IoTAE-Lab : un laboratoire commun pour les capteurs environnementaux

Innovation

Portant à un nouveau niveau la collaboration entre la Fédération des recherches en environnement (FRE, CNRS/Univ. Clermont Auvergne) et l’entreprise Linxens, le laboratoire commun IoTAE-Lab a été inauguré fin juin. Il vise à intégrer l’IA à des réseaux de capteurs environnementaux afin d’optimiser leur consommation énergétique.

Grâce aux progrès de l’Internet des objets (IoT), les chercheurs peuvent déployer sur le terrain des réseaux de capteurs de plus en plus sophistiqués. L’efficacité énergétique de ces systèmes pourrait cependant être encore améliorée. C’est précisément ce sur quoi travaille Emmanuel Bergeret, professeur à l’université Clermont Auvergne et membre du Laboratoire de physique de Clermont Auvergne (LPCA, CNRS/Univ. Clermont Auvergne). Issu du monde de la microélectronique, il conçoit des puces et des systèmes électroniques à basse consommation qu’il s’efforce également de rendre plus faciles à utiliser, afin qu’un maximum d’usagers puisse s’en emparer.

« Nous développons notamment des solutions IoT qui permettent aux gens de mesurer ce qu’ils veulent, où ils veulent et sur la durée qu’ils veulent, précise Emmanuel Bergeret. L’intégration de modèles d’intelligence artificielle, dont des réseaux de neurones, permet par ailleurs d’économiser de l’énergie tout en traitant la donnée au plus proche de la mesure. » L’IoT est en effet souvent basée sur des architectures où un réseau de capteurs récupère des données brutes, qui remontent à des nœuds qui les acheminent ensuite à des serveurs, où elles sont traitées pour être utilisables et intelligibles pour les usagers. Ainsi, le réseau capture et transmet, mais n’effectue que peu de calculs.

Emmanuel Bergeret estime à l’inverse qu’une bonne partie de ce traitement pourrait s’opérer au sein du réseau. Avec des algorithmes suffisamment optimisés, on économiserait davantage à ne plus avoir à envoyer autant de données que cela coûterait de lui conférer un peu de la charge de calcul. Ces économies d’énergie sont essentielles pour faire fonctionner plus longtemps des capteurs souvent installés dans des lieux éloignés ou difficiles d’accès. Cette approche permet également de gagner du « temps serveurs » sur des machines qui gèrent de nombreux projets à la fois, en optimisant la quantité et la pertinence des données à stocker et traiter.

Depuis 2016, la communauté universitaire clermontoise a travaillé à la création d’instruments de mesure connectés et adaptés à des environnements extrêmes, comme les volcans, les milieux sous-marins et même d’anciennes mines d’uranium. Cela a conduit, en 2019, aux premières collaborations avec l’entreprise Linxens, leader mondial des solutions de connectivité pour les cartes à puce et l’IoT.

« Emmanuel Ranc, actuellement CTO IOT solutions chez Linxens, est venu tester certaines de nos solutions, raconte Emmanuel Bergeret. Les résultats ont été concluants et nous avons décidé de poursuivre ensemble. » Les liens se sont alors renforcés au point qu’un développement de carte mère IOT a pu être financé par Clermont Auvergne métropole (CAM), puis par la création d’un laboratoire commun (labcom) entre le CNRS, l’université Clermont Auvergne, l’INRAE et Linxens. Ce laboratoire pour l’Internet des objets appliqué à l’environnement (IoTAE-Lab) a été inauguré le 26 juin à Aubière, dans le Puy-de-Dôme. Il durera pendant au moins quatre ans grâce à un financement de l’Agence nationale de la recherche (ANR).

L’objectif de IoTAE-Lab est de renforcer la sobriété énergétique des capteurs, de leur réseau et de minimiser le coût énergétique de leur conception et de leur maintenance. Cela va se faire en optimisant le nombre de composants et en proposant des solutions modulaires et réparables.

Le labcom est organisé en trois grands axes. D’abord, l’amélioration des performances énergétiques et de l’autonomie des systèmes. Ensuite l’intégration de l’IA aux systèmes embarqués. Enfin, le perfectionnement des capteurs pour qu’ils fonctionnent dans des conditions éprouvantes, comme sous l’eau ou hors de portée des réseaux de télécommunication.

Au niveau des applications et dans une première phase du labcom, les efforts se concentreront sur des réseaux de capteurs adaptés à la surveillance des feux de forêt et de l’état des ressources en eau. Cette étape devrait durer environ deux ans. Dans un second objectif, l’équipe s’intéressera également aux cyanobactéries et aux maladies affectant les cultures céréalières.

« Nous voulons monitorer l’environnement sans le dégrader, insiste Emmanuel Bergeret, qui dirige le labcom. Et nous faisons le pari que nous y parviendrons tout en atteignant un degré d’analyse bien supérieur à celui des dispositifs existants. Notre approche permettra notamment de réagir beaucoup plus vite à certaines informations, puisqu’elles n’auront plus besoin d’être remontées jusqu’à un serveur qui les traitera dans un second temps. »

Pour cela, les chercheurs procèdent à l’apprentissage d’un modèle IA sur un serveur classique, puis réagencent des couches des réseaux de neurones pour en réduire suffisamment le poids. Le modèle pourra ainsi tourner sur des processeurs peu puissants et être distribué sur les différents nœuds du réseau, tout en restant fonctionnel.

Un espace sera dédié au labcom au sein de Linxens pour que l’équipe puisse se retrouver au niveau de Clermont-Ferrand et des tests et mesures seront développés sur les sites de Montluçon et d’Aubière sur lesquels les chercheurs sont présents. Plusieurs ingénieurs vont être engagés pour faire le lien entre Linxens et le LPCA, et développer les premiers dispositifs adaptés aux objectifs de IoTAE-Lab. De quoi former une base pour développer de tout nouveaux réseaux de capteurs.