Ulisse transporte la recherche
L’unité de service Ulisse gère toute sorte d’expéditions pour les laboratoires du CNRS et de ses partenaires, des déménagements aux expériences fragiles, en passant par les matières dangereuses, comme le fameux coronavirus responsable du COVID-19.
Course contre la montre. Le 10 février, le coronavirus était en route depuis l’hôpital Bichat-Claude Bernard à Paris, le premier à avoir accueilli des patients infectés du COVID-19 en France, pour rejoindre le Centre d'infection et d'immunité de Lille1 (CIIL), afin de commencer les recherches pour un traitement. Mais transporter un virus en pleine crise épidémique (pas encore mondiale) demande des précautions particulières. Une prestation suivie avec attention par Laure Nicolas, nouvellement arrivée à la tête de l’Unité de logistique internationale - services et soutien aux expériences2 (Ulisse) : « Outre les réglementations liées aux transports biologiques, le transporteur nous a interrogés sur l’éventualité d’ajouter une escorte mais nous avons préféré opter pour la discrétion. », se souvient-elle.
Mais ce n’est pas le premier transport de virus que la vingtaine de personnels de l’unité a dû gérer. « Pour les coordinateurs logistiques d’Ulisse, transporter des produits dangereux sous température dirigée, cela fait partie du quotidien. », assure Stéphanie Chatelain, la responsable d’exploitation d’Ulisse. Car l’unité est à la disposition des laboratoires du CNRS et de ses personnels pour transporter « tout ce qui peut s’envoyer ».
Développée en 2006 pour gérer le transport des matières dangereuses et les douanes import/export des laboratoires de l’Institut national de physique nucléaire et de physique des particules du CNRS (IN2P3), Ulisse a progressivement étendu ses activités à l’ensemble des unités du territoire (plus de 1 000). « Nous gérons tout type de marchandise sur tous les moyens de transports possibles, ce qui est rare pour un prestataire de service », note Laure Nicolas. Grâce à des marchés publics, Ulisse offre des tarifs optimisés éligibles, depuis 2019, aux financements ANR3 . Elle permet ainsi de mettre en place des transports sur-mesure, quelle que soit la complexité du terrain ou des réglementations spécifiques à respecter, un « vrai confort » pour les équipes de recherche.
Et faire face à la complexité est quotidien pour Ulisse et ses 13 500 transports annuels, comme lors de la construction près de Pise (Italie) de l’interféromètre Virgo, qui a permis de détecter des ondes gravitationnelles en 2017. Sur les instructions d’Ulisse, un camion a été spécialement construit pour transporter, durant 2 ans et demi, 400 tubes d’un diamètre de 130 cm, d’une longueur de 15 mètres et d’un poids unitaire de 2 500 kg ! Un bel exemple de l’importance des assurances et du soutien d’Ulisse pour ce genre de transports à risque : l’unité a dû gérer un accident du camion d’un prestataire qui a nécessité de fabriquer à nouveau des tubes cassés, tout en construisant une étagère spéciale dans un hangar loué afin de stocker les tubes qui continuaient à être produits sans pouvoir être transportés… Plus récemment, grâce à ses systèmes de monitoring (capteurs de pression, inclinaison, chocs, etc.), Ulisse a pu détecter qu’une des caisses spécialement réalisées pour absorber les accélérations liées au transport avait été malmenée au cours d’un trajet entre le LAM4 à Marseille et un site sacré à l’accès restreint et difficile : le sommet du volcan Mauna Kéa à Hawaï qui culmine à 4139 m, où s’est installée le projet SuMIRe qui étudie l’évolution des galaxies et la nature de l’énergie noire. Ulisse, qui avait aussi mobilisé des dispositifs douaniers particuliers pour cette collaboration internationale qui transfère régulièrement du matériel, a obtenu le remboursement intégral des frais de réparation du matériel d’observation abîmé et des dépenses induites (déplacements, etc.). Laure Nicolas le reconnaît : « Dans un transport, il arrive toujours quelque chose d’imprévu. Notre rôle est d’anticiper au maximum ! »
Autre chargement des plus impressionnants : le projet Ice Memory, une série de convois initiée en 2015 par Jérôme Chappellaz et Patrick Ginot, glaciologues à l’Institut des géosciences de l’environnement5 , pour sauver la mémoire des glaciers de montagne, comme celui de l’Illimani en Bolivie, situé à… 6 300 mètres d’altitude ! « Pour cette expédition hors norme, 60 porteurs boliviens ont transporté à dos d’homme près de deux tonnes de matériel et redescendu des carottes de 130 mètres de long découpées en morceaux, une entreprise titanesque ! », raconte Jérôme Chappellaz. Ensuite, des jeeps, camions et bateaux gérés par Ulisse ont fini le transport du container froid spécialement dimensionné également par l’unité. Prochaine destination : le Kilimandjaro, même si l’expédition, prévue initialement en 2019, a été repoussée.
Mais Ulisse ne gère pas que des expéditions extraordinaires aux quatre coins de la planète : principalement, l’équipe gère sont des colis standards, livrés en express via des prestataires. Ces colis représentent ainsi 80 % des livraisons. Économie, fiabilité, réglementations, dédouanement, délais… Les 8 agents logisticiens de l’unité Ulisse - un métier unique au sein du CNRS - peuvent alors conseiller les scientifiques, ingénieurs et techniciens des laboratoires sur le meilleur type de transports (routier, aérien, maritime), le prestataire le plus adapté, l’emballage approprié, etc.
Les quatre conseillers à la sécurité d’Ulisse, dont le conseiller national à la sécurité pour le transport des marchandises dangereuses du CNRS Aurélien Cadet, prêteront quant à eux une attention particulière aux marchandises dangereuses comme les produits inflammables, toxiques, corrosifs ou encore les échantillons infectieux ou radioactifs. Ils ont ainsi établi des procédures au profit des IRPS6 et de leurs collègues logisticiens d’Ulisse dans le cadre de la production puis la distribution de gels hydroalcooliques à destination des soignants organisées dans plusieurs délégations du CNRS lors de la crise sanitaire. Ils peuvent aussi venir faire des préconisations dans les laboratoires et former les personnels. « Nous conseillons sur toutes les étapes d’une expédition à savoir l’emballage, l’étiquetage, l’enlèvement et le transport proprement dit, sans oublier la réception du colis, précise Aurélien Cadet. Nous avons aussi mis en place depuis 2 ans une action nationale de formation (ANF) traitant de l’expédition de marchandises dangereuses, qui a déjà permis de sensibiliser environ 600 personnes. »
Surtout, Ulisse peut venir en aide aux laboratoires et unités qui souhaitent déménager. Leur plus-value bien sûr : le déménagement du matériel scientifique sensible, des expériences fragiles, des collections précieuses par exemple de coraux ou d’artéfacts archéologiques, mais aussi de gros équipements qui nécessitent de la manutention lourde. Ces déménagements sont supervisés par un agent dédié qui accompagne les unités de A à Z. « Nous savons manipuler et transporter ce que les prestataires extérieurs classiques risquent d’endommager. », résume Laure Nicolas, dont les équipes se tiennent prêtes à prendre en charge de nouveaux projets.
- 1CNRS/Inserm/Institut Pasteur Lille/Université de Lille/CHU de Lille.
- 2Unité propre de service CNRS.
- 3Agence nationale de la recherche.
- 4Laboratoire d'astrophysique de Marseille (CNRS/CNES/Aix-Marseille Université).
- 5CNRS/IRD/Université Grenoble Alpes.
- 6Ingénieurs régionaux de prévention et de sécurité du CNRS.
Ulisse transporte la recherche
Unité propre de service du CNRS, Ulisse prend en charge un échantillon, un prototype, une expérience ou un appareil scientifique et se charge de l'acheminer jusqu'au laboratoire, un lieu de la collaboration ou un site d'expérience parmi les plus insolites, partout dans le monde.