Du vert à l’orange, d’où provient la diversité de couleurs des « algues bleues » ?
Surnommées « algues bleues », les cyanobactéries peuvent en réalité adopter des couleurs allant du vert à l’orange en passant par le rose, en fonction du pigment photosynthétique qui domine dans les cellules d’une espèce donnée. Les cyanobactéries ne capturent donc pas toutes la lumière de la même manière : Prochlorococcus, par exemple, la cyanobactérie la plus abondante de l’océan, absorbe préférentiellement les longueurs d’ondes violettes et bleues alors que sa cousine Synechococcus peut capturer le bleu, le vert ou bien les deux, selon son type pigmentaire. Comment expliquer cette grande diversité des pigments de cyanobactéries ? Une équipe de recherche internationale impliquant des scientifiques de la Station biologique de Roscoff (CNRS/Sorbonne Université) vient de démontrer la pertinence d’une piste déjà suspectée par le passé : les vibrations des molécules d’eau. En effet, les scientifiques ont montré que les liaisons entre les atomes dans les molécules d’eau sont sujettes à des vibrations qui absorbent certaines longueurs d'onde de la lumière et délimitent ainsi des « niches spectrales », c’est-à-dire des plages de longueurs d’ondes utilisables par les organismes photosynthétiques. Un nouveau modèle mathématique, combiné à des mesures satellite, a confirmé que ces vibrations divisent les spectres de la lumière en cinq niches : violette, bleue, verte, orange et rouge. Les échantillons de l’expédition Tara Oceans ont aussi permis de démontrer que les différents types pigmentaires de cyanobactéries se répartissent bien en fonction de ces niches : la cyanobactérie Prochlorococcus domine dans les grands vortex océaniques alors que Synechococcus prédominent dans les eaux côtières. Ces résultats publiés dans Nature Ecology and Evolution le 9 novembre 2020 pourraient améliorer les prévisions de l’évolution des écosystèmes aquatiques dans le contexte du changement climatique global.
Vibrational modes of water predict spectral niches for photosynthesis in lakes and oceans. Holtrop T, Huisman J, Stomp M, Biersteker L, Aerts J, Grébert T, Partensky F, Garczarek L & Van der Woerd HJ. Nature Ecology and Evolution, le 9 novembre 2020. DOI:10.1038/s41559-020-01330-x