Le CNRS et Universcience : « Avoir le CNRS comme partenaire est une chance »
Un nouvel accord-cadre fait du CNRS le partenaire scientifique de référence d’Universcience pour le projet de rénovation du Palais de la découverte. Président de l’établissement public de culture scientifique créé en 2010, Bruno Maquart revient sur les riches collaborations entre les deux institutions.
Le CNRS et Universcience viennent de renouveler l’accord-cadre qui les lie. Quelles en sont les grandes lignes ?
Bruno Maquart1 : Cet accord, conclu pour cinq ans, renouvelle le précédent et s’inscrit dans la longue histoire de nos relations communes. Il couvre l’ensemble de nos activités sur nos deux sites physiques (Palais de la découverte et Cité des sciences et de l’industrie), et sur notre troisième lieu numérique, lancé il y a trois ans (Le Blob, l’extra-média).
Forts de l’excellente collaboration entre nos deux maisons sur de nombreuses expositions comme « Robots » ou « Bio-inspirée », et bientôt « Transitions écologiques », nous avons souhaité proposer au CNRS de devenir le partenaire scientifique de référence de la rénovation de la totalité du Palais de la découverte, qui rouvrira en 2025 après travaux. Le CNRS contribuera ainsi à la création des nouvelles présentations du Palais de la découverte et assurera la validation scientifique de l’ensemble, le comité d’accompagnement scientifique du projet étant présidé par son PDG Antoine Petit. Avoir le CNRS comme partenaire est pour nous une chance immense. Par son caractère national et multidisciplinaire, il est une porte d’entrée privilégiée vers la recherche contemporaine et la science en train de se faire. C’est l’originalité du Palais de la découverte que de permettre un contact vivant avec la science, pour appréhender les questions de recherche traitées aujourd’hui et celles qui le seront demain. Pour être pertinent, il doit donc maintenir des relations constantes et soutenues avec la communauté de recherche. Nous sommes donc reconnaissants envers le CNRS d’accepter de nous accompagner dans cette entreprise. Je suis heureux que nos relations, déjà denses, prennent ainsi une ampleur nouvelle.
D’ailleurs, dans le cadre de notre nouvel accord-cadre, les chercheurs et chercheuses du CNRS pourront profiter d’une formation en médiation dispensée par les médiatrices et médiateurs du Palais de la découverte ou par l’École de la médiationEcmed , un projet pluri-partenarial que nous coordonnons.
Cet accord vient renforcer des relations de longue date entre les deux institutions, qui remontent même à la création commune du Palais de la découverte et du CNRS par le prix Nobel de physique Jean Perrin à la fin des années 30. Comment s’articule aujourd’hui cette collaboration ?
B. M. : Cette création commune est porteuse de sens : travailler avec des organismes de recherche est pour nous un besoin existentiel, et en premier lieu avec le CNRS, même si notre partenariat n’est pas exclusif. Cela permet de nous assurer que nos contenus soient justes scientifiquement parlant et qu’ils correspondent à la science la plus récente. Le CNRS et Universcience n’ont pas qu’un fondateur commun : ils entretiennent, plus de quatre-ving ans après leur création, des relations de très haut niveau qui s’appuient sur une grande confiance réciproque. En témoigne par exemple le fait que le PDG du CNRS est membre du conseil scientifique d’Universcience depuis plusieurs années.
Dans les faits, très nombreuses sont nos activités organisées avec l’appui du CNRS, notamment nos expositions (même quand l’organisme n’en est pas partenaire de référence), nos événements ou encore nos productions audiovisuelles, le service audiovisuel CNRS Image étant partenaire du Blob.
Le CNRS est par ailleurs le bienvenu dans nos espaces : il a par exemple organisé en 2019, dans le cadre de ses 80 ans, son Forum des nouveaux mondes à la Cité des sciences et de l’industrie, et choisi le Palais de la découverte pour l’accueil de son dîner de gala en présence du Président de la République.
Il est aussi très investi dans notre dispositif de médiation « Un·e chercheur·e, une manip’ », présentée depuis 2005 au Palais de la découverte et en ce moment aux Étincelles du Palais de la découverte2 : des scientifiques viennent parler de leurs recherches au public. Ce programme nous tient particulièrement à cœur : pouvoir questionner directement un chercheur ou une chercheuse est précieux pour nos visiteurs et se trouver confronté aux questions de la société est utile aux scientifiques.
Pour résumer, nos liens sont anciens, étroits, de très grande qualité et d’une intensité rare. Nos maisons s’entendent bien car les femmes et les hommes qui les composent s’apprécient et partagent des valeurs communes. Le fait qu’Antoine Petit soit très attaché à ce que la science soit mise au service du plus grand nombre n’y est pas pour rien.
Médiation scientifique, vulgarisation, partage des connaissances… Comment définissez-vous les activités d’Universcience ?
B. M. : Nous nous donnons pour mission de faciliter la rencontre entre le public d’une part, la science et ses applications d’autre part, grâce à une pluralité d’approches – expériences, manipulations, expositions, etc. – qui permettent d’aborder les connaissances acquises mais aussi la démarche scientifique elle-même et, partant, d’illustrer l’intérêt de la recherche. Au-delà de nos espaces d’exposition et de médiation, nous avons ainsi une grande bibliothèque en accès libre, une structure consacrée à la culture numérique, un programme d’éducation artistique et culturelle « Fab Lab à l’école » en cours de déploiement sur tout le territoire national…
En avril 2021, la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation Frédérique Vidal a présenté des mesures en faveur de la médiation scientifique issues de la loi de programmation de la recherche (LPR). Que pensez-vous de cette nouvelle impulsion gouvernementale sur le sujet ?
B. M. : Nous avons été très heureux que la LPR s’intéresse à la médiation scientifique. L’Amscti4 , dans laquelle nous sommes engagés, avait plaidé pour cela et a été entendue. Deux mesures en particulier nous concernent. D’abord, le 1 % pour la culture scientifique dans les appels à projets qui encourage le monde de la recherche à s’impliquer dans le dialogue avec la société. L’autre mesure est que chaque enfant puisse faire, au cours de sa scolarité, une visite dans un centre de culture scientifique et technique. Une mesure importante pour nous, qui est un signe fort envers la communauté éducative.
Par ailleurs, l’Agence nationale de la recherche (ANR) a lancé l’an dernier son tout premier appel à projet dédié à la médiation et la communication scientifiques. Cela fait écho à une initiative que nous avons prise dans le cadre de la rénovation du Palais de la découverte : créer un réseau de recherche en médiation scientifique qui rassemblera des acteurs académiques et des centres de science pour stimuler la recherche dans nos domaines. Le monde d’aujourd’hui questionne notre manière de travailler, le public change et nos outils et pratiques doivent s’adapter constamment. Nous avons besoin de la science pour étudier nos métiers et les faire évoluer.
Dans le cadre de ces nouvelles mesures de la LPR, le CNRS a remis fin 2021 les premières médailles de la médiation scientifique.
B. M. : Ces médailles viennent reconnaître et récompenser des scientifiques particulièrement engagés dans la culture scientifique. On ne peut que s’en féliciter ! Par ces médailles, le CNRS solennise son engagement aux yeux du grand public et de la communauté scientifique, qu’il encourage à s’intéresser au monde de la culture scientifique. Les premières ont d’ailleurs mis en avant plusieurs personnes avec lesquelles nous sommes ravis de travailler régulièrement.
De notre côté, nous mesurons l’engagement des scientifiques pour cette activité, notamment l’investissement en temps. Partenaires intellectuels de la conception des expositions, ces scientifiques nous accompagnent sur le long terme, toujours avec enthousiasme. Cette énergie est formidable. Nous tourner vers le CNRS pour la rénovation du Palais de la découverte était donc tout naturel.
- 1Bruno Maquart est président d’Universcience, qui regroupe le Palais de la découverte et la Cité des sciences et de l'industrie à Paris, depuis le 1er juillet 2015. Ingénieur agronome, ancien élève de l’École nationale d’administration, il a été directeur général du Centre Pompidou de 2001 à 2007 puis de l’Agence France-Muséums, chargée du Louvre Abou Dhabi, jusqu’en 2010. Inspecteur général des affaires sociales, il a été directeur de cabinet de Marisol Touraine (ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes) de 2013 à 2015. Il est parallèlement président d’ECSITE, l’association européenne des centres et musées de science, et de la Plateforme des données de santé. Depuis quelques mois, il siège au conseil d’administration du CNRS.
- EcmedL’École de la médiation est un centre de formation continue à la médiation culturelle et scientifique communs aux associations Traces, Les Petits Débrouillards et Planète Sciences, aux universités Versailles Saint Quentin (UVSQ) et Paris Diderot, et au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) et Universcience.
- 2Pendant les travaux, le Palais de la découverte poursuit ses activités à destination du public au sein d’une structure éphémère écoresponsable, les Étincelles, située à proximité du Parc André Citroën dans le 15ème arrondissement de Paris.
- 4L’Amscti est le réseau professionnel français des cultures scientifique, technique et industrielle. L’association compte près de 200 membres.