Le CNRS ouvre un laboratoire en Australie spécialisé en IA
Le CNRS, en association avec trois universités australiennes, IMT Atlantique et l’industriel Naval Group, lance un nouveau laboratoire international basé à Adélaïde (Australie), dédié à l’intelligence artificielle. Retour sur ses ambitions avec sa co-directrice Anna Ma-Wyatt et son directeur, Jean-Philippe Diguet.
« Les intelligences artificielles et les systèmes autonomes1 se généralisent dans tous les aspects de notre vie, professionnelle comme personnelle », explique Anna Ma-Wyatt2 , depuis son bureau de l’université d’Adélaïde, en Australie. C’est dans cette ville que l’International Research Laboratory (IRL)3 , CROSSING4 - qu’elle co-dirige avec Jean-Philippe Diguet5 - vient d’être lancé officiellement. Cet IRL, une collaboration entre le CNRS, IMT ATlantique, l’Université d’Adélaïde, l'Université de Flinders, l’Université d’Australie du Sud et l’industriel français Naval Group6 , cherche « à trouver des solutions pour que les humains, les intelligences artificielles et les systèmes autonomes puissent collaborer de manière efficace et éthique. »
Plus concrètement, il s’agit de créer les collaborations multidisciplinaires nécessaires pour aborder le management d’une équipe hybride humain/intelligence artificielle/système autonome, « l’avenir du travail dans certains domaines », rajoute Anna Ma-Wyatt. Le nouveau laboratoire international s’est donné quatre défis avec, comme premier, une meilleure compréhension de l’humain. « On parle ici, par exemple, de recherches effectuées par des spécialistes en psychologie cognitive sur l’attention et l’adaptation de la charge de travail », explique Jean-Philippe Diguet. Les trois autres portent sur le fonctionnement et l’implantation des intelligences artificielles, le dialogue entre l’IA et l’humain capable d’alimenter un co-apprentissage, et enfin, l’organisation du management d’une équipe qui comprend des humains et de l’IA. Des recherches qui peuvent s’appliquer « au domaine médical, qui utilise l’IA pour ses diagnostics », mais aussi à l’organisation du travail « pour mieux répartir les tâches entre machines et humains dans une même entreprise » ou encore mieux gérer « la prise de décisions face à la fatigue et au stress », explique le directeur de CROSSING, soulignant la question clef de la confiance du grand public envers l’IA. « L’implantation de ce laboratoire de recherche international, le premier en Australie, traduit le dynamisme récent des partenariats établis avec ce pays. Le CNRS détient aujourd’hui une place privilégiée parmi les partenaires scientifiques étrangers de l’Australie, et entend valoriser son implantation en y développant projets et réseaux », annonce Antoine Petit, président-directeur général du CNRS.
La recherche australienne mobilisée
Le CNRS souhaitait depuis longtemps développer ses collaborations avec l’Australie avec laquelle il signe beaucoup de co-publications et dispose de plusieurs projets et réseaux de recherche internationaux. En implantant son laboratoire à Adélaïde, le CNRS cristallise trois expertises australiennes. L’Université d’Adélaïde, reconnue mondialement dans le domaine de l’IA, offrira l’accès aux ressources de calculs exceptionnelles de l’Australian Institute of Machine Learning (AIML) et mettra également à disposition ses plateformes robotiques et ses espaces de test. L’Université d’Adélaïde est aussi reconnue dans les systèmes embarqués, la performance humaine et les facteurs humains. De son côté, l’Université de Flinders, spécialiste des véhicules marins autonomes, mettra à disposition les équipements de pointe du Centre for Maritime Engineering, Control, and Imaging (CMECI). Enfin, l’Université d’Australie du Sud proposera les ressources uniques de son centre d’étude du sommeil et de la fatigue, reconnu mondialement (Behaviour-Brain-Body Research Lab) et un accès privilégié à un laboratoire d’excellence dédié à la réalité augmentée (Australian Centre for Interactive and Virtual Environments) et à ses ressources de design que pourront utiliser les scientifiques pour créer des prototypes de test des interfaces humains-machines. « Au travers de CROSSING, le CNRS permet à tous ces chercheurs de travailler ensemble », souligne Jean-Philippe Diguet.
L’équipe du laboratoire, composée d’une quinzaine de chercheurs dont deux Français, vient d’horizons différents mais très complémentaires, explique Anna Ma-Wyatt. « Nous avons des spécialistes d'IA, de vision artificielle, de réalité virtuelle et augmentée, de traitement du signal et de l’image, mais également des experts d’interactions humains-machines, de psychologie cognitive et physiologique, de neurosciences, de systèmes embarqués et autonomes et de design. » L’approche de CROSSING est vraiment de « proposer une dimension collaborative » où » tous les domaines interagiront ensemble », explique la codirectrice.
Un industriel à bord
Le laboratoire bénéficiera également du soutien de Naval Group, implanté à Adélaïde dans le cadre du contrat de défense signé avec l’Australie pour la construction de sous-marins. « Nous avons profité de cette opportunité alors que Naval Group cherche à développer sa recherche de pointe sur des sujets amonts liés notamment aux équipes hybrides », note Jean-Philippe Diguet. En collaboration avec le CNRS, IMT Atlantique et les trois universités australiennes, il apportera son questionnement sur « les problématiques industrielles des prochaines décennies » et sa capacité à « développer des technologies de rupture. » Naval Group financera également des post-doc et doctorats, et mettra à contribution ses chercheurs « afin qu’ils collaborent avec les scientifiques de l’IRL sur les opportunités de valorisation », ajoute Anna Ma-Wyatt.
Le CNRS, « un organisme très réputé en Australie », rappelle la scientifique, apporte sa culture de la multidisciplinarité et ses compétences dans trois domaines clés de CROSSING: le facteur humain, l’intelligence artificielle et la réalité augmentée. « Il fera le lien avec les différents laboratoires CNRS en France spécialisés dans ces domaines afin de favoriser les collaborations », conclut Jean-Philippe Diguet. Premier IRL avec l’Australie, CROSSING compte parmi les 70 IRL du CNRS dans le monde et est le 5ème développé avec un partenaire industriel.
- 1Les systèmes autonomes sont par exemple un ensemble de véhicules autonomes gérés par une entreprise ; un ensemble de drone interagissant avec un opérateur ou encore une intelligence artificielle opérant sur un ordinateur.
- 2Chercheuse en psychologie et professeur à l’université d’Adelaïde.
- 3 International Research Laboratory.
- 4CNRS/IMT Atlantique/Université d’Adelaïde/Université d’Australie du Sud/ Université de Flinders/Naval Group.
- 5Directeur de recherche CNRS, spécialisé en traitement du signal.
- 6Groupe industriel français spécialisé dans la construction navale de défense.