L’intelligence collective au service d’une recherche bas carbone

Institutionnel

L’initiative « Décarbonons ! Une trajectoire bas carbone pour l’ESR » a permis la formation de 150 personnes en six mois aux enjeux et à l’accompagnement de la transition écologique. Retrouvez les témoignages de participants et participantes.

60 animateurs / animatrices Fresque du Climat
60 animateurs / animatrices Ma Terre en 180 minutes
30 facilitateurs / facilitatrices formés

« Pour moi, il y a eu un avant et un après. » Quand on évoque la fresque du climat, Laurent Hadj Rabah s’émeut. Responsable du secteur de l’imprimé à la délégation Île-de-France Villejuif du CNRS, il a découvert ce jeu sérieux à l’occasion d’un séminaire d’équipe. L’expérience a été « une vraie prise de conscience » qui l’a « complètement bouleversé » : « Je savais qu’il y avait des problèmes avec le climat, mais je me suis rendu compte de mon impact individuel et de ma responsabilité envers mes enfants : chacun peut, et doit, faire ce qu’il peut, dans son quotidien professionnel et personnel, pour améliorer la situation. »

Des outils clés en main

C’est pour susciter ce type de prise de conscience que le CNRS et l’Institut de recherche pour le développement (IRD) se sont associés1  pour proposer aux laboratoires des deux établissements des outils clés en main de sensibilisation et de mobilisation des personnels, en accord avec leurs plans de transition et le Plan climat et biodiversité du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

L'initiative consistait, d’une part, à créer un vivier d’animateurs et animatrices d’ateliers collaboratifs sur deux outils complémentaires qui mobilisent l’intelligence collective – la fresque du climat et Ma Terre en 180 minutes (voir encadré) – et, d’autre part, à former des facilitateurs. Des formations qui ont permis de « rassembler autour d’un même sujet des personnes aux métiers et environnements variés qui n’ont pas toujours l’occasion d’interagir : chercheurs, ingénieurs et techniciens, agents des unités, des délégations régionales ou du siège », explique Blandine de Geyer, référente nationale « développement durable » qui a porté le projet du côté du CNRS. « À travers ces trois actions clés, le CNRS poursuit son engagement dans une démarche nationale de réduction de son impact environnemental. », résume-t-elle.

  • 1Par une réponse commune à l’appel à défis « Innovation écoresponsable » (lancé par le Commissariat général au développement durable et la Direction interministérielle de la transformation publique en fin d’année dernière) financée à hauteur de 42 000 euros pour une durée de 6 mois.

Deux outils complémentaires

  • La fresque du climat est un jeu sérieux à base de cartes, basé sur les données des rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Il vise à sensibiliser aux conséquences du changement climatique de manière ludique grâce à une réflexion collective.
  • Issu de la réflexion de scientifiques français, Ma Terre en 180 minutes est un atelier collaboratif. Il place les participants dans un laboratoire fictif, mais basé sur des données réelles, pour lequel ils doivent construire ensemble un scénario de réduction de l’empreinte carbone. Au-delà des constats, Ma Terre en 180 minutes poursuit la réflexion sur les actions possibles à l’échelle du monde de la recherche. D’autres versions du jeu sérieux s’ouvrent à présent à d’autres publics, , ainsi qu'une version programmatique pour anticiper les émissions d'équipes réelles et scénariser leur réduction.

Une expérience que tout le monde doit faire

Comme 60 agents, Laurent Hadj Rabah s’est ainsi formé à l’animation d’une fresque du climat. Il espère partager sa prise de conscience avec le plus grand nombre : « Tant qu’on n’a pas fait la fresque, si l’on n’est pas spécialiste, on ne se rend pas compte des conséquences. », explique-t-il, lui qui à présent utilise peu la voiture, éteint son ordinateur mais aussi la climatisation et les machines professionnelles de son service avant de partir le soir, et participe aux groupes de travail de la délégation sur la transition.

Plusieurs personnes réfléchissant debout autour d'une table sur laquelle se trouve des cartes de la fresque du climat
Quelques animateurs et animatrices formés via le projet « Décarbonons ! » ont animé des fresques du climat et des ateliers « Ma Terre en 180 minutes » lors de la Semaine du développement durable organisée à la délégation régionale Paris Normandie du CNRS. © CNRS

Directrice de la stratégie financière, de l'immobilier et de la modernisation du CNRS, Sabine Deligne a, quant à elle, organisé une fresque dans le cadre d’un séminaire de direction. « Je cherchais une activité qui favorise la cohésion et en prise avec notre actualité professionnelle. », motive-t-elle. Très appréciée, cette activité a permis de « mêler des personnes issues des différents services et de les faire réfléchir et travailler en commun », tout en fournissant une « compréhension améliorée et plus globale » des enjeux environnementaux qui ont un impact sur le quotidien mais aussi le travail de ces agents. « Ce qui m’a frappée, c’est la grande diversité de réactions émotionnelles face à la fresque : chacun y répond de façon personnelle. », ajoute Sabine Deligne. Comme elle, 50 dirigeants du CNRS ont participé à une fresque et certains ont eux-mêmes organisé des ateliers de sensibilisation pour les agents de leur direction, précise Blandine de Geyer, saluant un « portage du projet au plus haut niveau ».

Un « vis ma vie » pour mieux décarboner

L’autre outil clé en main est Ma Terre en 180 minutes qui « va dans le sens de ce que nous voulons développer au sein des laboratoires : un espace de dialogue qui prenne en compte les objectifs et les contraintes des différents métiers et environnements », détaille la référente nationale.

Conçu en 2020 par trois co-fondateurs et trois co-fondatrices issus de divers établissements de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) – une « variété représentative » selon l'un d'entre eux, Nicolas Gratiot, directeur adjoint de l’Institut des géosciences de l’environnement1  –, Ma Terre en 180 minutes a déjà été testé par près de 2000 participants dans une dizaine de pays. En s’associant à « la force de frappe du CNRS » pour former 60 animateurs via l’appel à projets Décarbonons !, Nicolas Gratiot, qui a porté le projet côté IRD, souhaite « engager les personnels qui le souhaitent dans une montée en compétences sur le sujet, à toutes les échelles hiérarchiques ».

Ma Terre en 180 minutes s’organise en trois temps : un temps de transmission ou rappel de connaissances sur les enjeux et limites planétaires, un temps de jeu sérieux autour d’une simulation de laboratoire puis un temps d’analyse des propositions faites par les participants pour réduire de moitié l’empreinte carbone du laboratoire. « On essaie alors de déterminer quelles solutions peuvent être rapidement adaptées aux véritables laboratoires dont sont issus les participants. », détaille Nicolas Gratiot. La simulation réaliste permet, selon lui, un entre-deux entre confronter directement le problème dans sa vie professionnelle, avec tout l’affect que cela suppose, et rester uniquement dans le domaine de l’imaginaire. « Cela crée un petit décalage, dans une logique de “vis ma vie” qui met à l’aise pour chercher des solutions réalistes sans s’attaquer à sa propre posture professionnelle. », traduit le chercheur.

Au-delà des post-its

Et pour celles et ceux qui souhaitent appliquer ces solutions dans leur vie réelle, la dernière action du projet Décarbonons ! est faite pour eux : une formation à la facilitation pour accompagner des démarches participatives dans les laboratoires et les établissements. Objectif : s’engager dans une démarche de transition et de réduction de l’empreinte environnementale, tout en maintenant la qualité de vie au travail et un haut niveau de qualité de la production scientifique. Deux sessions ont déjà permis de former 30 facilitateurs. Après deux jours en présentiel, ceux-ci sont accompagnés individuellement pendant 6 mois par la formatrice spécialisée Anouck Hubert.

groupe assis en rond écoutant une formatrice (assise aussi)
En deux sessions, Anouck Hubert a formé 30 facilitateurs et facilitatrices à la méthode « Faciliter la démarche participative pour réduire l’impact environnementale de mon unité ». © CNRS

« La facilitation n’est pas les post-its ! », prévient d’emblée celle qui connaît bien l’environnement de travail et les enjeux et contraintes des stagiaires, pour avoir travaillé en laboratoires pendant 15 ans. « Il s’agit de se mettre au service d’un collectif afin de permettre à tous ses membres de s’engager dans la construction de solutions acceptables par tous et de passer à l’action concrète. », dévoile-t-elle.

Une responsabilité à endosser

Ingénieur de recherche à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière2 , Maximilien Chaumon fut l’un d’eux. Il a particulièrement apprécié « la réflexion poussée proposée et les échanges très dynamiques entre stagiaires autour de mises en situation concrètes ». Membre de la « green team » du laboratoire qui promeut une transition bas carbone, il se dit enthousiaste à l’idée de mettre la formation, et les compétences transverses qu’il y a acquis, en pratique : « En tant que scientifiques, conscients des enjeux et des problèmes, nous devons agir pour montrer l’exemple. », milite celui qui prévient que « l’évaluation de ces activités dans la carrière d’un scientifique est un gros enjeu ».

Par ses trois piliers complémentaires – la connaissance du sujet via la fresque du climat, la sensibilisation-action grâce à Ma Terre en 180 minutes, et l’accompagnement au long cours par les facilitateurs –, « le projet “Décarbonons !” a eu un effet très structurant pour l’axe “sensibilisation” du plan de transition du CNRS », conclut Blandine de Geyer. Les animateurs ainsi formés vont en effet pouvoir déployer des ateliers à l’échelle des établissements et laboratoires. D’autres animateurs pourraient être formés selon les besoins.

  • 1CNRS/INRAE/IRD/Université Grenoble Alpes.
  • 2CNRS/Inserm/Sorbonne Université.