« MOPGA est bien plus grand que le programme lui-même »

Institutionnel

Alors que les projets des lauréats du programme « Make Our Planet Great Again » se terminent côté allemand, les scientifiques célèbrent une véritable réussite, tant professionnelle que scientifique.

Dans un contexte de changements globaux qui poussent les tolérances planétaires à leurs limites avec des conséquences dramatiques, la Conférence des parties 21 (COP 21) affichait en 2015 un accord universel et ambitieux. Son objectif affirmé : contenir la hausse des températures bien en deçà de 2 °C et s’efforcer de la limiter à 1,5 °C. À la suite de l’élection à la présidence américaine de Donald Trump, cet accord avait été affaibli par l’annonce d’une sortie prochaine des États-Unis.

C’est en réaction que le président Emmanuel Macron avait lancé, le 1er juin 2017, l’initiative Make Our Planet Great Again invitant des scientifiques étrangers1  à venir mener leurs recherches – sur la protection de la planète – en France et confiant ce programme prioritaire de recherche au CNRS. Très vite, l’Allemagne avait rejoint le projet lançant elle aussi son initiative MOPGA. Côté français, suite à l’étude de plus de mille manifestations d’intérêt, 43 lauréats ont été sélectionnés. Au total, ce sont plus de 50 projets qui ont été financés en France et en Allemagne2 . Parmi les lauréats français, vingt-et-un résidaient alors aux États-Unis, quatre au Royaume-Uni et trois au Canada. Avec un budget alloué de 30 millions d’euros issus du PIA 33 , les projets soutenus pouvaient atteindre jusqu’à 1,5 million d’euros.

« Le CNRS a endossé plusieurs rôles : il a notamment dû définir et articuler les champs scientifiques concernés par l’appel, sélectionner les candidatures sur la base du CV des scientifiques, s’assurer de la mise en relation entre les candidats et les laboratoires d’accueil ou encore animer la communauté de recherche MOPGA en partenariat avec l’Allemagne », explique Stéphane Blanc, directeur de l’Institut écologie et environnement du CNRS et coordinateur du programme à son lancement.

Sur les thématiques soutenues des projets, 44 % concernaient les sciences du système Terre, 40 % le changement climatique et le développement durable, et 16 % les sciences et technologies de la transition énergétique.

Des lauréats désormais chercheurs permanents

Après un premier bilan de mi-parcours à Strasbourg en novembre 2021, la cinquantaine de lauréats et lauréates se sont retrouvés pour une conférence de clôture à Berlin en décembre 2022. L’occasion de faire un bilan sur les grandes réussites et les impacts du programme. « Pour les chercheurs et les chercheuses, MOPGA a été une vraie réussite professionnelle », souligne Brigitte Gaillard, chargée de mission du Programme prioritaire de recherche MOPGA. Et en effet, 9 lauréats ont obtenu un poste au CNRS, 5 à l’IRD4 , 1 à l’Inra5  ou encore un lauréat a créé sa propre entreprise et plusieurs autres ont obtenu des postes de professeurs en France et à l’étranger.

Philip Schulz, chercheur allemand résident aux États-Unis à l’époque de l’appel MOPGA en 2017, est un exemple de ces beaux parcours. « Je travaillais alors dans le laboratoire National Renewable Energy Laboratory au Colorado, mondialement reconnu pour ses recherches sur les énergies renouvelables et j’étais très déçu par les décisions du gouvernement américain de l’époque. J’ai regardé sur YouTube le discours d’Emmanuel Macron », explique le chercheur. À l’époque, il s’était déjà lancé dans des démarches pour devenir directeur de recherche au CNRS. « J’étais intéressé par l’aspect du poste permanent qu’offre le CNRS et, avec MOPGA, on me donnait des moyens de me lancer rapidement sur un projet déjà ciblé et d’avoir ma petite équipe. » Pour lui, MOPGA a été un « accélérateur énorme ». Actuellement directeur de recherche à l’Institut photovoltaïque d’Ile de France6 , il mène des travaux sur une nouvelle génération de dispositifs photovoltaïques. « La communauté scientifique française m’a permis de trouver une nouvelle maison facilement avec des collaborations scientifiques qui se sont très vite développées. Et j’ai gardé ce lien outre Atlantique. Nous avons notamment publié dans le cadre du projet MOPGA avec nos partenaires américains. »

Une publication commune à venir

Si le programme a su porter ses lauréats, il a aussi créé une réelle émulsion scientifique avec l’encadrement de 45 doctorants et 46 post-doctorants et, depuis 2018, 360 publications parues7 . Une publication commune est également en préparation. Barbara Ervens est l’une des co-coordinatrices de cette publication commune. Également lauréate du programme MOPGA, la chercheuse de nationalité allemande est arrivée en France en 2018 (fraichement débarquée du Colorado) et est aujourd’hui titulaire directrice de recherche CNRS à l’Institut de chimie de Clermont-Ferrand8 . « Nous avons eu l’idée de cette publication commune lors de la conférence de mi-parcours à Strasbourg en 2021 », explique-t-elle. L’objectif de la publication – qui devrait être soumise en milieu d’année – est de donner la parole à la quasi-totalité des projets MOPGA, le tout dans une structure en trois parties. « Évaluer le changement climatique, le comprendre et l’atténuer, voici le triptyque de cette publication qui permettra à la fois de résumer les nombreux magnifiques projets MOPGA, mais également de montrer comment ils sont liés », indique Barbara Ervens.

« MOPGA est bien plus large que le programme en lui-même. Entre lauréats, nous avons créé une communauté. J’ai eu des échanges avec des scientifiques de très haut niveau et, sans MOPGA, je ne les aurais pas contactés », affirme Philip Schulz. Ce programme, inédit dans l’histoire, aura su proposer une réelle introspection dans leurs recherches à des lauréats aux sujets divers. « On nous a donné l’opportunité de découvrir d’autres sujets qui ont le même but : sauvegarder la planète. »

  • 1Pour être éligible à ce programme, les chercheurs et chercheuses devaient répondre à différents critères, notamment être résident depuis plus de 2 ans à l’étranger et avoir obtenu leur doctorat depuis plus de 4 ans.
  • 2L’Allemagne compte 13 lauréats.
  • 3Troisième vague du Programme d'investissement d'avenir.
  • 4Institut de recherche pour le développement.
  • 5Institut national de la recherche agronomique, devenue en 2020 l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae).
  • 6CNRS/École nationale supérieure de chimie de Paris – PSL/École polytechnique/Institut photovoltaïque d’Ile de France.
  • 719 dans Nature et de nombreuses autres dans des revues spécialisées de haut rang.
  • 8CNRS/Université Clermont Auvergne.