Les plateformes au cœur des PEPR

Institutionnel

Les 31 Programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR) (co)pilotés par le CNRS s’appuient fortement sur la mise en place et l’utilisation de plateformes. Quelques exemples pour comprendre leur importance.

 « Les Programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR) se veulent structurants pour les communautés scientifiques françaises, notamment à travers le développement et la mise en réseau de plateformes », explique Isabelle Sagnes, codirectrice pour le CNRS du ​​PEPR d’accélération pour l’électronique. Déjà existantes ou développées spécialement, ces plateformes nationales sont des lieux physiques ou virtuels offrant des services ou des outils partagés avec l’ensemble d’une communauté de recherche. Il en existe dans toutes les disciplines, de la plateforme SHS Santé aux plateformes du Grand accélérateur national d’ions lourds (GANIL) pour la recherche en physique des particules. Elles permettent d'optimiser les investissements et l’utilisation des équipements et des expertises humaines pour mieux développer les innovations de demain.

Cartes

Piloté par le CNRS et le CEA, le PEPR d’accélération pour l’électronique – un enjeu stratégique au cœur des fonctionnalités numériques des produits et services – s’appuie ainsi sur le réseau national des grandes centrales de technologies en micro- et nano-fabrication (Renatech). Créé en 2003 et porté par le CNRS, celui-ci regroupe 5 centrales d'intégration (Laas, IEMN, Femto-ST, LTM et C2N) et est complété par les 28 centrales régionales du réseau Renatech+. Indispensables au travail de recherche, ces centrales permettront de réaliser toutes les étapes pour fabriquer des composants, du matériau à la mise en boîtier. « Cet environnement sera porteur d’innovations clés », assure Isabelle Sagnes, comme des capteurs capables d’opérer dans des environnements sévères, de mesurer la qualité de l’air ou de détecter des virus via les téléphones portables, ou encore des composants basse consommation pour la conversion énergétique ou pour améliorer les télécommunications, le calcul embarqué et l’IA.

Avec un budget de 86 millions d’euros, dont 40 % dédiés à la jouvence de ces centrales, « le PEPR Électronique entend redonner vie à des filières technologiques nationales qui intéressent les industriels français », précise la codirectrice du programme. Par exemple, la filière « VECSEL InP », arrêtée depuis dix ans faute de moyens, sera utile à la géolocalisation et à la future 6G. De nouvelles filières s'appuient aussi sur un financement complémentaire issu de l'Équipex+/ESR-Nanofutur, autre programme national, qui a permis d’investir dans du matériel de pointe inédit.

Fours à matériaux
Appartenant au réseau Renatech, cette plateforme de micro et nanotechnologies du Laboratoire d'analyse et d'architecture des systèmes (CNRS) permet la croissance ou le dépôt de matériaux pour la réalisation de composants microélectroniques, optoélectroniques, de micro et nanosystèmes. © Cyril FRESILLON/CNRS Photothèque

Construire des plateformes en synergie

La même logique s’applique par exemple au PEPR exploratoire Diadem qui doit accélérer la découverte et la mise sur le marché de matériaux innovants. « Notre stratégie repose sur la mise en place d’équipements pérennes de haut niveau avec le Open Materials Discovery Hub, un réseau de quatre plateformes spécialisées, distribuées sur le territoire et coordonnées », affirme Mario Maglione, codirecteur du programme1 .

Avec un budget d’environ 40 M€, ces plateformes seront des centres d’expertise disposant d’équipements de pointe en synthèse et caractérisation à haut débit, et en simulations numériques multi-échelle, ainsi qu’une infrastructure de bases de données avec notamment des outils de stockage et d’apprentissage. Toutes utiliseront des outils d’intelligence artificielle et donneront accès aux infrastructures déjà existantes dans chaque domaine. « De ces plateformes, mais surtout de leur mise en synergie, naîtra la capacité à renouveler l’innovation en sciences des matériaux », prédit Mario Maglione. Pour le prouver, des scientifiques français reconnus internationalement mèneront des projets « démonstrateurs » qui reposeront sur les plateformes et en montreront l’efficience et la viabilité.

S’appuyer sur des infrastructures déjà existantes

Porté par le CNRS et Inrae avec un budget de 40 M€ sur six ans, le PEPR exploratoire FairCarboN a pour objectif d’étudier les écosystèmes continentaux pour identifier des leviers et trajectoires pour la neutralité carbone. Il bénéficiera des interactions avec des infrastructures de recherche déjà existantes, au sein desquels le CNRS est impliqué, pour l'expérimentation sur les écosystèmes (AnaEE), la mesure des gaz à effet de serre (Icos), l'étude de la zone habitable des continents (Ozcar) ou encore de l’évolution du système Terre (Data Terra). « Le PEPR s’appuiera sur ces infrastructures et en retour les nourrira par les données accumulées ou les programmes menés qui les dynamiseront », indique Sylvie Recous, codirectrice de programme pour Inrae2 .

Homme fermant une porte d'un espace clos rempli de plantes
Le métatron terrestre de la Station d’écologie théorique et expérimentale (SETE), en Ariège, est peuplé par une communauté d’espèces animales et végétales auxquelles on impose certaines conditions de température, d’humidité et de rayonnement solaire. Cette plateforme unique au monde appartient à l’infrastructure AnaEE France. © Cyril FRESILLON / SETE / CNRS Photothèque

L’un des cinq projets ciblés du PEPR, qui démarreront en 2023, développera aussi une plateforme multi-agent de modélisation pour évaluer la dynamique du carbone à l’échelle territoriale. Elle permettra d’animer des « scenario labs » regroupant des scientifiques et des porteurs d’enjeux dans des territoires pilotes en métropole, dans les outremers et dans les pays du Sud (en lien avec l’IRD et le Cirad) et de faire un diagnostic des flux de carbone.

Accompagner les scientifiques

Le PEPR consacré à la ville durable et aux innovations territoriales, piloté par le CNRS et l’Université Gustave Eiffel, s’appuiera quant à lui sur trois futurs centres opérationnels pour accompagner des recherches sur la modélisation, les systèmes d’information de la ville durable et les bâtiments innovants, et sur l’évaluation des politiques urbaines durables. « Ces centres permettront de capitaliser sur les connaissances existantes, mais fragmentées, avec celles produites dans le cadre du PEPR », annonce Gilles Gesquière, codirecteur du programme3 . Les deux premiers centres visent ainsi à faciliter le référencement, le partage et la réutilisation des données, algorithmes, modèles et outils, donc la mise en avant et la réplication des recherches. Centres de ressources, ils permettront aussi l’accompagnement des scientifiques dans leurs questionnements, leur veille et leurs projets. Avec le centre sur l’évaluation des politiques urbaines durables, le PEPR veut construire, avec les collectivités, les outils et méthodes d'évaluation s’appuyant sur la recherche et les grandes expérimentations en cours à l’échelle des territoires. « Les centres opérationnels sont conçus comme des outils, des instruments, des méthodologies au meilleur niveau à la disposition des communautés scientifiques et des parties prenantes », précise le codirecteur.

  • 1Avec Frédéric Schuster, codirecteur de Diadem pour le CEA.
  • 2Aux côtés de Pierre Barré, codirecteur de FairCarboN pour le CNRS.
  • 3Avec Jean-Yves Toussaint pour le CNRS et Dominique Mignot pour l’Université Gustave Eiffel.