Direction Europe de la recherche et coopération internationale (Derci), de la Mission pour les initiatives transverses et interdisciplinaires (Miti), et la présence de plusieurs scientifiques impliqués dans les projets en cours. Aux domaines de prédilection de l’UoA, s’ajoutent en effet de multiples collaborations en physique des particules, optique et sciences des matériaux (par exemple pour le médical, le spatial, les télécommunications et l’éclairage), ou encore en mathématiques appliquées.

Mais « cet IRC n’est pas juste un catalogue de collaborations : c’est un partenariat entre nos deux communautés de recherche », soutient le DGDS. Son suivi est ainsi assuré par un comité bilatéral au plus haut niveau des deux établissements.

Émergence d’une nouvelle communauté scientifique

Le « PhD Joint Program » cofinancé par les deux institutions enrichit ainsi le partenariat privilégié de nouvelles recrues. Il a été mis à l’honneur lors de cette visite, avec un workshop scientifique rassemblant les 6 projets choisis en avril 2021 après une évaluation bipartite de 67 dossiers reflétant le volume et la diversité des collaborations. Ces projets – sur les interactions sol-plante, l’évolution de l’Univers, la justice environnementale, la chimie verte, les épidémies anciennes ou encore l’optique quantique – donnent lieu à 12 thèses dirigées par un binôme de porteurs de projet en France et en Arizona. Tous ont salué l’apport et la complémentarité de cette coopération internationale. Suite au séjour, six nouveaux projets conjoints, sur des domaines impliquant 5 instituts – géosciences et hydrologie, perception et environnement, maladies infectieuses, chimie atmosphérique, analyse topologique et données à large échelle – entrent dans le renforcement des activités associées à l’IRC. Ce sont donc au total, entre 2021 et 2022, 12 projets bilatéraux, associant 24 thèses, qui structurent le dispositif entre le CNRS et l’Université d’Arizona.

Doctorant devant une slide de présentation
Lors du séjour, les participants au PhD Joint Program ont présenté leurs recherches. © CNRS

Par ailleurs, cinq équipes bénéficient d’une International Emerging Action financée à partir de 2022 par le CNRS. Elles ont aussi pu présenter leurs projets sur le langage, les systèmes de gestion de l’énergie, les technologies quantiques, les jumeaux numériques appliqués au domaine médical et la théorie de l’argumentation computationnelle appliquée aux débats démocratiques. Ces projets ont vocation à explorer de nouveaux champs de recherche dans le cadre de cette collaboration.

Le déplacement fut surtout l’occasion d’aborder le futur de l’IRC, tant au niveau des priorités de collaboration et des thématiques à soutenir que des moyens nécessaires (notamment les outils de collaboration existants ou à développer) à mettre en œuvre.

Une nouvelle étape

Trois axes prioritaires ont ainsi été décidés, autour de l’eau, du carbone et des pandémies du futur. « L’eau et le carbone sont des sujets sur lesquels le CNRS attribue déjà de nombreux moyens de recherche, avec notamment une cellule dédiée à l’eau et les nouveaux Programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR) exploratoires  One Water – Eau, bien commun et FairCarbon – sur le cycle du carbone. Sur le sujet des pandémies, nous sommes très complémentaires : le CNRS est expert en modélisation, l’UoA en sciences médicales », explique Alain Schuhl. Sur ces trois thèmes « mûrs », les projets vont donc pouvoir commencer rapidement et les copublications, encore en nombre limité aujourd’hui, devraient se multiplier.

Des appels à projets pourraient aussi être lancés sur des sujets, comme la biologie-santé, l’optique et les technologies quantiques, sur lesquels les deux institutions ont « une belle complémentarité mais aussi un apprentissage à faire pour travailler ensemble efficacement ». D’autres thèmes d’intérêt mutuel auront ainsi vocation à se développer à l’avenir.

Pour soutenir cette « forte volonté de travailler ensemble », la direction du CNRS a également décidé d’adapter la gouvernance de l’IRC côté français en nommant Gilles Pinay, directeur de recherche au CNRS et directeur adjoint scientifique à l’Institut Écologie et Environnement du CNRS (Inee), à la direction scientifique de l’IRC, au siège, afin de faire le lien entre les chercheurs et chercheuses des unités françaises et la direction de l’IRC à Tucson. Ce binôme de directeurs sera accompagné d’un Comité de conseil accueillant des personnes extérieures au CNRS et à l’UoA, afin d’aider à identifier des programmes et sources de financement. Des groupes de travail sur les différents thèmes scientifiques vont rapidement être mis en place et restitueront le fruit de leur réflexion lors d’une visite en retour d’une délégation de l’Université d’Arizona en France.

« Lors de ce séjour, les échanges ont été enthousiasmants et fructueux : le CNRS et l’Université d’Arizona se donnent les moyens de relever collectivement les défis que représentent les axes choisis », retient Alain Schuhl. « Je suis incroyablement fier de notre collaboration avec le CNRS et de ce que nous avons déjà accompli ensemble », a commenté Robert C. Robbins, le président de l’UoA : « Ce partenariat s'inscrit parfaitement dans le projet stratégique de notre Université, et nous avons pour objectif de faire de notre Institut France-Arizona un modèle pour le réseau d’IRC que le CNRS développe dans le monde. J'ai hâte de voir ce que nous pouvons accomplir ensemble. »

De nouveaux IRC sont en effet en préparation avec des « institutions très prestigieuses avec lesquelles le CNRS souhaite travailler », indique Alain Schuhl. Le premier, pour « les sciences et les technologies transformationnelles », sera signé le 8 avril avec l’Imperial College de Londres et des discussions sont en cours avec l’Université de Tokyo.

  • 1Changement climatique, inégalités éducatives, intelligence artificielle, santé et environnement, territoires du futur, transition énergétique sont les six défis sociétaux inscrits dans le Contrat d’objectifs et de performance (2019-2023) que le CNRS a signé avec l’État.
  • 2International Research Laboratory - Ces unités de recherche sous tutelle du CNRS et d’au moins un partenaire étranger, ainsi parfois que d’autres institutions de recherche françaises et étrangères, accueillent, en un lieu identifié et, de manière significative et durable, des scientifiques travaillant ensemble sur des axes scientifiques définis.
  • 3Interdisciplinary and Global Environmental Studies (CNRS/ENS Paris Sciences et Lettres/Université d’Arizona).

iGlobes et Pima County : la recherche environnementale du CNRS à Tucson

Océan miniature
L’infrastructure Biosphere 2 reproduit notamment un "océan" en modèle réduit. © CNRS

L’IRC entre le CNRS et l’Université d’Arizona couvre de nombreuses thématiques. Il confirme en particulier deux actions collaboratives déjà structurées, l’International Research Laboratory iGlobes et l’Observatoire Homme-Milieu International (OHMI) « Pima County ».

iGlobes catalyse une recherche interdisciplinaire innovante sur des défis globaux liés à l’environnement et aux ressources naturelles, en particulier la question des relations des populations à la nature et à son évolution, face notamment à l'exploitation à très grande échelle des ressources minières de la région et au bouleversement climatique auquel le sud-ouest américain est particulièrement exposé avec son climat aride. Dans ce cadre, l’IRL a accès à un outil expérimental unique au monde, l’infrastructure Biosphere 2 de l’Université d’Arizona. Situé à Oracle dans le désert en bordure des monts Santa Catalina, ce système écologique fermé, le plus grand jamais construit, permet des expérimentations en conditions très contrôlées. Une forêt tropicale, un désert, un océan doté d’un récif corallien, une mangrove, une savane et un terrain agricole y sont reproduits en modèle réduit. Ce modèle d’un « mini-monde » clos aux ressources limitées permet d’interroger la fragilité et la résilience du système que forme l’humain dans la biosphère.

iGlobes fédère aussi des équipes multidisciplinaires d’Amérique du Nord, du Sud et d’Afrique pour promouvoir de nouvelles actions de recherche transcontinentales, autour de grands défis environnementaux. L’environnement naturel de la région fait en effet d’iGlobes et de l’IRC des outils intéressants pour aider le CNRS dans son Plan pluriannuel de coopérations avec l’Afrique.

Comme les autres OHM en France ou à l’étranger, « Pima County » est un dispositif de recherche dédié à la compréhension des écosystèmes anthropisés, artificialisés (anthropoconstruits) et complexes, dans lesquels l’Homme interagit directement avec la géosphère et la biosphère. Les recherches de cet OHMI portent sur l’interaction de multiples acteurs dans la gestion de transformations environnementales irréversibles affectant l’écosystème du Sonora.