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Fer de lance de l’épigénétique, Edith Heard est reconnue internationalement pour ses travaux pionniers sur l'inactivation du chromosome X. © Frédérique PLAS / CNRS Images

La biologiste Edith Heard reçoit la médaille d’or 2024 du CNRS

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  • Créée en 1954, la médaille d'or du CNRS distingue les carrières scientifiques ayant contribué de manière exceptionnelle au dynamisme et au rayonnement de la recherche française.

  • Cette année, elle récompense Edith Heard, spécialiste mondialement reconnue de l'épigénétique. En plein essor depuis le début des années 2000, cette discipline étudie ce qui nous façonne au-delà de l’ADN.

  • Ses découvertes sur l'inactivation du chromosome X sont cruciales pour comprendre le fonctionnement des gènes chez les mammifères ; elles permettent une meilleure compréhension des différences biologiques entre les sexes. Elles ouvrent ainsi des perspectives médicales pour traiter de nombreuses maladies. 

La médaille d'or du CNRS, l’une des plus prestigieuses récompenses scientifiques françaises, sera décernée cette année à la biologiste Edith Heard. Cette spécialiste mondiale de l’épigénétique est récompensée pour ses contributions exceptionnelles à l’avancement de sa discipline. Ses recherches, notamment sur l’inactivation du chromosome X, ouvrent de nouvelles perspectives tant en biologie qu’en médecine. La médaille d’or du CNRS, accompagnée d’une dotation de 50 000 euros de la Fondation CNRS, lui sera remise le 12 décembre 2024 lors d’une cérémonie à Paris.

Aujourd’hui directrice générale du Laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL) et professeure au Collège de France, Edith Heard est mondialement reconnue pour ses travaux pionniers sur l'inactivation du chromosome X, un processus essentiel au développement des embryons femelles. Ses recherches ont permis de dévoiler des mécanismes épigénétiques régulant l’expression des gènes, offrant une nouvelle compréhension des premiers stades embryonnaires ainsi que de la biologie des femmes. Ses découvertes ont révolutionné notre compréhension de l'épigénétique, discipline qui explore les changements dans l’activité des gènes qui définissent l’identité d’une cellule. En d'autres termes, l’épigénétique examine la manière dont des modifications, transmissibles et réversibles, peuvent influencer l'expression des gènes sans en altérer l’ADN.

Antoine Petit, président-directeur général du CNRS, a salué les réalisations de la lauréate : « Figure européenne et internationale éminente en épigénétique, Edith Heard est une référence de la biologie moderne comme en témoignent les nombreuses découvertes qui ont jalonné sa carrière et son engagement pour une recherche d’excellence. En lui décernant la médaille d’or 2024, le CNRS rend hommage à une biologiste à la carrière scientifique internationale d’exception et aussi à une biologiste mobilisée dans la promotion de la science et la formation des futurs leaders du domaine ».

Depuis plusieurs dizaines d’années, Edith Heard se consacre en effet à l'étude de l'inactivation du chromosome X chez les mammifères, un processus indispensable au développement des embryons femelles. Alors que les femelles possèdent deux chromosomes X, les mâles n’en ont qu’un, accompagné d’un chromosome Y. Or, le chromosome Y ne porte qu'une centaine de gènes, quand le chromosome X en possède plus d’un millier. Pour compenser ce déséquilibre entre mâles et femelles, l’un des deux chromosomes X chez les femelles est entièrement inactivé par un processus épigénétique1 . Si ce processus échoue, l’embryon ne survit pas. L’inactivation du chromosome X et certains gènes qui échappent à ce processus peuvent également être liés à des maladies neurologiques, auto-immunes, ou encore à certains cancers. Edith Heard a collaboré avec de nombreux médecins pour mieux comprendre le rôle des marques épigénétiques - des modifications chimiques de l'ADN ou de ses protéines associées, capables de réguler l'expression des gènes. Ces marques jouent un rôle important au cours du développement ainsi que dans plusieurs maladies, comme le cancer du sein. 

Née en 1965 à Londres, Edith Heard a étudié les sciences naturelles à l’université de Cambridge, avant de s’intéresser à l’épigénétique lors de sa thèse sur l’amplification génique dans le cancer à la Fondation impériale de recherche contre le cancer (ICRF), à Londres. Elle arrive en France en 1990 grâce à une bourse d’étude du Human Frontier Science Program et rejoint l’Institut Pasteur pour un post-doctorat, où elle entame son travail sur l’inactivation du chromosome X qui sera le fil conducteur de sa carrière. Elle est recrutée trois années plus tard par le CNRS, devient chef d’équipe ATIP2  en 2001 et prend en 2010 la direction de « Génétique et biologie du développement », une unité de recherche mixte entre le CNRS, l’Inserm et l’Institut Curie. En 2012, elle est nommée professeure au Collège de France comme titulaire de la chaire « Epigénétique et mémoire cellulaire ». Depuis 2019, Edith Heard dirige le prestigieux Laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL), un organisme intergouvernemental de recherche impliquant 29 pays, et a été élue membre de l’Académie des sciences en 2022. Edith Heard siège également dans plusieurs conseils scientifiques, dont le conseil scientifique de l’OMS. À l’été 2025, elle prendra la direction de l’Institut Francis Crick à Londres.

Tout au long de sa carrière, Edith Heard a été distinguée par de nombreuses récompenses remarquables. Lauréate de la médaille d'argent du CNRS en 2008, décorée de la Légion d’honneur en 2017, elle a aussi reçu le Grand prix de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale en 2017 et le prix L’Oréal-UNESCO Women in Science International en 2020. Elle a également été élue Fellow of the Royal Society en 2013, l’une des distinctions scientifiques les plus prestigieuses au monde. 

Edith Heard est également une fervente défenseuse de la science et de la collaboration internationale. Elle s’engage notamment au travers du programme PAUSE3  qui vise à accueillir temporairement des scientifiques venant de zones de crise géopolitique, ou encore par le biais du programme multidisciplinaire « Des molécules jusqu’aux écosystèmes » à l’EMBL, visant à stimuler la recherche pour mieux comprendre le monde vivant dans un contexte moléculaire.

Des photos de la lauréate sont disponibles sur la plateforme CNRS Images, ainsi que son portrait dans CNRS le Journal. 

Fer de lance de l’épigénétique, Edith Heard est reconnue internationalement pour ses travaux pionniers sur l'inactivation du chromosome X. © Frédérique PLAS / CNRS Images
  • 1 les modifications des structures protéiques associées au chromosome X, et l’implication d’un ARN non-codant Xist, qui recouvre presque entièrement la surface du chromosome X après son inactivation. Pour parvenir à ces résultats, elle s’est appuyée sur des approches novatrices et a utilisé des techniques de pointe en imagerie.
  • 2Conçu dans le cadre d’un partenariat entre le CNRS et l’Inserm, le programme Atip-Avenir permet chaque année à de jeunes chercheurs de constituer leur propre équipe de recherche dans les domaines des sciences de la vie et de la santé. Ce programme a déjà bénéficié à plus de 400 scientifiques prometteurs.
  • 3Programme national d'accueil en urgence des scientifiques et des artistes en exil.

Contact

Clémence Ribette
Attachée de presse CNRS