Plan de transition du CNRS – le numérique
Indispensable au quotidien mais à forts impacts environnementaux, le numérique est une des cibles privilégiées du plan de transition du CNRS.
Les enjeux : Le numérique est tout à la fois un outil de production, d’analyse et de stockage de données, un objet de recherches dédiées, un canal de communication et un outil de diffusion indispensable à la visibilité des résultats de recherche dans toutes les disciplines… Mais le matériel informatique a un impact environnemental fort, dû autant à son utilisation qu’à sa fabrication ou à son devenir en tant que déchet. Limiter cet impact est essentiel.
source : impactco2.fr
Les pistes de solution : Le CNRS se mobilise à toutes les échelles du numérique, des ordinateurs des agents aux supercalculateurs. La première action à mettre en place est de questionner les usages. Le Groupement de service (GDS) EcoInfo agit depuis 2006 pour réduire les impacts négatifs sociétaux (conditions de travail, conflits d'accès à l'eau, santé, etc.) et environnementaux (CO2, pollution, atteinte à la biodiversité, etc.) du numérique. Pluridisciplinaire, il effectue des recherches pour mieux quantifier ces impacts avec des indicateurs et méthodologies, et propose des outils, bonnes pratiques et pistes d’action pour les limiter. Il a ainsi largement contribué à l’écriture d’un guide de bonnes pratiques numériques responsables pour les organisations, mais aussi d’un guide d’éco-conception logicielle ou de Moocs dédiés. Allonger la durée de vie du matériel, favoriser les logiciels peu consommateurs d’énergie, faciliter le réemploi et l’utilisation de matières recyclées, promouvoir des datacenters et des réseaux moins énergivores font partie des actions qu’il propose. EcoInfo mène également des enquêtes, par exemple sur le devenir des déchets électroniques dans l’ESR, et des audits auprès de laboratoires et autres établissements pour les aider à réduire leur impact. Il travaille par exemple à l’évaluation du coût, en termes d’émissions de gaz à effet de serre, d’une heure d’utilisation du supercalculateur Jean Zay, qui possède plusieurs dizaines de milliers de cœurs de calcul. Cet outil de recherche maîtrise sa consommation d’énergie grâce à un système de refroidissement à l’eau chaude plutôt que froide. La chaleur qu’il génère est aussi récupérée pour chauffer le bâtiment qui l’accueille et d’autres lieux.
« Le mieux est de conserver le plus longtemps possible des machines éco-conçues »
Ingénieur de recherche du CNRS au Latmos1 et membre de EcoInfo, Francis Vivat fait partie du groupe de travail qui gère les aspects développement durable du Comité de pilotage et de suivi du marché MatInfo.
Que régit le marché MatInfo ?
Francis Vivat : Depuis une quinzaine d’années, l’accord-cadre MatInfo encadre l’achat de matériel informatique neuf pour l'Enseignement supérieur et la Recherche. Si le CNRS est l’un des organismes à son origine, les personnels de plus de 250 établissements français, en particulier l’ensemble des universités, ont aujourd’hui l’obligation de passer par ce marché pour s’équiper. L’idée est de mutualiser l’effort que représente un appel d’offres relancé tous les deux à quatre ans, et d’avoir de meilleurs tarifs. Cela concerne le matériel fixe et mobile à la fois PC et Apple, les stations de travail et les infrastructures (des serveurs pour un laboratoire au centre de calcul CC-IN2P3 en passant par les data centers d’universités). Les accessoires (claviers, écrans, etc.) ne sont pas l’objet du marché mais y sont également proposés. C’est un marché complexe pour les fournisseurs, à cause du large volume de configurations uniques livrées à de très nombreuses adresses dans tout le pays, mais il a représenté près de 865 millions d’euros d’achats pour la période 2017-2021 avec MatInfo4, soit l’un des plus gros marchés européens de matériel informatique : les quelques fournisseurs qui s’engagent sont à notre écoute.
Comment y intégrez-vous des exigences environnementales ?
F. V. : Pour réduire l’impact environnemental de l’informatique, le mieux est de garantir une utilisation la plus longue possible de machines éco-conçues. En effet, avec le mix énergétique français relativement décarboné, la phase d'usage (la consommation électrique pendant l'utilisation) d'un poste client est très minoritaire par rapport au coût environnemental de la fabrication. Pour un ordinateur portable utilisé 4 ans, la proportion est d’environ 20 % - 80 %. Pour les serveurs, l'impact de l'usage et de l'achat est similaire en considérant six ans d'usage.
La solution actuellement suivie par MatInfo est donc la garantie longue. La taille du marché est un excellent levier pour intégrer des critères ambitieux en ce sens, car nous avons un poids suffisant pour discuter avec les entreprises au plus haut niveau. Depuis 2021, nous en sommes à la version 5 du marché. Dès la deuxième version, le GDS EcoInfo a participé à l’écriture des exigences qui figurent dans l’appel d’offres. À côté de critères sur les prix, les services proposés et la qualité technique, les fournisseurs doivent donc répondre à plusieurs critères en lien avec le développement durable. Par exemple, sur la manière dont ils fabriquent, transportent et livrent leurs produits, sur la consommation électrique des matériels, leur facilité de réparation et la disponibilité des pièces, etc. Le poids du développement durable est passé à 15 % de la note finale pour MatInfo5.
D’année en année, de marché en marché, voyez-vous une évolution sur ces questions environnementales ?
F. V. : On sent bien que les gens sont plus sensibles à ces questions, que ce soit au sein du Comité de pilotage et de suivi de MatInfo, des utilisateurs ou des fournisseurs. Par exemple, dans MatInfo5, nous avons augmenté la durée de garantie de l’ensemble du matériel de 3 à 5 ans2
. Il y avait un risque d’augmentation du tarif mais il a été assez simple de convaincre le Comité que ça valait le coût pour garder les machines plus longtemps. Nous avons aussi demandé une possibilité de garantie étendue à 7 ans, que plusieurs fournisseurs ont dû inventer pour l’occasion et proposent maintenant à d’autres clients, comme une autre de nos exigences : l’affichage du coût carbone au même niveau que le prix. Aujourd’hui, plus de 30 % des utilisateurs du marché ont pris cette garantie étendue, ce qui prouve l’intérêt des agents et des laboratoires pour ces options qui permettent une plus grande durabilité du matériel informatique. Entre chaque appel d’offres, nous travaillons avec les fournisseurs pour déterminer leurs marges de manœuvre et ce qui est effectivement choisi par nos utilisateurs, afin de faire monter nos exigences environnementales à l’appel suivant, et ce souvent en avance par rapport à la législation. Nous sommes d’ailleurs en réflexion sur le bon usage du reconditionné vis-à-vis des garanties étendues.