« Le nouveau bureau de représentation du CNRS au Kenya facilitera le renfort de nos coopérations en Afrique »

Institutionnel

Le CNRS ouvre son onzième bureau dans le monde, à Nairobi au Kenya. Cette décision s’inscrit dans le cadre du plan pluriannuel de coopérations de l’institution avec l’Afrique, dont nous parle Antoine Petit, président-directeur général du CNRS.

Pourquoi ouvrir un second bureau du CNRS en Afrique ?

Antoine Petit : Devant le constat de ses faibles liens institutionnels avec les partenaires des pays africains, le CNRS s’est fixé comme objectif de revoir sa stratégie de coopération avec les pays du continent. Cet objectif était inscrit dans le contrat d’objectifs et de performance (2019-2023) signé avec l’État et s’est donc décliné en un plan pluriannuel de coopérations avec l’Afrique publié en 2021. Dès 2019, de nombreuses initiatives (voir encadré) ont été lancées pour comprendre les besoins de coopération des diverses communautés de recherche, initier des liens institutionnels pour mieux les accompagner et coconstruire des projets scientifiques avec nos partenaires français, africains et européens. Ouvrir un nouveau bureau de représentation du CNRS en Afrique vise à augmenter ce type d’actions et faciliter le renfort de nos coopérations scientifiques. Il viendra en complément des actions du bureau localisé à Pretoria, en Afrique du Sud, qui est partagé avec l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), et dont l’activité s’étend pour le CNRS à l’ensemble des treize pays d’Afrique australe.

Pourquoi avoir choisi Nairobi au Kenya ?

A. P.  : Les pays d’Afrique de l’Est font état d’un grand dynamisme quant à la quantité et la qualité de leurs publications scientifiques. Parmi eux, le Kenya apparaît comme le candidat idéal à plus d’un titre. Grâce à d’importantes réformes menées avec l’aide de la communauté internationale, il est devenu une économie forte de la région et s’est hissé au rang des pays à revenu intermédiaire. Il bénéficie d'une grande stabilité politique depuis son indépendance et se repose sur une économie de services (46,5 % du PIB), à l’origine d’innovations répliquées dans tout le continent.

La R&D et l'enseignement supérieur ont aussi une grande place dans le pays qui est une destination cible des étudiants internationaux. Le Kenya a le ratio le plus élevé de scientifiques par rapport à la population et investit davantage, en termes absolus, pour avoir un environnement propice au développement de la recherche et de la science, ce qui doit, selon la stratégie Vision 2030 du gouvernement kényan, transformer la base économique du pays. La part du Kenya dans les publications scientifiques mondiales a doublé entre 2000 et 2019, et sa visibilité a bénéficié d'un plus grand nombre de collaborations internationales dans tous les domaines scientifiques.

Le CNRS est le premier partenaire français de publication du Kenya dans les domaines de l’écologie, des sciences de l’environnement, des géosciences, de la biodiversité. Douze actions structurantes1  du CNRS en cours impliquent déjà le Kenya ou un pays limitrophe. Enfin, l’organisme a pu compter sur le remarquable appui de l’Ambassade de France au Kenya pour faciliter l’installation du bureau qui se fera dans un premier temps, entre ses murs, mais aussi pour l’introduction dans l’écosystème régional.

Le Kenya est aussi un point d’entrée privilégié dans la région.

A. P. : Tout à fait. Le Kenya est un véritable hub international. Il joue un rôle central dans la région, notamment dans le marché commun instauré par la Communauté d’Afrique de l’Est. La qualité des services logistiques, financiers et juridiques, ainsi que son environnement des affaires relativement favorable, en font une destination privilégiée pour l’implantation des entreprises françaises – comme Carrefour, Peugeot, L’Oréal, Saint-Gobain, la Société générale, Schneider-Electric ou encore Total – à partir de laquelle elles rayonnent dans l’environnement régional. Depuis 2015, la France est ainsi l’un des cinq premiers investisseurs étrangers au Kenya, en particulier dans l’écosystème très dynamique pour l’innovation qu’offre Nairobi.

Cette dynamique régionale s’étend à la science. Le pays accueille d'importantes organisations régionales et internationales, scientifiques ou de financement ainsi que des intermédiaires de recherche prédominants, tels que l'Académie africaine des sciences, le Conseil interuniversitaire d'Afrique de l'Est et la Fondation pour le renforcement des capacités en Afrique. Ces financeurs de recherche influents positionnent le Kenya comme centre de recherche prédominant en Afrique de l'Est et sur le continent africain. Les universités et les organismes de recherche publics kényans rejoignent les réseaux de recherche internationaux et s'engagent dans des collaborations intra-africaines. Son taux de copublications internationales atteint 80 % et il entraîne ses pays voisins comme l'Ouganda, la Tanzanie ou le Rwanda. Ses agences de financement nationales, comme le National Research Fund, tiennent aussi compte des objectifs de l’Union africaine dans leurs politiques de soutien.

Qui prendra la tête de ce nouveau Bureau ?

A. P. : Comme pour les autres directions de bureau du CNRS à l’étranger, un appel à candidature sera bientôt lancé. Ce bureau présente des enjeux particuliers : il faudra se trouver une place dans l’écosystème kényan mais aussi dans la région et parmi les autres organisations étrangères présentes au Kenya. Un beau challenge !

  • 1Dont 8 Dispositifs de soutien aux collaborations avec l’Afrique subsaharienne (DSCA), 1 International Research Projet (IRP), 1 International Research Network (IRN), 1 Joint Research Programme (JRP), 1 Residential Research School (RRS)

Le plan de coopérations du CNRS avec l’Afrique en actions

Avec son plan pluriannuel de coopérations avec l’Afrique, le CNRS entend renforcer et étendre ses collaborations avec les pays du continent dans une démarche concertée et mutuellement enrichissante. Un appel fléché sur les coopérations avec l’Afrique subsaharienne lancé en 2020 a par exemple démontré un intérêt fort des chercheurs et des chercheuses du CNRS dans toutes les disciplines et donné l’opportunité à 64 coopérations d’être financées et accompagnées institutionnellement. Un programme de thèses conjoints a été mis en place avec l’Université de Witwatersrand en Afrique du Sud, la coopération a été renforcée avec l’Université Mohammed VI Polytechnique au Maroc et une série d’ateliers thématiques NRF-CNRS a permis de structurer des communautés CNRS-Afrique avec l’objectif de répondre ensemble à des appels à projets collaboratifs de l’Agence nationale de la recherche (ANR) ou du programme-cadre Horizon Europe. Un effort particulier a été mis sur les organisations et réseaux de promotion de la science en Afrique tels que le réseau des Académies des sciences, la Science Foundation for Africa, l’alliance des universités de recherche ARUA et le réseau de centres de mathématiques AIMS.

Le CNRS s'est aussi entouré d'un conseil consultatif sur l'Afrique et a co-organisé avec l’IRD, pendant la Présidence française du Conseil de l’Union européenne, un événement qui a rassemblé Européens et Africains pour imaginer un nouveau partenariat scientifique entre les deux continents. Plusieurs missions institutionnelles ont également permis de prendre la mesure des situations sur le terrain au Cameroun, au Kenya ou encore au Sénégal – des pays choisis pour leurs dynamiques positives du point de vue de la science, leur stabilité géopolitique et l’intérêt que leur portent les chercheurs et chercheuses du CNRS.

Enfin, le CNRS a lancé en 2022 trois campagnes d’appels à projets pour encourager la mise en oeuvre de projets de recherche promouvant la coopération scientifique avec et sur le continent africain. Au total, 35 projets ont été selectionnés pour une première vague de financement au titre de l’année 2023. Ces projets associent des chercheurs et chercheuses des unités de recherche du CNRS et des institutions de recherche et académiques africaines. Ces projets prennent la forme d’écoles de recherche résidentielles (Residential Research Schools), de mobilités de chercheurs en début de carrière (Visiting Fellowships) et de programmes de recherche sur quatre ans combinant des séjours résidentiels en France et en Afrique, une bourse de thèse et des évènements scientifiques (Joint Research Programs).

Le Kenya, une priorité de la France

Depuis 2019, la coopération entre la France et le Kenya dans le domaine de l’enseignement supérieur, la recherche et la formation professionnelle est devenue, à la demande de l’Élysée, une des priorités de la coopération bilatérale. Lors de la visite du Président Macron en mars 2019, une feuille de route a été signée. Font partie de ses objectifs les mobilités croisées des étudiants et professeurs, le développement des doubles diplômes, la coopération en recherche et innovation pour répondre aux enjeux mondiaux, ou encore le renforcement de l’employabilité, des compétences professionnelles et entrepreneuriales.