Les premiers pas de la mesure de soutien à l’emploi R&D du plan France Relance

Innovation

Quelques mois à peine après le lancement de la mesure de soutien à l’emploi R&D du plan France Relance, le CNRS signe ses premiers accords de coopération avec des entreprises afin de sauvegarder des emplois de recherche.

« Du fait de la crise, nous aurions pu décider de mettre en pause notre projet » lance Patrick Piot, directeur général de l’entreprise de chimie verte Demeta1 , qui suite à l’embauche d’un jeune chercheur, vient de bénéficier grâce au CNRS du dispositif de soutien à l’emploi R&D France Relance. Annoncé le 3 septembre 2020 par le Gouvernement pour protéger le pays des conséquences économiques et sociales de la crise du Covid-19, la mesure de soutien à l’emploi R&D du plan France Relance vise à préserver les emplois de R&D privés et à favoriser l’insertion professionnelle des jeunes docteurs et diplômés en les accueillant dans des laboratoires public. Le CNRS, comme la majorité des organismes et établissements de recherche, s’est engagé pour cette mesure, dotée au total de 300 millions d’euros de budget.

41 millions d'euros ont été attribués au CNRS dans le cadre d’une convention signée en mai 2021 avec l’Agence nationale de la recherche, pour créer ou sauvegarder près de 300 emplois. Et en deux mois à peine, une centaine entreprises se sont déjà rapprochés du CNRS pour trouver les meilleurs moyens d’en bénéficier.

« Nous avons mobilisé nos réseaux territoriaux, communiqué auprès de nos partenaires industriels, organisé des webinaires pour présenter largement ce plan.  Laboratoires et entreprises, quelle que soit leur taille, ont montré un grand intérêt pour cette mesure novatrice et ambitieuse », souligne Jean-Luc Moullet, directeur général délégué à l’innovation du CNRS.

Cartographier les laboratoires

« Les projets de coopération de la mesure de soutien à l’emploi R&D du plan France Relance remontent par différents canaux : d’abord par la Direction générale déléguée à l’innovation du CNRS via des actions vers les entreprises lors des discussions sur des accords-cadre par exemple, mais également par les dix instituts du CNRS », explique Julia Fargeot, responsable partenariat et valorisation (RSPV) de la délégation Provence et Corse du CNRS - qui a actuellement une quinzaine de projets en cours. « Nous prenons aussi contact directement avec les directeurs et directrices de nos laboratoires pour explorer les modalités de ce dispositif. » L’objectif est de cartographier et identifier les laboratoires avec des partenariats historiques ou structurants pour lesquels le dispositif offre des perspectives. « Nous proposons également des projets avec de nouvelles entreprises selon les opportunités », ajoute Emmanuelle Malésys, RSPV de la délégation Bretagne et Pays de la Loire du CNRS - qui a actuellement dix projets en cours de préparation. « Nous avons un calendrier très serré pour engager l’envelopper qui nous a été allouée par l’Etat », informe-t-elle.

« Développer des produits avec des chercheurs experts »

Deux types d’actions dans le cadre de la mesure de soutien à l’emploi R&D du plan France Relance sont proposés :  accueillir des ingénieurs et chercheurs issus des entreprises dans un laboratoire public sur une période donnée ou recruter des jeunes diplômés sur des contrats à durée déterminée, dont une partie se passe au sein de l’entreprise partenaire.

« Les premiers projets de coopération s’inscrivant dans le cadre de ce dispositif ont déjà été signé et une centaine d’autres projets de coopération sont en cours de préparation, indique Jean Luc Moullet. Pour le CNRS, ces coopérations sont très intéressantes. Elles s’inscrivent parfaitement dans l’une de nos orientations stratégiques qui consiste à approfondir nos relations avec les entreprises, et à développer les échanges entre recherche privée et recherche publique. »

Une propriété intellectuelle équitable

Les deux premiers contrats de coopération réalisés dans le cadre de la mesure de soutien à l’emploi R&D du plan France Relance viennent d’être signés. Il s’agit premièrement du projet de chimie OMCFLOW, qui réunit la société Demeta pilotée par Patrick Piot et l’Institut des sciences chimiques de Rennes2 . Le second concerne le projet en optique TOMO SWIR qui réunit la start-up Kaer Labs3  et l’Institut Fresnel4 . Pour ces deux projets, le CNRS recrute un jeune chercheur et finance 80 % de son salaire, l’entreprise couvrant le reste.

Des projets montés en quelques semaines grâce au dispositif « très cadré » du plan France Relance. « Concernant la mobilité, le temps passé en laboratoire et en entreprise est décidé en amont. Côté propriété intellectuelle, elle se veut équitable entre les contributions de chacun, c’est-à-dire le temps passé entre le laboratoire et l’entreprise, la mise à disposition du matériel ou encore l’apport intellectuel et financier de chacun », explique Emmanuelle Malésys, qui a suivi la signature du contrat de coopération du projet OMCFLOW.

Participer à la vie du laboratoire et connaitre l’industrie

Le projet OMCFLOW, qui veut créer une production plus éco-efficiente de molécules odorantes pour la parfumerie et la cosmétique, accueillera dès le 1er septembre un jeune chercheur en chimie organique pour un contrat à durée déterminée de 24 mois avec à la clé une embauche au sein de la société Demeta. « Ce chercheur passera 50 % de son temps au sein de l’entreprise et l’autre moitié au laboratoire », explique Marc Mauduit, directeur de recherche à l’Institut des sciences chimiques de Rennes et responsable scientifique d’OMCFLOW. Une coopération qui s’inscrit dans le cadre d’un accord-cadre de longue date : les principaux catalyseurs ciblés dans le projet, pour lesquels Demeta possède une licence d’exploitation exclusive et mondiale, ont été inventés en 2012 par l’équipe de Marc Mauduit. « Au laboratoire, le chercheur réalisera le développement technologique. En entreprise, il pourra cibler et produire des molécules odorantes en fonction des attentes du marché qui sont fortes », ajoute le responsable. Une organisation du temps riche pour le jeune chercheur qui participe à la vie de laboratoire tout en faisant ses armes auprès de l’industrie.

C’est également le cas pour le jeune chercheur en mathématiques appliquées, recruté dans le cadre du projet TOMO SWIR – projet dont l’objectif est de développer un nouveau type d’imagerie biomédical via « une technologie de tomographie de fluorescence pour l’imagerie du petit animal dans la gamme de longueurs d’onde SWIR5  ». Le chercheur recruté pour une période de 18 mois à partir du 1er septembre sera également à 50 % en laboratoire pour « poser les bases de la modélisation et de l’algorithmique » et 50 % en entreprise pour « l’implémentation du traitement numérique des données dans le prototype que nous co-développons dans le cadre du projet  et la participation à la validation expérimentale », explique Anabela Da Silva, directrice de recherche à l’Institut Fresnel et coordinatrice scientifique du projet TOMO SWIR.

« L’Institut Fresnel, un laboratoire de référence pour l’entreprise »

Pour Anabela Da Silva, ce partenariat représente « l’occasion d’étendre nos travaux et explorer une autre gamme de longueurs d’onde, ce que nous souhaitions faire depuis longtemps ». Mais c’est également la possibilité de concevoir un dispositif effectif et utilisé par l’entreprise. Des bénéfices partagés : « Nous savions que l’Institut Fresnel était un laboratoire de référence dans le domaine de l’imagerie optique. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous nous sommes rapprochés d’eux dans le cadre de cette collaboration. Nos produits n’avaient pas de reconstruction et de traitement d’image, pour nous c’est l’occasion d’acquérir cette compétence », explique Pierre-Alix Dancer, directeur général de Kaer Labs.

Des collaborations qui sans le soutien de la mesure de soutien à l’emploi R&D du plan France Relance aurait pu être mises de côté faute de financement. Mais ce dispositif soutient également le lien recherche-industrie. « Pour un laboratoire, ce lien est très important. Lorsque l’on travaille en recherche fondamentale, les partenaires industriels nous permettent de prendre conscience de leur cahier des charges et d’essayer de nous adapter à leurs applications », conclut Marc Mauduit. Une richesse à développer.

  • 1Société française de chimie verte qui développe des catalyseurs de nouvelle génération.
  • 2ISCR (CNRS/Université Rennes 1/ENSC Rennes/INSA Rennes)
  • 3Kaer Labs conçoit, produit et commercialise des systèmes d’imagerie optique pour la recherche biomédicale et pharmaceutique.
  • 4CNRS/École Centrale Marseille/Aix-Marseille Université.
  • 5Short Wave InfraRed : Infrarouge court.