« La transition environnementale est une opportunité stratégique pour le CNRS »

Institutionnel

Pour faciliter la mise en œuvre et l’adhésion à son plan de transition environnementale, le CNRS s’est depuis peu doté d’un délégué scientifique au développement durable et aux risques. Stéphane Guillot nous détaille les enjeux de sa nouvelle mission.

Vous avez été récemment nommé délégué scientifique au développement durable et aux risques du CNRS. Pourquoi l’organisme s’est-il doté d’une autorité scientifique en la matière ?

Stéphane Guillot1 : Le CNRS, comme l’ensemble des organismes de l’enseignement supérieur et de la recherche en France, présentera sa feuille de route Développement durable et responsabilité sociétale d’ici la fin de l’année et l’intégrera dans son contrat d’objectifs, de moyens et de performances afin de s’inscrire pleinement dans l’Accord de Paris sur le climat. Le CNRS a fait le choix dès le début, que la démarche soit portée par ce qui fait l’ADN du CNRS, à savoir la science. C’est la raison pour laquelle c’est la direction déléguée générale à la science (DGDS) qui porte la transition environnementale de l’organisme.

Ainsi, il s’agit d’embarquer l’ensemble des personnels du CNRS dans une aventure collective au service de la transition environnementale. C’est un enjeu important pour le CNRS ! Et, même si j’ai le sentiment que la plupart des personnels du CNRS adhère à ce projet de transition environnementale, il faut maintenant le mettre en œuvre, ce qui nécessite une forte impulsion nationale qui doit structurer la politique scientifique de l’organisme.

Au sein du CNRS, j’ai acquis au cours des années une expérience des pratiques de la recherche en tant que chercheur ayant travaillé en France et à l’étranger avec des géochimistes, des géophysiciens mais aussi en tant que directeur d’unité, membre du comité national, directeur adjoint scientifique en institut (à CNRS Terre et Univers) ou encore membre de la Mission pour les initiatives transverses et interdisciplinaires (Miti). Ainsi, ayant pratiqué plusieurs facettes de ce métier, je crois être en mesure de comprendre et partager les préoccupations des personnels de la recherche du CNRS tant ingénieurs et techniciens que chercheures ou chercheurs. Ainsi lorsque le DGDS, Alain Schuhl, m’a proposé ce poste, j’ai accepté avec enthousiasme.

 

Quelles seront vos missions ? comment s’articuleront risques et développement durable ?

S. G. : Développement durable et risques sont les deux facettes d’un même miroir que je résumerai par atténuation et adaptation. Le changement climatique impose que nous réduisions, dans notre vie privée et professionnelle, notre empreinte carbone. Cela passe par plus de sobriété dans nos modes de transport, notre alimentation, nos achats, nos usages professionnels : c’est l’atténuation. En parallèle, nous devons aussi mitiger nos impacts sur la biodiversité en limitant par exemple le recours au plastique dans nos expériences ou encore les produits chimiques les plus polluants.

Cependant, les effets de nos efforts, de notre nouvelle façon de consommer, de travailler, ne se feront sentir que dans plusieurs dizaines d’années car le cycle des gaz à effet de serre dans l’atmosphère est long – la demi-vie2 du CO2 est de l’ordre de 150 ans. Nos sociétés vont devoir continuer à s’adapter aux nouvelles conditions qui entraînent en outre un accroissement des risques climatiques et des événements extrêmes (inondations, submersions, tempêtes, glissements de terrain, etc.).

Ma mission est donc double et complémentaire : proposer avec le pôle développement durable du CNRS et en appui à la direction générale des nouvelles pratiques de la recherche qui favoriseront l’atténuation de nos impacts. En parallèle, je travaillerai pour organiser au sein du CNRS et avec les directions des instituts une offre de recherche tournée vers la gestion et la mitigation des risques naturels (processus, anticipation, formation, gestion de crise) à destination des décideurs publics (ministères, préfectures, collectivités).

 

Comment votre poste s’intègre-t-il au réseau des référents développement durable dans les instituts et délégations régionales du CNRS ? quelle est sa place au sein de la gouvernance du CNRS ?

S. G. : Ma mission est positionnée sous l’autorité du DGDS, au sein du comité développement durable, en lien étroit avec la Mission transverse d’appui au pilotage. À ce titre, je travaille avec les directions des dix instituts du CNRS et leurs référents développement durable, mais aussi avec la Miti et la direction des infrastructures de recherche du CNRS. Il s’agira en particulier de coordonner la transformation des pratiques de recherche en nous appuyant notamment sur les réflexions déjà engagées dans les prospectives des instituts. Ainsi, j’envisage d’organiser avec les référents instituts une réunion mensuelle où nous aborderons ensemble les bonnes pratiques qui remontent des laboratoires de recherche et des sujets de réflexions autour de l’usage des plastiques, de la réparabilité des instruments ou de toute autre pratique qui favorisera une approche durable de nos métiers de la recherche.

Je ressens une forte attente des personnels de la recherche pour plus de sobriété mais le développement durable ne doit pas être réduit à l’atténuation, l’adaptation aux nouvelles conditions environnementales nous obligent à aller plus loin, à inventer des solutions qui n’existent pas encore. C’est le propre de la recherche que d’explorer de nouveaux horizons. Nous devons faire preuve d’audace et d’innovation pour que la transition environnementale devienne une opportunité stratégique pour le CNRS.

  • 1Directeur de recherche CNRS à l’Institut des sciences de la Terre (CNRS / IRD / Université Grenoble Alpes / Université Savoie Mont-Blanc).
  • 2La période (ou demi-vie) est le temps nécessaire pour qu’une substance voit la moitié de ses atomes se désintégrer naturellement.