Idylle, une nouvelle voie de valorisation pour les outils de recherche

Innovation

L’entreprise Idylle, avec laquelle le CNRS vient de signer un partenariat public-privé, cherche à mettre à disposition du plus grand nombre de scientifiques les outils de recherche innovants mis au point au sein des laboratoires.

Lorsqu’il développe un nouvel outil de recherche en 2019, Tâm Mignot se rend tout de suite compte du potentiel pour ses collègues chercheurs et chercheuses. Avec ses collègues Olivier Théodoly de l'Adhesion & Inflammation Lab1 , Laurent David et Guillaume Sudre de l'IMP Lyon2 , le directeur du Laboratoire de chimie bactérienne3  a conçu une surface adhésive permettant d’observer facilement des bactéries individuelles et par exemple leur réponse à des antibiotiques. Il se met alors en contact avec une SATT4  et dépose un brevet. Un choix judicieux : après la publication détaillant sa méthode, les sollicitations se multiplient de la part de scientifiques du monde entier souhaitant utiliser la surface pour leurs propres recherches.

Homme assis devant un ordinateur
Tâm Mignot a également créé la plateforme « Diffusons la science, pas le virus », soutenue par la direction de la communication du CNRS, pour rendre accessible à tous l’état des connaissances sur la pandémie. ©Fondation Bettencourt Schueller

« Mais l’innovation, directement utilisable dans le milieu de la recherche, n’était pas mûre pour un usage en milieu clinique », raconte le microbiologiste. Il rencontre alors Mathieu Grisolia, alors chef de projet et analyste chez Quattrocento, un start-up studio français spécialisé dans les sciences du vivant.

Accélérer la pratique de la recherche

Des outils de recherche comme celui-ci, Mathieu Grisolia en voit passer souvent : des réactifs, consommables, sondes, protéines, marqueurs génétiques, méthodes, protocoles, etc. qui améliorent par exemple la préparation et l’utilisation d’échantillons. Prometteurs pour la recherche, mais avec un marché de niche, insuffisant pour créer une start-up, et sans application socio-économique identifiée, ce qui rend difficile leur protection par un brevet. C’est sur cette constatation qu’il crée Idylle  au sein de Quattrocento en 2019.

Entreprise spécialisée dans les technologies de R&D, pour le moment avec applications en sciences du vivant, Idylle propose une plateforme complète de conception, production et vente de ces produits. Soutenue par le Programme d’investissements d’avenir (PIA5 ), elle est une « nouvelle voie de valorisation » pour ces outils de recherche, explique le désormais directeur général. « L’ambition d’Idylle est d’accélérer la pratique de la recherche, en fournissant au bon moment le bon outil », résume-t-il : « Nous cherchons à apporter quelque chose de nouveau pour la recherche, des produits indisponibles sur étagère, pour lesquels il n’existe pas encore de chaîne industrielle adéquate, qui sont innovants, peuvent aider les pratiques de recherche et pourraient devenir de nouveaux standards ».

Or cette voie était jusque-là assez inexploitée par CNRS Innovation, qui aide habituellement les scientifiques à s’adresser à des marchés plutôt via des concessions de licences ou le lancement d’une start-up. C’est pourquoi, après deux années de collaborations, le CNRS est entré au capital d’Idylle fin 2021, devenant un associé fondateur à hauteur de 20 %.

« Idylle propose un modèle tout à fait adapté à mes ambitions pour mon produit », atteste Tâm Mignot qui salue les compétences et le savoir-faire des équipes. Leur « excellent contact » permet ainsi un « rapport de confiance immédiat » : « Je souhaitais que mon dispositif soit utile et puisse être distribué, sans chercher d’abord la rentabilité. Avec Idylle, nous avons une vision convergente qui a permis d’établir des objectifs réalistes », continue le chercheur.

Une amélioration continue des outils proposés

Le modèle s’appuie en effet sur une « collaboration intellectuelle en continu » avec l’inventeur de l’outil, détaille Cyprien Jaillet, en charge du dossier Idylle chez CNRS Innovation. Première étape : mettre au point un produit facile d’accès et clé en main, qui puisse être utilisé rapidement et en autonomie par d’autres scientifiques. Une phase « agréable » de discussions autour du packaging ou des flyers, de réflexion sur les normes de transport, de rédaction d’un protocole robuste et précis (disponible en vidéo), de vérification du procédé de fabrication une fois industrialisé.

S’appuyant sur 125 m² de laboratoires à Paris, Idylle rassemble ainsi une dizaine de personnes avec des compétences variées sur toute la chaîne de valeur du prototype à la vente du produit. Cette équipe gère la détection du potentiel des outils et savoir-faire de laboratoire, notamment via les publications et communications des scientifiques, et surtout leur industrialisation, qui reste hors du champ de compétences des scientifiques et du CNRS. Encadrée par un modèle contractuel développé avec CNRS Innovation et la direction juridique du CNRS, la plateforme couvre l’ensemble des enjeux méthodologiques, industriels et commerciaux de la mise à disposition d'un produit sur un marché, en l’occurrence celui des scientifiques.

Produits Idylle
Exemples de produits disponibles via Idylle - à gauche, Chitozen inventé par Tâm Mignot avec Olivier Theodoly, Amandine Desorme, Guillaume Sudre et Laurent David. @Idylle

Aujourd’hui, Tâm Mignot et Idylle finalisent une première phase de test autour de la surface adhésive. Envoyée à plusieurs utilisateurs, elle a pu être testée dans d’autres cadres de recherche que celui pour lequel elle avait été pensée. « C’était assez angoissant », partage Tâm Mignot : « nous étions sûrs du bon fonctionnement de notre outil dans notre laboratoire, avec notre savoir-faire. Le généraliser à d’autres laboratoires était un pari. » Cette phase de test a aussi permis d’ouvrir l’utilisation à des types de bactéries autres que celles pour lesquelles la surface avait été conçue et de saisir les difficultés pour les bactéries pour lesquelles la surface n’a pas marché, afin d’améliorer le produit.

Ce « mécanisme d’économie circulaire de la connaissance », comme l’appelle Mathieu Grisolia, est une des clés d’Idylle. L’idée : débloquer autant de situations expérimentales que possible, pour les clients-scientifiques partout dans le monde – Idylle réalise ses ventes à 85 % à l’international, à l’image des communautés de recherche mondiale. En 12 à 18 mois, les produits confiés à Idylle génèrent en général de nouvelles versions grâce à ces retours des utilisateurs qui détournent l’usage original. Avec ces outils continûment améliorés, la recherche devient plus rapide et efficace.

Acquérir le « réflexe Idylle »

Pour le chercheur ou la chercheuse à l’origine de l’outil, « cela peut donner de nouvelles idées d’usages, voire d’applications socio-économiques qui cette fois pourront mener à une start-up par exemple », assure Cyprien Jaillet. « Être à l’origine d’un dispositif largement employé par la communauté est en soit très satisfaisant », témoigne de son côté Tâm Mignot.

De plus, la publication d’un résultat appuyé sur un outil de recherche dont Idylle assure l’industrialisation aura plus d’impact, certifie Matthieu Grisolia, les expériences étant plus faciles à reproduire et vérifier. C’est pourquoi l’entreprise a l’ambition de passer sous l’année de délai entre l’identification du potentiel et les premières ventes, phase de tests comprise, afin de « rester au plus près de la diffusion naturelle de la connaissance par les publications ».

À terme, la compagnie travaillera aussi avec des offices de transfert technologique et institutions au-delà du CNRS, voire au-delà des laboratoires français. Ce « modèle Idylle », innovant en lui-même, pourrait également être décliné sur d’autres domaines que les sciences du vivant, indique Cyprien Jaillet.

Pour l’heure, CNRS Innovation et Idylle parcourent les laboratoires dont le CNRS est tutelle, afin que les scientifiques et valorisateurs acquièrent le « réflexe Idylle », dès lors qu’un outil susceptible d’aider la communauté de recherche est développé dans le laboratoire. Mathieu Grisolia vise ainsi l’identification d’une centaine de nouvelles technologies d’ici la fin de l’année, afin de « maintenir notre rythme actuel d’un nouveau produit par mois ». S’il repère un projet adéquat, Tâm Mignot promet quant à lui de se faire le porte-parole des possibilités offertes par Idylle.

Vous vous sentez concerné·e ? Contactez votre délégation régionale.

  • 1CNRS/Aix-Marseille Université/Inserm.
  • 2CNRS/Insa Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1/Université Jean Monnet.
  • 3CNRS/Aix-Marseille Université.
  • 4Société d'accélération du transfert de technologies. Le CNRS est partenaire des 14 SATT réparties sur le territoire national, créées à partir de 2012 à l’initiative de l’État dans le cadre du Programme d'investissements d’avenir (PIA).
  • 5Piloté par le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI) et déployé en vagues successives depuis 2010, le PIA finance « des investissements innovants et prometteurs sur le territoire, afin de permettre à la France d’augmenter son potentiel de croissance et d’emplois ». Idylle bénéficie en particulier de l’action « Sociétés universitaires et de recherche » du PIA3.