Quand chercheurs et industriels s’associent pour lutter contre la pandémie
Alors que les actions de solidarité se multiplient sur l’ensemble du territoire, certaines sont accompagnées par la Direction des relations avec les entreprises du CNRS, dont la mission est de nouer des partenariats forts entre les laboratoires et le monde industriel.
Pour répondre à une pénurie urgente dans certains services de réanimation, l’Institut de mécanique et d’ingénierie de Bordeaux1 (I2M) a pris l’initiative de développer en urgence une valve trachéale pour système clos, composant essentiel d’un système de respiration artificielle installé sur les patients Covid. Le véritable exploit a été de la reconcevoir et de la mettre en production en deux semaines avec des partenaires industriels.
« La spécificité de cette valve est qu’elle permet de s’ouvrir et de se fermer pour le passage de la sonde d'aspiration insérée dans la trachée des patients et ainsi, permettre au personnel soignant d’être protégé des émissions projetées », explique Nicolas Perry, professeur et responsable du département Conception de l'I2M et responsable des actions de l’institut liées au COVID-19. C’est au travers du personnel du CHU de Bordeaux que l’Institut a été alerté du manque urgent en valves trachéales. Le défi : réussir à accélérer le développement d'un produit équivalent à l'existant (plus disponible sur le marché) et trouver des relais de productions de ces dernières. Les chercheurs du laboratoire, qui mènent des travaux sur les méthodes de conceptions et les procédés de mise en œuvre, ont donc imaginé une valve simplifiée en terme de fonctionnalité, tout en respectant les normes de sécurité sanitaire. « Le 2 avril je recevais la demande. Deux semaines plus tard les tests cliniques sur patients débutaient. » Les essais cliniques sont toujours en cours pour améliorer la proposition et compléter le dossier de demande de dérogation auprès de l'Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santés.
Pour industrialiser la production de cette valve par milliers d’unités, l’Institut s’est rapproché de différentes entreprises de la région bordelaise, puis de la Direction des relations avec les entreprises (DRE) du CNRS qui, grâce à son réseau de contacts privilégiés auprès de l’ensemble des filières industrielles, a identifié l’entreprise Erpro Group, spécialisée dans la fabrication de prototype et impression 3D de petite, moyenne et grande série. « Notre entreprise a très rapidement voulu faire partie de l’élan de solidarité nationale et nous avons dès le début du confinement relayé un appel à collaboration dans les médias et sur les réseaux. », rapporte Marion Moreau, commerciale au sein d’Erpro Group. « Par la suite, nous avons produit des masques ou encore des visières. Puis le CNRS a fait appel à nous pour produire ces nouvelles valves, ainsi que des bouchons complémentaires à leur utilisation. » L’entreprise devrait mettre en production rapidement, après la validation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, quelques 12 000 valves et bouchons par semaine qui seront par la suite distribués au personnel soignant en France, mais également à terme en Italie, en Espagne ou encore en Afrique.
« Cette belle action de solidarité est un projet parmi beaucoup d’autres initiés par les agents du CNRS et accompagnés par notre cellule nationale dédiée, CRACOV », indique Carole Chrétien, directrice de la Direction des relations avec les entreprises du CNRS. « Mais dans ce cas précis, l’ampleur a été plus grande grâce aux contacts industriels que nous avons pu mettre à leur disposition », elle ajoute, rappelant que de nombreux services qu’offre la DRE— des liens directs avec le tissu industriel, services de l’Etat ou collectivités territoriales, ou le tout juste créé Trouver un Expert — peuvent aider à nouer des collaborations ad hoc pour palier un manque immédiat dans un domaine. « Et cela va dans les deux sens—surtout en cette période—car une entreprise peut tout à fait avoir besoin de faire appel à un chercheur ou une chercheuse dans un domaine annexe pour l’aider à surmonter un verrou scientifique ou technologique qu’elle n’avait pas anticipé vu les contraintes—souvent de temps. »
Pour illustrer un autre partenariat « noué dans la solidarité », Carole Chrétien évoque un projet récent entre le CNRS et l’entreprise Erode coordonné par la DRE dans le cadre de la cellule CRACOV. Cette entreprise, basée dans l’Oise, spécialisée dans la mécanique notamment en création et fabrication d’accessoires métalliques ornementaux pour la mode a pris la décision de participer à l’effort national face à la pandémie de COVID-19 en réorientant sa production vers la création de visières de protection. « Dans un premier temps, nous avons opté pour la production via imprimante 3D, mais cela prenait trop de temps », explique Eric Van Goethem, directeur de l’entreprise. « Nous nous sommes donc finalement dirigés vers une production à base de produits faciles à trouver tels que des plastique type format A4, travaillés sur des petits postes de sertissage2 à la main. » L’entreprise se rend alors compte qu’elle peut facilement produire des milliers de masques par jour. « Mais comment les distribuer aux soignants ? J’ai relayé mon appel sur les réseaux sociaux et nous sommes entrés en contact avec le CNRS. » L’organisme de recherche a commandé 10 000 masques – pour lesquels il a choisi de participer aux coûts de production - à livrer à la Fédération nationale des dispositifs de ressources et d’appui à la coordination des parcours en santé (FACS). « En plus d’apporter un nouveau soutien matériel à la FACS, après nos livraisons de gels hydro-alcooliques, le CNRS va également mobiliser Ulisse, son unité dédiée au transport de matières à risque, pour livrer ces 10 000 masques dans le respect le plus strict des règles sanitaires », conclut Carole Chrétien.
C’est donc tout un écosystème, avec l’appui de ses directions que le CNRS utilise pour lutter contre le COVID-19.