Un projet de recherche du CNRS reçoit le prix de la recherche participative

Institutionnel

Le 27 juin 2024, AirGéo, un projet de recherche participative sur la pollution de l’air au Sénégal porté par le CNRS, a reçu le prix « Co-construction » lors de la troisième remise des prix nationaux de la recherche participative.

« Grâce à cette initiative conjointe, nous avons un exemple très concret pour illustrer cette voie dans laquelle le CNRS est engagé depuis toujours et que nous n’avons de cesse de réaffirmer : la recherche au service de la société ». C’est par ces mots qu’Antoine Petit, président-directeur général du CNRS, a félicité le jeudi 27 juin 2024 au siège du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Yann Tastevin et Mélina Macouin1 , respectivement chargé et directrice de recherche au CNRS. Ce soir-là, les deux scientifiques ont en effet décroché le prix « Co-construction » de la troisième remise des prix nationaux de la recherche participative, cérémonie organisée par l’Inrae, pour leur projet « AirGéo ». Un autre projet de recherche participative auquel ont contribué des scientifiques du CNRS – Spipoll, consacré au suivi photographique des insectes pollinisateurs – a pour sa part reçu le prix « Recueil citoyen ».

Depuis six ans, de Toulouse à Dakar, AirGéo étudie la pollution de l’air dans les espaces domestiques. Le sujet a son importance : selon l’OMS, la mauvaise qualité de l’air entraîne chaque année 4,2 millions de décès prématurés dans le monde, dont 40 000 en France. Pour mesurer l’impact environnemental et sanitaire de ces micro- et nanoparticules, l’anthropologue et la géophysicienne ont inventé un dispositif low tech : des capteurs passifs, à faible impact environnemental, qui se présentent sous la forme de petites guirlandes d’écorces à installer chez soi.

 

Recueillir des données

Une première expérience, baptisée « NanoEnvi », eut lieu à Toulouse en 2018. Elle avait pour but de quantifier dans 150 foyers les particules et nanoparticules magnétiques issues du trafic routier et leur devenir depuis la rue vers l’intérieur des logements.

Quatre ans plus tard, Yann Tastevin et Mélina Macouin répliquent leur expérience initiale à Dakar, au Sénégal, où se trouve le laboratoire de recherche international Environnement, santé, sociétés2 dont l’anthropologue est directeur adjoint. Ce dernier mène depuis plusieurs années des recherches sur les filières de récupération et de transformation des métaux originaires d’Europe. Le projet AirGéo s’intéresse plus spécifiquement au centre culturel sénégalais Kër Thiossane et son fablab Defko Ak Niëp (« faire ensemble » en français), à Dakar, et à la commune de Sebikotane, à 45 km à l’est de la capitale, devenue en quelques années un centre industriel majeur de l’agro-alimentaire et dont la mairie et des associations citoyennes cherchent à connaître la qualité de l’air qu’ils respirent au quotidien.

Pour ce faire, les porteurs du projet, soutenus par la Mission pour les initiatives transverses et interdisciplinaires du CNRS et avec la collaboration de l’IRD et de l’Unioversité Cheik-Anta-Diop de Dakar et du Belmont Forum, ont installé des capteurs en écorce d’eucalyptus dans les foyers de Dakar et de Sebikotane. Parvenir à les déployer dans le for privé, jugé par les résidents à l’abri de la pollution extérieure, n’allait cependant pas sans encombres. Pour réussir à embarquer la population dans ce projet de recherche, ses porteurs ont mené un intense travail de co-construction tant avec la commune, les délégués de quartier, les femmes responsables de la santé communautaire que des jeunes associatifs, des comédiens de théâtre-forum et bien évidemment les habitants accueillant chez eux lesdits capteurs. Une réussite qu’a saluée le PDG du CNRS dans son discours de remise, en insistant sur « la confiance réciproque qui s’est instaurée pour trouver des solutions à des questions à la fois de sciences et de mieux vivre ».

 

Inventer des solutions

Deux ans après son lancement, AirGéo a débouché sur un certain nombre d’initiatives concrètes pour améliorer la qualité de l’air dans les deux communes : création d’une association citoyenne de régénération de la végétation, nouveau plan local d’urbanisme, formation de médiateurs à l’environnement, participation des usines à une conciliation, prise en charge des intoxications au plomb par les centres antipoison locaux et lancement d’études en santé et toxicologie, mais aussi un festival sciences-arts-société dans les quartiers et une exposition itinérante.

AirGéo n’entend pas s’arrêter là. Avec le soutien de CNRS Sciences humaines et sociales, l’un des dix instituts de l’organisme, le projet mettra prochainement en place un observatoire permanent afin de consolider la synergie d’acteurs et actrices en faveur du développement urbain durable.

« Dans ce projet, estime Antoine Petit, les scientifiques et participants et participantes sont, selon moi, exactement à la bonne place :   avec les habitants qui seront les premiers bénéficiaires du dispositif, les scientifiques co-construisent le projet, fabriquent les capteurs, discutent des protocoles, mènent les enquêtes terrain, puis organisent collectivement la restitution des données et des résultats ».

 

Remise du prix au projet AirGéo
Remise du prix au projet AirGéo. ® CNRS

 

  • 1Au sein du laboratoire Géosciences Environnement Toulouse (CNES / CNRS / IRD / Université Toulouse-III Paul-Sabatier).
  • 2CNRS / CNRST / Université Cheikh-Anta-Diop / Université de Bamako / Université Gaston-Berger.