Le CNRS signe sa première convention avec la Polynésie française
Toute première convention-cadre entre le CNRS et Polynésie française, le partenariat s’inscrit au sein d’une stratégie de rapprochement du CNRS avec les territoires. Il vient mettre en avant les potentiels apports de la recherche pour ce pays d’outre-mer français, et souligne l’importance pour les équipes françaises de cet unique terrain de recherche, notamment pour le réchauffement climatique et la biodiversité.
C’est sur l’île de Tahiti, qu’Antoine Petit, président-directeur général du CNRS et Édouard Fritch, Président de la Polynésie française ont signé ce jeudi 29 juillet la première convention-cadre entre le CNRS et le pays d’outre-mer. Une convention synonyme d’un partenariat renforcé.
Avec une population de 278 000 habitants, la Polynésie française est un territoire composé de 118 îles réparties sur 5,5 millions de km2, positionné au cœur de l’océan Pacifique1 et contribuant à faire de la France la première Zone Économique Exclusive au monde.
Ce pays d’outre-mer, déjà victime importante des effets du changement climatique, a comme projet de société à l’horizon 2030, la refondation et la transformation de son modèle économique et social pour un développement durable et inclusif. « Consciente de l’adaptabilité et de la résilience de son vaste territoire et de sa population face aux changements et aux crises planétaires, la Polynésie française s’est résolument engagée dans des stratégies de développement sectoriel intégrant les transitions écologique, énergétique, économique, sociale et sociétale qui s’imposent en la matière », indique Tearii Alpha Vice-Président de la Polynésie française et Ministre délégué à la Recherche de la Polynésie française.
Au cœur de ses objectifs le développement de la transition énergétique vers des énergies renouvelables, la protection de la biodiversité, l’autonomie et la sécurité alimentaire de la population grâce aux circuits courts et aux ressources locales, les questions de santé, de culture ou encore d’accès au numérique.
Autant d’enjeux que la recherche scientifique et le CNRS pourront aider à soutenir et développer. Antoine Petit qui a accueilli le 27 juillet au Centre de recherches insulaires et Observatoire de l’Environnement2 (CRIOBE), le Président de la République, Emmanuel Macron, en visite officielle en Polynésie française, indique à ce sujet que « la Polynésie française est un territoire avec d’importants enjeux environnementaux, socio-économiques, culturels et géopolitiques. Le rôle du CNRS, et de la recherche, est de permettre une compréhension fine de ces enjeux et d’aider à apporter des solutions, via notamment une approche scientifique résolument pluridisciplinaire et le développement de technologies innovantes ».
Les forces de la recherche en Polynésie
On compte environ 130 chercheurs permanents concentrés en majorité sur les îles de Tahiti et Moorea. Et de nombreux chercheurs invités par les organismes présents ou en mission se rendent sur le territoire. « Compte tenu de sa situation, la Polynésie française a naturellement développé une expertise de niche notamment en biologie marine ou sur la conservation de la biodiversité, mais elle atteint une bonne visibilité dans de nombreux autres secteurs de recherche, énergie, santé, sciences humaines et sociales, etc. », décrit Jean-Christophe Auffray, délégué territorial à la recherche et à la technologie en Polynésie française. « Nous avons mené des recherches particulièrement novatrices et emblématiques du changement climatique - notamment avec le programme sur arbres à coraux3 du CRIOBE, ou encore des recherches en termes d’enjeux géopolitiques – par exemple le programme Histoire et mémoire des essais nucléaires en Polynésie française de la Maison des sciences de l’Homme du Pacifique4 (MSHP) », ajoute Martine Hossaert, chargée de mission Biodiversité et Outremer au CNRS.
A Tahiti, la Polynésie française accueille une grande diversité d’acteurs de la recherche : l’Université de la Polynésie française, le Centre Ifremer en Polynésie française, l’IRD, le CEA, l’IRSN5 et l’Institut Louis Malardé, un EPIC6 qui dépend du gouvernement polynésien et qui traite principalement des questions de santé et la MSHP, base supplémentaire du CNRS en Polynésie française. La MSHP, conçue sous la forme d’un « hôtel à projets », a pour objectif de contribuer au développement et à la structuration des recherches en SHS dans la région en couvrant aussi bien l’étude du passé des Océaniens que la société d’aujourd’hui avec par exemple des travaux sur l’éducation, l’identité ou encore la gestion de la biodiversité.
A Moorea, on retrouve la Gump Station de l’Université de Californie- Berkeley, spécialisée en science de la durabilité et de la bio-complexité, et le CRIOBE, éminent laboratoire pour l’étude des écosystèmes coralliens et base avancée du CNRS dans le Pacifique - qui accueille jusqu’à 150 chercheurs et étudiants de différentes nationalités par an. « Le CNRS et la Polynésie française souhaitent renforcer leur collaboration et impliquer tous les instituts du CNRS dans de futurs projets. Ils pourront s’appuyer sur les unités CNRS du territoire, le CRIOBE et la MSHP et l’ensemble de leurs partenaires », indique Martine Hossaert.
La Polynésie française, un territoire sentinelle
Via la signature de la convention-cadre pour la période 2021-2025, le CNRS et la Polynésie française ont délimité trois priorités thématiques multidisciplinaires reprenant les enjeux auxquels fait face le pays d’outre-mer : ‘One Earth’, ‘One Ocean’ et ‘One Planet’. Avec cette convention, « l’ambition commune est de soutenir et de renforcer les capacités en recherche, formation et innovation sur le territoire de la Polynésie française », souligne Tearii Alpha.
Avec ‘One Health’, la convention s’attache aux grandes approches de la recherche pour la santé humaine en lien avec les écosystèmes. « De par son positionnement, la Polynésie française est un territoire sentinelle des nouvelles épidémies alors que la destruction des habitats naturels et l’érosion de la biodiversité favorisent l’émergence et la transmission d’agents pathogènes », explique Annaïg Le Guen, directrice du CRIOBE. Mais il est également question de maladies chroniques comme l’obésité et le diabète pour des populations enclavées et réparties sur un territoire très vaste. « Cette thématique soulève également des sujets de recherche sur les aspects numériques de la santé et de la connectivité des territoires », ajoute-elle.
« Nous sommes sur un territoire où toutes les déclinaisons sociétales et de biodiversité se retrouvent concentrés »
En phase avec l’agenda international actuel - la Décennie des Nations-Unies pour les sciences océaniques et la mission Starfish de l’Union européenne, la convention pose dans ses priorités les bouleversements auxquels fait face l’Océan (‘One Ocean’) avec des questions d’écologie environnementale telles que la destructions des habitats marins ; de sciences de l’univers avec l’observation et la modélisation de l’Océan ou encore l’exploitation raisonnée des ressources marines ; mais encore des questions de sciences humaines et sociales avec par exemple le déplacement des populations suite à l’élévation du niveau de la mer.
Favoriser la protection de l’Océan, mais également la protection de la nature et des hommes (‘One Planet’) alors que la France prévoit d’œuvrer vers la protection de 30 % des espaces terrestres et marins d’ici 2030. Dans ce cadre, la Polynésie française se pose comme un territoire d’opportunité pour capitaliser sur la diversité et la complexité de son territoire avec sa double insularité (c’est-à-dire la distance par rapport à la métropole ou encore la distance entre ses archipels et îles). « En Polynésie française, toutes les déclinaisons sociétales et de biodiversité se retrouvent concentrées. Le territoire pourrait être un démonstrateur des grandes décisions sur l’économie solidaire, l’énergie propre, l’accès à l’eau, les modèles de gestion des aires marines basés sur la culture polynésienne ou encore la gestion des déchets dont les plastiques », soutient Annaïg Le Guen. Les objectifs sont ici de favoriser les industries et technologies propres, mais aussi d’aménager durablement les espaces littoraux, ou encore de moderniser les formes de tourismes.
Attractivité internationale et innovation
Pour soutenir les objectifs de la convention, le CNRS et la Polynésie française ont délimité quatre axes (voir encadré) qui devraient permettre d’affirmer la place de la recherche des dix instituts du CNRS sur le territoire.
Parmi les différents projets qui s’y insèrent, le Centre d’hébergement international du CRIOBE à Moorea qui permettra de faire évoluer la station de recherche vers un centre d’attractivité internationale avec des hébergements neufs, de nouveaux laboratoires et une salle d’incubation ; le développement de la participation des chercheurs et chercheuses aux appels à projet, comme Horizon Europe, ou particulièrement dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt du Plan Innovation Outre-Mer du PIA 3 ; la mise en œuvre de la stratégie nationale d’exploitation des ressources minérales dans les grands fonds marins décidée en Comité interministériel de la mer en janvier 2021…
Un territoire français au milieu du Pacifique aux nombreuses opportunités
« La Polynésie française occupe dans le Pacifique Sud une vaste zone maritime d’une superficie comparable à celle de l’Europe et représente une tête de pont de la France et donc de l’Europe dans la région Pacifique »,souligne Tearii Alpha. Et cette convention permettra la création de nouveaux partenariats, mais également de rendre plus visibles et attractives les forces en puissance en Polynésie française. En effet, les unités CNRS présentes doivent être des facilitateurs. « Les scientifiques doivent savoir qu’il y a ce territoire français au milieu de l’Océan et qu’il offre plein de possibilités en termes de travaux et de questionnements scientifiques. Et nous avons des infrastructures de recherche qui peuvent être utilisées par toutes les communautés scientifiques », souligne Annaïg Le Guen, rappelant la toute nouvelle barge scientifique NOHU-CRIOBE dont vient de se doter le centre, véritable laboratoire de recherche mobile qui peut se déplacer dans les différents atolls.
Et par-delà son statut d’éclaireur de grands défis sociétaux, « la Polynésie française offre à la recherche française un positionnement international exceptionnel qui doit l’aider à se positionner au plus haut niveau international sur de nombreux sujets clés pour la planète », rappelle Antoine Petit : « c’est une porte ouverte vers de grandes collaborations européennes et internationales.
- 1Sa Zone Économique Exclusive (ZEE) couvre 5,5 millions de km2 ce qui représente presque la moitié de la ZEE française.
- 2CNRS/Université de Perpignan/EPHE.
- 3Programme sur les coraux résistant au changement climatique.
- 4CNRS/Université de la Polynésie française.
- 5Institut de radioprotection et de sureté nucléaire.
- 6Établissement public à caractère industriel et commercial.
Quatre axes pour les objectifs de la convention-cadre
- Développer une politique partenariale ambitieuse, pour le développement des connaissances et favorable à l’emploi scientifique
- Améliorer la visibilité de la recherche du territoire et accroître le succès des réponses aux appels à projets nationaux, européens et internationaux
- Renforcer et valoriser le potentiel de recherche & développement et d’innovation
- Développer la médiation scientifique et la promotion des métiers scientifiques