Un laboratoire à l'Institut international d'agriculture tropicale (IIAT) à Ibadan, au Nigéria. L'agriculture est un thème de recherche central en Afrique subsaharienne. © Chris de Bode/CGIAR/PANOS-REA

L'Afrique, un partenaire d’avenir pour le CNRS

Institutionnel

Avec un premier appel à propositions qui préfigure une feuille de route, le CNRS se donne comme ambition de mieux et plus collaborer avec les pays d’Afrique, continent à fort potentiel scientifique.

« L’Afrique sera un acteur important des années à venir au niveau scientifique », prédit Antoine Petit, président-directeur général du CNRS. C’est pourquoi l’organisme souhaite « co-construire des collaborations scientifiques basées sur de réels partenariats avec les pays africains ». Une ambition inscrite dans le Contrat d’objectifs et de performance du CNRS et dont la première étape, un appel à propositions lancé auprès de ses chercheurs en décembre 2020, donnera bientôt ses résultats.

Une production scientifique en augmentation

Alors que l’Afrique devrait atteindre un quart de la population de la planète à l’horizon 2050, elle ne représente aujourd’hui au niveau mondial que 2,4 % des scientifiques, moins de 1 % des dépôts de brevet et moins de 4 % des publications. Cependant, sa production scientifique annuelle n'a cessé d'augmenter au cours de la dernière décennie – elle a été multipliée par 2,3 contre 1,3 pour le reste du monde –, comme les engagements financiers en faveur de la R&D de la plupart des pays. Un continent « en plein essor » donc, qui concentre « de nombreux challenges sociétaux et technologiques nécessitant de la recherche scientifique », explique Amel Feredj, adjointe à la directrice de la Direction Europe de la recherche et coopération internationale du CNRS pour l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Inde.

Seuls douze pays, dominés par l’Afrique du Sud, l'Égypte et les pays du Maghreb, produisent à eux seuls 90 % des publications africaines. Les chercheurs africains ont aussi « une forte habitude de coopération » : 50 % des copublications impliquent une collaboration entre un pays d’Afrique et le reste du monde, même si de forts réseaux de science panafricains existent. Le CNRS est « le premier partenaire de copublications non africain » des pays du continent sur la période 2010-2019.

Carte donnant le rang du CNRS (de 1 à 484) dans les copublications internationales de chaque pays d'Afrique

L’Afrique profite également d’un certain engouement politique et la France accueillera à Montpellier, cet automne, le 28e sommet Afrique-France. Cette rencontre de grande envergure prévoit la venue de 500 entreprises africaines et françaises pour échanger sur le thème de la ville et des territoires durables.

Dans ce cadre, le CNRS fait état de fortes relations structurées avec les pays du Maghreb et l’Afrique du Sud (voir encadré) et souhaite désormais nouer des partenariats avec l’Afrique subsaharienne1 . Ceux-ci devront répondre « au double objectif d’excellence scientifique et de partenariat équitable et juste », car il s’agit de construire une stratégie de coopération pérenne et basée sur « les valeurs de coopération que nous mettons en place avec tous les pays », explique Alain Schuhl, directeur général délégué à la science du CNRS (DGDS).

Un grand potentiel de collaborations

« Nous avons aujourd’hui de nombreux échanges avec les scientifiques de ces pays, mais très peu d’accords institutionnalisés », détaille Amel Feredj qui cite un laboratoire ainsi que des réseaux et projets « dynamiques » en sciences humaines, écologie et mathématiques. Une étude bibliographique a pourtant montré l’existence de liens forts entre chercheurs africains et français, dans une large palette de thématiques scientifiques.

Pour évaluer le potentiel de collaborations institutionnalisées, la gouvernance a donc d’abord voulu questionner les communautés de recherche du CNRS sur leur intérêt à travailler avec leurs homologues d’Afrique subsaharienne, et en particulier dix pays prioritaires2  sélectionnés sur leur dynamique de publications et la confiance de leurs dirigeants dans la science comme « clé pour relever les défis sociétaux auxquels ils font face ». L’appel lancé a montré « une vrai attente », avec 221 propositions issues de laboratoires de tous les instituts du CNRS et portant majoritairement sur des collaborations avec les pays prioritaires (70 %), en particulier le Sénégal (23 %). Une quarantaine de projets devraient être financés, pour un montant total d’environ 600 000 euros.

  • 1Ce terme sera utilisé ici pour désigner l’ensemble des pays d’Afrique hors pays du Maghreb, Égypte et Afrique du Sud.
  • 2Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Éthiopie, Ghana, Kenya, Nigéria, Ouganda, Sénégal et Tanzanie.

Le CNRS et l’Afrique : des stratégies différenciées

La feuille de route Afrique du CNRS concerne particulièrement les pays d’Afrique subsaharienne, car des relations sont déjà établies avec l’Afrique du Sud, les pays du Maghreb et l’Égypte.

En Afrique du Sud, pays qui investit des moyens importants dans la recherche et qui est très connecté aux écosystèmes internationaux, « notre stratégie est la même qu’avec tout grand pays de science », indique Amel Feredj. Des partenariats sont donc mis en place avec les grandes institutions locales, comme le programme conjoint de doctorat à l’université du Witwatersrand à Johannesburg qui permet aussi aux chercheurs CNRS d’obtenir le statut de professeur invité. Un Bureau du CNRS y est également établi.

L’Égypte, qui talonne l’Afrique du Sud à la tête du classement des pays publiant le plus en Afrique, ainsi que les pays francophones du Maghreb ont des systèmes de recherche organisés et reliés aux communautés de recherche internationales. Des stratégies spécifiques tournées vers la dynamique euro- méditerranéenne d’une part et la péninsule arabique d’autre part sont en cours de réflexion.

Ces projets seront mis en œuvre par des échanges entre des chercheurs ou chercheuses permanents dans une unité CNRS ou une université africaine, l’organisation de séminaires de recherche thématiques, des séjours courts pour doctorants ou post-doctorants, ou encore des demandes d’équipements. Les thématiques sont variées : santé (immunologie, parasitologie, maladies infectieuses, médecine tropicale et santé publique), sciences environnementales, ressources en eau, agriculture et conséquences du changement climatique, mais aussi zoologie et mathématiques fondamentales. Des domaines qui reflètent souvent les plans de développement nationaux et régionaux, mais surtout pour lesquels une « recherche bilatérale pourra se mettre en place rapidement », selon Alain Schuhl.

Une démarche intégrée à visée internationale

L’appel à propositions aura ainsi permis d’établir une cartographie des intérêts que le CNRS partage avec l’Afrique, préfigurant une feuille de route pluriannuelle qui devrait être établie pour l’automne. Celle-ci s’inscrira dans une stratégie plus globale, notamment en lien avec les actions internationales inscrites dans la politique européenne, en associant l’Institut de recherche pour le développement et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, l’Institut national de la recherche agronomique, l’Agence national de la recherche et le ministère de lʼEnseignement supérieur, de la Recherche et de lʼInnovation. Elle devrait notamment contenir l’établissement de hubs de sciences où des séminaires scientifiques pourraient se tenir avec le soutien des ambassades françaises locales, un prix CNRS du jeune scientifique africain et la multiplication de structures comme les laboratoires de recherche internationaux (IRL) et les réseaux de recherche internationaux (IRN).