Patrice Simon, copilote du programme Batteries pour le CNRS.
Patrice Simon, copilote du programme Batteries pour le CNRS. © CNRS

Programme national de recherche Batteries : pionnier de la recherche avancée pour les batteries de demain

Institutionnel

Le programme national de recherche Batteries – piloté par le CNRS et le CEA – participe au développement de nouvelles générations de batteries plus performantes, plus sûres et moins chères. Il est financé à hauteur de 50,5 millions d’euros sur une durée de 7 ans. Entretien avec Patrice Simon, copilote du programme pour le CNRS.

Quels enjeux entourent le programme et équipements prioritaires de recherche (PEPR) d’accélérationBatteries - que vous coordonnez depuis plus d’un an avec Hélène Burlet (CEA) ?

Patrice Simon : Actuellement, 70 % des capacités de production mondiale de batteries de véhicules électriques sont localisées en Chine. Or, les batteries vont jouer un rôle clé dans les années à venir en France et en Europe. En ce sens, ce PEPR va mener une recherche amont (TRL1  1 à 4) sur le développement de nouvelles chimies/matériaux pour les systèmes de stockage à durée de vie allongée, plus performants, moins gourmands en métaux critiques et donc moins chers. D’autres aspects concernent la mise au point de systèmes de gestion de batteries, la modélisation ou encore le développement de techniques de caractérisations operando des systèmes. Ces batteries serviront plus tard à la mobilité électrique et au stockage d’énergie stationnaire et renforceront, nous l’espérons, les capacités industrielles françaises sur l’ensemble de la chaîne de valeur des batteries.

Quelles chimies de batteries y sont étudiées ?

P.S. : Nous travaillons sur des systèmes dits « tout solide » qui verront le jour au cours de la prochaine décennie. L’enjeu est de remplacer l’électrolyte liquide des batteries actuelles par un électrolyte solide afin de renforcer leur sécurité tout en augmentant leurs performances.

Ces systèmes contiennent cependant du lithium qui est répertorié comme matériau critique. C’est pourquoi nous étudions aussi des chimies alternatives. Le PEPR vient renforcer l’expertise française sur les systèmes sodium-ion2 . Cette chimie de puissance permet une recharge très rapide et nous espérons lui faire atteindre les mêmes performances en densité d’énergie, donc en autonomie, que les batteries Li-ion de type LFP (Lithium Fer Phosphate).

Nous développons aussi des batteries à flux redox sans matériaux critiques dédiées au stockage des énergies renouvelables. Elles reposent sur la dissociation de la quantité d'énergie chimique stockée et de la puissance électrique produite. D’autres travaux visent à remplacer les métaux (cobalt et nickel) des électrodes par des matériaux organiques dans un souci de souveraineté de la technologie.

Quels sont les autres axes du PEPR ?

P.S. : Un axe est dédié au système de contrôle des batteries (battery management system - BMS). L’objectif est d’identifier des indicateurs pour anticiper leur vieillissement en fonctionnement et allonger leur durée de vie. On se base par exemple sur des capteurs optiques couplés à de l’analyse par intelligence artificielle pour réaliser ce type de diagnostic. Un dernier axe porte sur la caractérisation operando et la modélisation. Trois projets sont lancés pour développer des jumeaux numériques de lignes de fabrication d’électrodes (des répliques virtuelles à l’identique de la ligne physique), créer des librairies d’électrolytes pour accélérer les développements technologiques et développer des modèles pour mieux comprendre et prédire les réactivités des matériaux au cœur des batteries. Les résultats de ces deux axes alimentent directement les développements menés sur les différentes chimies susmentionnées.

Quelles sont les retombées attendues au terme du programme ?

P.S. : Nous espérons avoir des répercussions sur une grande partie de la chaîne de valeur des batteries : apporter des matériaux innovants aux fabricants de matières premières ou des chimies nouvelles aux fabricants de cellules, par exemple, ou encore proposer de nouvelles architectures de BMS de batteries. Ces recherches amont ambitionnent aussi de générer des projets de maturation ou de prématuration sur ces technologies innovantes afin de favoriser leur transfert vers le secteur économique et in fine les rendre accessibles au plus grand nombre.

Enfin, beaucoup de gigafactories3  se créent en Europe, dont cinq en France. Le programme de formation par la recherche développé dans le cadre du PEPR contribuera à la montée en puissance de ces structures, qui sont des éléments clés pour assurer la souveraineté énergétique de notre pays.

  • 1L’échelle TRL vise à évaluer sur une grille allant de 1 à 9 (stade le plus élevé) le niveau de maturité technologique d’un projet.
  • 2Expertise développée depuis une dizaine d’années par la communauté scientifique fédérée au sein du Réseau sur le stockage électrochimique de l’énergie (RS2E) du CNRS et qui est à l’origine de la spin-off Tiamat.
  • 3Usines de très grande taille dédiées à la production de batteries pour les voitures électriques.