DESTINY : un projet européen finance cinquante thèses sur les batteries

Institutionnel

Point crucial du progrès scientifique et de la transition écologique, le stockage de l’énergie passe par les batteries. Afin d’accompagner les futurs chercheurs et chercheuses dans ce domaine, le programme DESTINY vient de recevoir quatre millions d’euros de l’Union européenne. Ce budget permettra de financer cinquante thèses jusqu’à 2025, comme nous l’explique son coordinateur Christian Masquelier.
 

Comment s’est lancé le programme DESTINY, dont l’objectif est de mieux soutenir et accompagner la recherche dans le domaine des batteries ?
Christian Masquelier1  :
Les technologies liées aux batteries sont à la fois très en vogue et très matures. Il reste pourtant de nombreux verrous technologiques à lever, comme l’augmentation de capacité de stockage, sans parler du besoin de réduire leur coût et faciliter leur recyclage. Pour accompagner les découvertes de demain et rester compétitifs, nous devons former des chercheurs, des experts et des ingénieurs extrêmement compétents. C’est tout l’objectif du programme DESTINY2 , que nous avons imaginé il y a trois ans avec Rosa Palacin de l’ICMAB Barcelona et lancé officiellement le 1er octobre 2020, dans la continuité scientifique du projet BATTERY2030+3 , un large consortium européen dédié au domaine. Je dirige aussi le réseau ALISTORE, fondé il y a quinze ans par Jean-Marie Tarascon4 , qui encourage la coopération entre scientifiques et industriels européens. Les membres de ce réseau, issus d’une vingtaine de laboratoires européens, dont la plupart des laboratoires du réseau français RS2E5 , participent déjà à de nombreux projets européens, mais il nous manquait une dynamique pour développer les compétences au niveau formation doctorale. DESTINY est donc un programme qui va permettre, grâce au financement européen de quatre millions d’euros, de financer la thèse de cinquante nouveaux doctorants et doctorantes sur les cinq prochaines années.

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Assemblage d'un bobinot de batterie sodium-ion (Na-ion) sur une bobineuse. Ces batteries sont produites par Tiamat, une start-up du réseau RS2E. Aujourd'hui, elles alimentent des véhicules électriques légers (scooters ou trottinettes) et servent au stockage stationnaire. © Cyril FRESILLON / Tiamat / CNRS Photothèque 

L’Europe est-elle en retard dans ce domaine ?
C. M. :
En ce qui concerne la recherche scientifique, l’Europe et la France sont au niveau mondial grâce à d’excellents scientifiques et des laboratoires accueillant des doctorants du monde entier. Cependant, nous devons être en phase avec les demandes de l’industrie, car malgré les milliards d’euros alloués par l’Europe — Allemagne et France en tête — pour la création d’usines spécialisées dans les batteries, nous sommes encore loin derrière les Américains, les Chinois, les Japonais et les Coréens. Ainsi, des compagnies européennes fabriquent des composants et matières premières nécessaires, mais ils alimentent des usines en Asie ! Mais les choses commencent à changer, avec la construction de l’usine Northvolt en Suède, ou le développement de ACC6 , un « Airbus des batteries » né de l’alliance de PSA et de SAFT, qui va ouvrir sa première usine à Douvrin dans le Pas-de-Calais. Des entreprises européennes comme Solvay et Umicore sont déjà actives depuis longtemps dans la confection des produits chimiques dont les batteries ont besoin pour fonctionner. C’est dans ce contexte, que l’Union européenne a décidé, via un programme appelé Actions Marie Sklodowska-Curie (MSCA)7 , de financer le programme doctoral DESTINY.


Quelles sont les particularités d’un financement par les actions Marie Sklodowska-Curie ?
C. M. : Ce sont des bourses qui visent l’excellence, les allocations de thèse étant très généreuses. Dans le cadre de DESTINY, tous les étudiants, même s’ils ne sont pas européens, peuvent postuler du moment qu’ils sont titulaires d’un master. Un comité indépendant évaluera les candidats et en fonction de leur classement, les futurs doctorants et doctorantes choisiront eux-mêmes le sujet qui les intéresse. Ils commenceront au plus tard leur travail au 1er octobre 2021, alors qu’en 2022, une seconde cohorte pourra accéder à l’autre moitié des cinquante thèses. La mobilité est également un critère central pour les MSCA. Les thèses sont encadrées par plusieurs scientifiques dans des pays différents, car c’est le moyen le plus efficace de favoriser la collaboration entre laboratoires. Ils doivent aussi passer au moins trois mois en détachement dans une entreprise ou une grande infrastructure de recherche.

Quels sont les autres objectifs de DESTINY ?
C. M. : Nous souhaitons d’abord créer un réseau très dense d’experts, au-delà des cinquante doctorants. Avec des écoles d’été et d’hiver et des conférences, nous allons également toucher des doctorants qui ne sont pas directement concernés par les actions Marie Sklodowska-Curie. Nous espérons faire de belles découvertes scientifiques, et nous voulons que cette structure de formation doctorale européenne perdure après 2025. Pour cela, nous devons améliorer l’employabilité de nos docteurs dans l’industrie européenne, bien qu’ils soient déjà très demandés dans leur pays. Nous souhaitons attirer des jeunes du monde entier pour alimenter les entreprises avec des experts au profil très international. Les MSCA sont de formidables appels d’air pour cela.

L’Union européenne finance 60 % du budget de DESTINY, d’où vient le reste ?
C. M. : L’argent nous est fourni par nos partenaires académiques et industriels. Certaines régions, comme les Pays de la Loire et la Nouvelle-Aquitaine, mettent aussi la main à la pâte pour financer les thèses et le salaire des doctorants. Chaque projet est doté d’un montage différent. Par exemple à Amiens, où j’enseigne, nous avons quatre thèses de prévues : deux sont soutenues par mon université, l’UPJV, une par l’entreprise Solvay et la dernière par la société belge Umicore. La coordination du projet, qui comprend trente-neuf partenaires, se fait au sein de l’Université de Picardie Jules Verne et de la délégation Hauts de France du CNRS.

  • 1Professeur à l’Université de Picardie Jules Verne (UPJV) à Amiens et membre du Laboratoire de réactivité et chimie des solides (CNRS/UPJV).
  • 2Doctorate program on emerging battery storage technologies inspiring young scientists, programme doctoral sur les technologies émergentes de stockage sur batterie qui inspirent les jeunes scientifiques.
  • 3Le consortium Battery 2030+ comprend cinq universités, huit centres de recherche (CNRS, CEA, Karlsruhe Institute of Technology, Forschungszentrum Jülich, Fraunhofer-Gesellschaft, Fundacion Cidetec, National Institute of Chemistry, Slovenia, SINTEF AS), trois associations industrielles de référence (EMIRI, EASE, RECHARGE) ainsi qu’une entreprise (Absiskey). Il a reçu le soutien de nombreuses organisations européennes et nationales. https://battery2030.eu
  • 4Chercheur reconnu dans le domaine des batteries, actuellement professeur au Collège de France.
  • 5Réseau sur le stockage électrochimique de l’énergie. Ce réseau du CNRS a été initié en 2011 par Jean-Marie Tarascon et Patrice Simon (Université Toulouse III Paul Sabatier), il rassemble dix-sept unités de recherche, quinze partenaires industriels et trois établissements publics.
  • 6Automotive Cells Company, compagnie de batteries pour l’automobile.
  • 7Dans le cadre du programme européen Horizon 2020, ces actions financent la recherche en mettant l’accent sur la formation et la mobilité.