Innovation navale : Naval Group et le CNRS continuent de voguer de conserve

Innovation

En quête perpétuelle d’innovation dans le secteur du naval de défense, l’entreprise Naval Group a toujours entretenu des liens étroits avec le CNRS, à travers les laboratoires sous sa tutelle. Cette collaboration au long cours s’est dernièrement prolongée par la création d’un nouveau laboratoire commun, baptisé NEL, autour des problématiques de discrétion électromagnétique.

Naval Group est un acteur international majeur du naval de défense, secteur dans lequel l’innovation joue un rôle primordial, à des fins de souveraineté maritime. « C’est pourquoi, depuis la création de l’entreprise, nous travaillons régulièrement avec des laboratoires de recherche sous tutelle du CNRS, afin de bénéficier d’une expertise scientifique de haut niveau et d’avoir accès à des plateformes expérimentales uniques », relève Edith Francoz, responsable du partenariat CNRS - Naval Group.

Une collaboration fructueuse et protéiforme


Cette collaboration de longue date s’est concrétisée par la conclusion d’un accord-cadre en février 2021. « Cette signature est venue donner un cadre supplémentaire au rapprochement entre les deux entités et vise à intensifier leur coopération », note Patrizia Borghetti, directrice adjointe du pôle Développement de projets à la Direction des relations avec les entreprises du CNRS. Ce qui se traduit notamment par le développement de nouveaux projets sur des problématiques très variées. « Notre démarche d’innovation s’appuie sur une recherche interdisciplinaire autour de 9 domaines scientifiques transverses et 85 domaines d'expertise technique, auxquels contribuent significativement les laboratoires sous tutelle du CNRS », précise Edith Francoz.

Les deux structures n’ont toutefois pas attendu la signature de cet accord-cadre pour mener des projets conjoints. Ainsi, depuis 2019, une trentaine de contrats les ont réunies, sous la forme de thèses CIFRE, de projets de recherche internationaux, de laboratoires communs… Citons, par exemple, le Laboratoire de Traitement de l'Information Sous-Marine (LTISM) – laboratoire commun créé en 2017 et réunissant Naval Group et l’Institut Matériaux Microélectronique Nanoscience de Provence (IM2NP, CNRS/Aix-Marseille Université/Université de Toulon) – ou le laboratoire de recherche international (IRL) CROSSING – lancé en 2021 et associant l’entreprise, le CNRS, IMT Atlantique, ainsi que trois grandes universités australiennes.

Plus récemment, en novembre 2023, Naval Group et le CNRS ont annoncé le lancement d’un réseau thématique industriel sur la Modélisation et l’Optimisation vibro-hydro-Acoustique des systèmes NAvals (RTI MOANA), pour une durée de cinq ans. « Il s’agit de fédérer les expertises complémentaires de huit laboratoires de recherche publique[1], autour de problématiques dans le domaine de l’acoustique navale », indique Anne-Christine Hladky, directrice adjointe scientifique de CNRS Ingénierie. En particulier, l’objectif est de développer de nouveaux outils, méthodes et solutions technologiques pour réduire les bruits et les vibrations au sein des bâtiments navals.

Signature du laboratoire commun NEL (de gauche à droite : Yassine LAKHNECH, Président de l’UGA ; Frédéric VIGNAL, Directeur développement innovation offres de Naval Group ; Jean-Luc MOULLET, Directeur général délégué à l’innovation du CNRS ;Vivien QUEMA, Administrateur général de Grenoble INP-UGA) © CNRS

Un laboratoire commun fondé sur plus de 80 ans d’histoire commune


Dernièrement, la collaboration entre Naval Group et le CNRS a abouti à la création d’un nouveau laboratoire commun, baptisé NEL (Naval Electromagnetism Laboratory), associant également l’Université Grenoble-Alpes et Grenoble INP-UGA. Un exemple révélateur de la longue histoire commune entre l’entreprise et le monde de la recherche, via le laboratoire de Génie Électrique de Grenoble (G2Elab, CNRS/Université Grenoble-Alpes). « La genèse de notre collaboration remonte à la Seconde Guerre mondiale, lorsque le physicien Louis Néel met au point un procédé de discrétion électromagnétique pour les bâtiments navals », retrace Olivier Chadebec, directeur de recherche CNRS au G2Elab. « Après la Libération, convaincue par les résultats obtenus, la marine française – qui regroupe alors les activités aujourd’hui assurées par Naval Group – demande au chercheur de créer un laboratoire dédié à la thématique du magnétisme du navire. Cette entité rejoindra ensuite le Laboratoire d'Électrotechnique de Grenoble (LEG) et le Laboratoire d'Électrostatique et des Matériaux Diélectriques (LEMD) pour donner naissance au G2Elab. »

À travers le NEL, inauguré le 5 juillet 2024, les deux structures ont ainsi souhaité pérenniser et renforcer une collaboration qui n’a jamais cessé depuis la fin de la guerre. Une union à laquelle s’est également ajouté le laboratoire Grenoble Images Parole Signal Automatique (GIPSA-lab, CNRS/Université Grenoble-Alpes), apportant son expertise en traitement du signal.

Maîtriser la signature magnétique des bâtiments navals


Sur quoi porteront les travaux de recherche du laboratoire commun NEL ? « Nous nous intéressons aux problématiques associées à l’électromagnétisme des bâtiments navals », explique Olivier Chadebec. « En effet, un navire étant principalement constitué d’acier, il a tendance à s’aimanter et ainsi à créer une anomalie locale du champ magnétique terrestre. Et cela constitue un enjeu majeur pour toutes les marines du monde, puisque cette "signature magnétique" peut être détectée par des acteurs extérieurs, mettant alors à mal toute tentative d’opération discrète, voire par des mines se déclenchant en cas de variation du champ électromagnétique, entraînant la destruction du navire. »

Par conséquent, le NEL vise à caractériser, contrôler, mesurer et détecter les signatures magnétiques basses fréquences des bâtiments navals. Cet objectif se décline en deux axes de recherche principaux, dont le premier consiste à développer un système permettant à un sous-marin d’identifier en temps réel sa propre signature magnétique et de la compenser, afin de devenir « magnétiquement silencieux ».

Les chercheurs s’intéressent également à la problématique inverse : la détection d’anomalies électromagnétiques, pouvant témoigner de la présence de bâtiments navals. Un défi scientifique considérable, dans la mesure où il est question de variations de très faibles amplitudes. « Pour cela, nous nous appuyons sur le Laboratoire de Métrologie Magnétique en Champ Faible (LMMCF) », souligne Laure-Line Rouve, ingénieure de recherche Grenoble INP-UGA au G2Elab. « Celui-ci nous permet de créer des anomalies de quelques dizaines de nanoteslas, à comparer au champ magnétique terrestre, de l’ordre de 50 000 nT. » Un équipement sur lequel s’appuiera l’équipe du laboratoire commun – composée notamment de deux doctorants CIFRE et de deux post-doctorants – pour ses travaux sur les cinq prochaines années.

 

[1] LOMC, IEMN, LAUM, IMSIA, I2M, LMFA et LMA, sous tutelle du CNRS, ainsi que LVA (INSA Lyon)