Une mission pour surveiller la faille sous-marine au pied de l'Etna
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Des scientifiques du CNRS, de l’Ifremer et de l’Université de Bretagne occidentale (UBO) s’apprêtent à embarquer du 17 au 27 février 2023 avec leurs homologues allemands et italiens pour la mission FocusX3, au large de la Sicile. L’objectif est d’étudier une faille sous-marine située à plus de 2000 mètres de profondeur au pied du volcan Etna, et de mieux comprendre les mouvements d’eau à ces profondeurs.
40 000 morts dans un séisme en 1693, 72 000 en 1908 : le sud de l’Italie a déjà été très éprouvé par le volcanisme et l’activité sismique. Parmi les « suspects », la faille de nord Alfeo, située à 2100 mètres de profondeur dans la mer Ionienne, à une vingtaine de kilomètres de la ville de Catane, une région urbaine sicilienne d’un million d’habitants.
Afin de mieux connaître l’activité de ce système de faille qui s’étend depuis la côte au pied de l’Etna vers le Sud-Est sur une longueur totale de plus de 100 km, les scientifiques du CNRS, de l’Ifremer et de l’UBO)1 ainsi que leurs collègues allemands et italiens2 ont déjà mené deux premières campagnes Focus3 au large de la Sicile, à bord de navires de la Flotte océanique française.
L’objectif est de montrer comment un câble de fibre optique peut surveiller une faille sous-marine. Pour ce faire, les scientifiques ont déployé un câble de six kilomètres de long qui mesure les mouvements de la faille par interférométrie laser. Cette technologie utilisée généralement pour surveiller des grandes infrastructures comme les ponts ou des barrages, déployée pour la première fois dans ces conditions, permet de détecter et de localiser le moindre mouvement, même d’une fraction de millimètre. Un réseau de 29 sismomètres fond de mer permet par ailleurs de vérifier les mesures effectuées avec la fibre optique.
Durant la mission FocusX3 qui se déroulera du 17 au 27 février 2023, l’équipage va récupérer l’ensemble de ces sismomètres et redéployer la moitié d’entre eux pour une durée de six à douze mois. D’autres instruments, notamment treize stations de géodésie fond de mer seront déployés pour mesurer le mouvement relatif entre deux blocs tectoniques de part et d’autre de la faille4 .
Comme nouveauté, une station courantomètre fond de mer mesurera les courants d’eau à ces profondeurs pour tenter d’expliquer une observation étonnante : ces dernières années, le câble d’interférométrie a détecté des mouvements qui n’ont pas été confirmés par les stations géodésiques. L’équipe de recherche en déduit qu’il existe des mouvements d’eau profonds encore inconnus, qu’il est nécessaire d’étudier pour comprendre l’origine des signaux observés.
Si cette percée technologique au large de la Sicile se confirme dans les prochaines années, il pourrait être envisageable de mettre à profit les réseaux de câbles de télécommunication à l’échelle de la planète pour étudier et mieux quantifier les mouvements tectoniques sous-marins.
- 1Ils travaillent au laboratoire Geo-Ocean (CNRS/Ifremer/UBO), membre de l’Institut universitaire européen de la mer (CNRS/IRD/UBO).
- 2Du laboratoire Geomar, en Allemagne, et de l’Istituto Nazionale di Geofisica e Vulcanologia, de l’Università di Catania et de l’Istituto Nazionale di Fisica Nucleare - Laboratori Nazionali del Sud, en Italie.
- 3Focus est un projet européen financé à hauteur de 3,5 million € par une subvention Advanced de l’European Research Council.
- 4Le réseau de stations géodésiques fond de mer comportera 8 stations françaises (Exail, Brest) et 5 stations allemandes (Geomar, Kiel) qui fourniront des informations sur les mouvements relatifs liés à l’activité tectonique de la faille.