« La priorité n°1 du CNRS reste la santé des agents »
Le CNRS prépare le deconfinement progressif à partir du 11 mai. Comment cette ‘reprise’ va-t-elle se dérouler ? Explications avec Hugues de La Giraudière, directeur des ressources humaines du CNRS.
Dans quel état d'esprit général le CNRS aborde-t-il la réouverture de ses bureaux et laboratoires le 11 mai ?
Hugues de La Giraudière : La position du CNRS s’inscrit d’abord dans le cadre général fixé par les directives gouvernementales, présentées par le Premier ministre devant l’Assemblée nationale le 28 avril, ainsi que par le plan de déconfinement de notre ministère de tutelle, diffusé en fin de semaine dernière. Dans ce contexte, la priorité n° 1 du CNRS reste ce qu’elle est depuis le début de la crise, à savoir la santé de ses agents. C’est la raison pour laquelle il a été décidé que le retour à la normale serait très progressif et que le travail à distance resterait la règle au moins jusqu’au 2 juin.
Comment s’organise ce déconfinement pour les unités mixtes recherche (UMR) — la majorité des laboratoires du CNRS — qui sont hébergées par nos partenaires ?
H. dLG. : Un principe de réalité s’impose et c’est donc au niveau de l’unité, en liaison avec ses tutelles et la délégation régionale de rattachement, que doit être élaboré et mis en œuvre le plan de retour à l’activité (PRA). C’est la raison pour laquelle le choix a été fait que chaque organisme hébergeur élabore les règles de reprise pour les unités qu’il héberge.
Au sein de l’unité, le respect des conditions sanitaires et la disponibilité des équipements sanitaires sont donc assurés de manière identique pour l’ensemble des personnels travaillant en présentiel, quel que soit leur employeur. Cette approche est cohérente avec le souci de cohésion interne de l’unité comme avec les conditions locales de déconfinement (si le département est vert ou rouge) ou de déplacements. Par exemple, nombre d’agents travaillant en Île-de-France ont manifesté une légitime inquiétude à l’idée de réutiliser les transports en commun, mais cette préoccupation ne se retrouve sans doute pas dans les zones situées hors des métropoles urbaines. Autre exemple, la capacité des parents de jeunes enfants à reprendre le travail normalement est étroitement liée à la réouverture des écoles et des crèches, et doit donc être prise en compte avec la plus grande attention.
Comment ce plan a-t-il été discuté avec les organisations syndicales ?
H. dLG. : Le dialogue social destiné à préparer le retour progressif à la normale a été soutenu, comme il l’a été tout au long des 8 semaines de confinement. Le déconfinement est, depuis le début, discuté au sein des différentes instances de concertation. Un groupe de travail du CCHSCT s’est en ce sens réuni le 27 avril afin de préparer la réunion du 4 mai au cours de laquelle le PRA du CNRS a été présenté aux organisations syndicales. La réunion des instances nationales est complétée par la réunion des instances au niveau régional.
Sur quel calendrier peut-on envisager un retour plus important des agents en présentiel ?
H. dLG. : Le calendrier de sortie de crise adopté par le CNRS s’inscrit dans le cadre général décrit précédemment, mais il peut être modifié en fonction de l’évolution de la situation sanitaire globale. L’organisme a donc décidé de définir trois phases de retour progressif à la normale. Celle qui court actuellement jusqu’au 11 mai est une phase de préparation des moyens nécessaires à la réouverture en présentiel en toute sécurité (équipements de protection individuels disponibles, inventaire des produits utilisés non périmés, recensement des fournisseurs opérationnels, traitement des déchets, nettoyage des locaux, etc). Cette phase pourra être prolongée si cela s’avère nécessaire. Pendant la 2ème phase — du 11 mai au 2 juin — le travail à distance reste privilégié. La physionomie de la remontée progressive en présentiel est propre à chaque structure et relève d’une analyse des risques faite au cas par cas, en fonction par exemple des priorités scientifiques, de la nécessité de redémarrer des équipements de recherche ou de reconstituer des capacités (achat de matériel, de produits...). En ce qui concerne les activités administratives, le retour en présentiel est uniquement motivé par la nécessité d’accéder à des ressources (dossiers, applications) non disponibles à distance. Enfin, les réunions ou regroupements sont évités au cours de cette période, au profit des audio- ou visio-conférences. Et puis, pendant la dernière phase, du 3 juin à fin juillet — et si les conditions sanitaires et économiques le permettent — un fonctionnement quasi-normal en présentiel sera mis en œuvre progressivement.
Quelles sont les mesures préparatoires prises par le CNRS pour assurer la meilleure protection des personnels ?
H. dLG. : La volonté du CNRS est de faire en sorte que chaque agent soit entouré des meilleures précautions sanitaires dès lors qu’il revient travailler en présentiel. Tous les moyens sont en train d’être rassemblés afin de garantir l’atteinte de cet objectif. Ces mesures sont d’ordre collectif et individuel.
D’un point de vue collectif, le matériel de protection nécessaire (masques, gel, etc.) est en train d’être réuni et sera mis à disposition des unités d’ici le 11 mai. De même, chaque unité doit repenser ses déplacements internes afin de permettre le respect des mesures de distanciation sociale, mais aussi les modalités de nettoyage des locaux, si et dans quelles conditions il sera possible d’avoir accès à la restauration collective, etc. C’est un très important travail de préparation qui sera matérialisé dans le plan de retour à l’activité de la structure.
Les précautions individuelles commencent à être largement connues, mais elles sont rappelées dans un document annexé au plan de retour à l’activité, les « Mesures d’hygiène et de sécurité pour un déconfinement progressif au sein du CNRS ».
Ensemble, le PRA des entités hébergées par le CNRS et les mesures d’hygiène et de sécurité ont vocation à être très largement diffusés. Il sera possible de les retrouver sur l’espace « Covid-19 » de l’Intranet du CNRS.
Un accompagnement RH particulier est-il prévu dans la perspective d'un « retour à la normale » ?
H. dLG. : La période de confinement a impacté à la fois le mode de fonctionnement collectif et l’organisation individuelle. Deux tendances que la fonction RH doit prendre en compte pour accompagner le retour à la normale.
La première priorité est d’accompagner les collectifs et les individus à la sortie de crise. Il serait périlleux de se remettre à travailler demain comme s’il ne s’était rien passé, comme si le confinement n’avait été qu’un mauvais moment à passer, à faible impact sur les agents. Au contraire, le confinement peut être vécu comme un traumatisme par certains personnels et, par conséquent, l’apparition d’ici quelque mois de « stress post-traumatique » n’est pas à exclure.
La DRH est donc en train de finaliser des préconisations en matière d’accompagnement RH du retour à la normale, qui reposent sur 3 grands axes, déclinés en actions à conduire au profit du collectif ou de l’individu : renforcer l’accompagnement social des agents et la prévention des risques psychosociaux (RPS) ; maintenir la bienveillance et renforcer la coopération au sein de l’établissement ; accompagner, mobiliser et responsabiliser les encadrants, quel que soit leur niveau, qui sont particulièrement sollicités au cours du confinement. Dès qu’elles auront été finalisées, des recommandations seront diffusées et mises à la disposition du personnel dans les espaces « COVID-19 » et « RH » de l’Intranet.
Cette crise a aussi mis en lumière les efforts que le CNRS a fait en ce qui concerne le déploiement du télétravail depuis deux ans. Comment imaginez-vous la suite ?
H. dLG. : De manière évidente, la crise que nous traversons montre l’enjeu, dans le cadre du travail à distance, de la démarche de dématérialisation des processus RH entreprise par le CNRS depuis quelques années. Imaginons les difficultés que nous aurions rencontrées si aucun processus n’avait été numérisé ! Je pense par exemple à l’application Agate pour les congés ou le dépôt des jours télétravaillés, à Ariane pour l’envoi des arrêts de travail, à Sirhus pour les dossiers annuels. Mais cette crise a aussi manifesté ce que nous avions déjà constaté, à savoir que l’ensemble des processus n’est pas complètement dématérialisé : il faut donc aller au bout de la démarche, dans un esprit de simplification des procédures. J’observe d’ailleurs que le ministère nous y pousse, puisque son PRA indique que « le travail de dématérialisation des procédures de fonctionnement et de gestion de l’établissement doit être poursuivi et amplifié ». Cette démarche touche aussi, naturellement, la formation. Le recours accru à la « formation à distance », qui est d’ores et déjà un des axes principaux du plan d’orientation de la formation 2020-2023, prend un nouvel essor aujourd’hui. Nous travaillons actuellement avec nos prestataires pour adapter leur offre.