Colonisation des Antilles par les faunes sud-américaines : des îles géantes englouties comme voie de passage ?
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Des fossiles d’animaux terrestres originaires d’Amérique du Sud ont été retrouvés aux Antilles : comment ces animaux y sont-ils arrivés ? Selon des scientifiques du CNRS, de l’Université des Antilles, de l’Université de Montpellier et d’Université Côte d’Azur, des terres ont émergé dans cette région puis ont disparu sous les flots pendant des millions d’années, expliquant comment certaines espèces ont pu migrer aux Antilles. Cette étude sera disponible dans le numéro de juin 2021 de Earth-Science Reviews.
Des fossiles d’animaux terrestres des Antilles, notamment de mammifères et de batraciens, ont leurs plus proches parents en Amérique du Sud. La traversée de la mer des Caraïbes depuis l’Amérique du Sud a donc été possible. Mais comment ?
Les traversées à la nage étant une théorie à écarter, plusieurs centaines de kilomètres séparent le continent sud-américain des Antilles, la dispersion de cette faune a été attribuée soit à des radeaux naturels sortis des fleuves en crue du continent, soit à l’existence de ponts terrestres qui seraient aujourd’hui submergés.
Un projet scientifique impliquant des géologues, des paléontologues et des géophysiciens1 permet aujourd’hui de résoudre certains mystères liés à ces espèces terrestres présentes dans les Antilles. Ces chercheuses et chercheurs ont reconstitué la géographie du Nord des Petites Antilles, sur les 40 derniers millions d’années. Ils ont montré que les mouvements des plaques tectoniques à la jonction entre les Petites Antilles, les Grandes Antilles et la ride d’Aves (une montagne sous-marine), ont plusieurs fois donné naissance à des archipels et des îles assez proches qui ont ensuite été englouties au cours du temps.
En plus des mouvements tectoniques, les cycles glaciaires-interglaciaires depuis 1,5 millions d’années (Quaternaire) ont favorisé l’apparition et la disparition d’archipels. En effet, lors de ces cycles, le niveau marin baisse ou augmente en fonction du stockage de l'eau au niveau des calottes glaciaires ou bien de leur fonte (la durée de ces cycles étant de l'ordre de 100 000 ans). La formation de ces archipels a ainsi pu favoriser des connexions terrestres entre la ride d’Aves, les Grandes Antilles et les Petites Antilles.
Les scientifiques vont désormais étendre leurs études vers le sud, entre la Guadeloupe et l’Amérique du Sud pour reconstituer la géographie passée de la totalité de la plaque Caraïbes, afin de définir plus précisément la nature des voies de dispersions des espèces terrestres entre les Amériques.
- 1Des scientifiques français de cinq laboratoires sont impliqués : le laboratoire Géosciences Montpellier (CNRS/Université de Montpellier), le Laboratoire de géologie de Lyon : Terre, planètes, environnement (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1/ENS de Lyon), le laboratoire Géoazur (CNRS/Observatoire de la Côte d’Azur/IRD), le Laboratoire d'océanologie et géosciences (CNRS/Université de Lille/Université du Littoral-Côte-d'Opale) et l’Institut des sciences de l'évolution de Montpellier (CNRS/Université de Montpellier/IRD). Des scientifiques de l’University College London en Angleterre et du National Institute of Marine Geology and Geoecology de Roumanie sont également impliqués.
Lost islands in the northern Lesser Antilles: possible milestones in the Cenozoic dispersal of terrestrial organisms between South-America and the Greater Antilles. Jean-Jacques Cornée, Philippe Münch, Mélody Philippon, Marcelle BouDagher-Fadel, Frédéric Quillévéré, Mihaela Melinte-Dobrinescu, Jean-Frédéric Lebrun, Aurélien Gay, Solène Meyer, Lény Montheil, Serge Lallemand, Boris Marcaillou, Muriel Laurencin, Lucie Legendre, Clément Garrocq, Milton Boucard, Marie-Odile Beslier, Mireille Laigle, Laure Schenini, Pierre-Henri Fabre, Pierre-Olivier Antoine et Laurent Marivaux. Earth-Science Reviews, juin 2021. https://doi.org/10.1016/j.earscirev.2021.103617