Les sangliers mettent les archéologues sur la piste des débuts de la domestication

Archéologie
Biologie

Jusqu’à présent, les archéozoologues ne parvenaient pas à remonter aux prémices de la domestication : la phase de mise en captivité d’animaux sauvages restait hors de portée de leurs outils1 . En utilisant le sanglier comme modèle expérimental, une équipe pluridisciplinaire composée de scientifiques du CNRS et du Muséum national d’Histoire naturelle2 démontre qu’une vie passée en captivité laisse une empreinte identifiable dans la forme du calcanéum, un os du tarse qui joue un rôle propulseur dans la locomotion.  Relativement compact, cet os se conserve bien en contexte archéologique : il permettra donc de documenter les premières mises en captivité d’animaux sauvages à partir de leurs ossements. Cette modification se produit en raison du changement de mode de vie car l’os est remodelé en fonction du mouvement, du terrain et des sollicitations musculaires. Les scientifiques ont observé que la forme du calcanéum était principalement modifiée au niveau des insertions musculaires : contrairement à ce que l’on pouvait attendre, les sangliers captifs déployaient une force musculaire plus intense que celle des sangliers en milieu naturel. Comme si ce mode de vie captif avait changé des « coureurs de fond » en « bodybuilders ». En plus d’offrir un nouvel outil pour les archéologues, ces résultats démontrent la rapidité des changements morphologiques d’un animal extrait de son milieu par l’homme et pourraient être utiles aux programmes de réintroduction en milieu sauvage d’animaux élevés en captivité. Ils sont publiés le 4 mars 2020 dans la revue Royal Society Open Science.

schéma montrant les modifications du calcanéum induites par la captivité
Déformation du calcanéum (os du tarse) chez des sangliers ayant grandi en captivité par rapport à des sangliers évoluant en milieu naturel.
Les points de couleur indiquent le niveau de déformation (minimal en bleu foncé, maximal en rouge). Ces déformations sont principalement liées à une élongation de la zone d’insertion des muscles dans la partie la plus haute de l’os.
© Hugo Harbers / AAPSE / CNRS-MNHN

 

  • 1Les modifications génétiques, aussi bien que les traits morphologiques communs aux animaux domestiques (réduction de la taille, gracilité…) apparaissent après de multiples générations, en conséquence de la sélection d’individus dociles et aux caractéristiques intéressantes pour l’humain.
  • 2Principaux laboratoires impliqués : Archéozoologie, archéobotanique : sociétés, pratiques et environnements (CNRS/MNHN), Réserve zoologique de la Haute Touche (MNHN), Mécanismes adaptatifs et évolution (CNRS/MNHN), Institut de systématique, évolution, Biodiversité (CNRS/MNHN/Sorbonne Université/EPHE).
Bibliographie

The mark of captivity: plastic responses in the ankle bone of a wild ungulate (Sus scrofa), Hugo Harbers, Dimitri Neaux, Katia Ortiz, Barbara Blanc, Flavie Laurens, Isabelle Baly, Cécile Callou, Renate Schafberg, Ashleigh Haruda, François Lecompte, François Casabianca, Jacqueline Studer, Sabrina Renaud, Raphael Cornette, Yann Locatelli, Jean-Denis Vigne, Anthony Herrel, Thomas Cucchi. Royal Society Open Science, 4 mars 2020. DOI : 10.1098/rsos.192039

Contact

Thomas Cucchi
Chercheur CNRS
Véronique Etienne
Attachée de presse CNRS