Cinquante ans de collaboration scientifique franco-japonaise : les raisons d’un succès

Institutionnel

Le 2 décembre 2024, le CNRS accueillait à Paris ses partenaires japonais pour fêter cinquante ans de coopération scientifique entre la France et le Japon. Un modèle de relation internationale appelé à se renforcer dans les prochaines années. 

Le 2 juillet 1974, la France et le Japon signaient un accord de coopération scientifique. Cinquante ans plus tard, force est de reconnaître que les deux nations forment des « partenaires exceptionnels », comme s’en réjouit Antoine Petit, président-directeur général du CNRS, durant un événement anniversaire organisé le 2 décembre 2024 au siège parisien de l’organisme de recherche français.

Un modèle de coopération scientifique internationale

Les intervenantes et intervenants, invités par le CNRS, ont tous convenu d’une coopération scientifique modèle pour les relations internationales. La valeur exemplaire de l’amitié franco-japonaise tient d’abord à la qualité et à la diversité des recherches partenariales (voir chiffres-clés ci-dessous), qui font de la France le cinquième partenaire international du Japon en nombre de copublications scientifiques et son troisième européen (derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni), tandis que le Japon constitue le dixième partenaire international français et le deuxième en Asie (derrière la Chine). Des coopérations reconnues au plus haut niveau : dans son allocution, Jean-Pierre Sauvage, professeur émérite à l’université de Strasbourg, tient à remercier les nombreuses équipes japonaises qui lui ont permis, pendant une vingtaine d’années, de poursuivre ses travaux autour des machines moléculaires, couronnés par le Prix Nobel de chimie en 2016.

Si la collaboration franco-japonaise s’avère si durable, c’est aussi en raison du fort soutien institutionnel dont elle bénéficie. Comme le note Antoine Petit, « la qualité de la recherche avec le Japon se remarque tant au niveau individuel qu'au niveau institutionnel ». Rien que pour le seul CNRS, « le Japon, avec plus de 55 dispositifs structurants1 , représente notre premier partenaire en termes de collaborations institutionnelles », gages de « relations de longue date solidement établies », observe encore le PDG français. Mais quand bien même il compte pour 50 % des copublications scientifiques franco-japonaises, le CNRS n’est pas le seul acteur hexagonal de cette collaboration multi-acteurs. Le CNRS avait ainsi convié l’Agence nationale de la recherche française, son homologue japonaise, la Japan Science and Technology Agency (JST), et plusieurs délégués ministériels de part et d’autre du globe. 

Parmi eux, Donato Giorgi, délégué aux affaires européennes et internationales au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (Mesr) français, constate que « la relation franco-japonaise, présente à tous les niveaux de la recherche, des étudiants aux agences de financement en passant par les laboratoires, va de plus en plus loin grâce à son soutien politique ». Un soutien marqué par l’existence d’un comité mixte pour la science, la technologie et l’innovation, un dispositif stratégique rare et réservé aux partenaires les plus proches de la France. Car en plus de partager des équipes et des projets scientifiques, la France et le Japon ont en commun des valeurs guidant la recherche, que souligne Corinne Borel, cheffe du service de la stratégie de la recherche et de l'innovation au Mesr : « démocratie, science ouverte, curiosité et libertés académiques ».

  • 1Centre de recherche international, laboratoires, projets et réseaux de recherche internationaux et actions internationales émergentes.
Antoine Petit lors de l'événement parisien
Antoine Petit lors de l'événement parisien© CNRS

Une collaboration à renforcer

Pour prolonger cette collaboration de longue date, les participants japonais invitaient, à l’instar du président de la JST, Kazuhito Hashimoto, à voir dans cette journée « non seulement un motif de réjouissance mais aussi un appel à l’action pour approfondir notre collaboration ». En effet, depuis la sortie de la crise du Covid-19, le Japon cherche à renforcer son rang sur la scène scientifique internationale. Et pour cause : une étude ministérielle en 2023 a mis en lumière la grave crise de compétitivité de l’archipel. Hiroki Takaya, directeur général adjoint du bureau de politique scientifique et technologique au ministère de l'Éducation, de la Culture, des Sports, des Sciences et de la Technologie, déplore ainsi que « ces dernières années, le Japon a vu stagner ses capacités scientifiques et technologiques, ce qu'on mesure au nombre de citations d'articles scientifiques » en déclin. Dans les faits, cette perte de vitesse se traduit par « un déclin sur certains domaines de rupture », regrette Kazuhito Hashimoto. 

Pour contrer cette baisse de régime, les institutions scientifiques japonaises ont mis en place un certain nombre de mesures et programmes visant à relancer la compétitivité à l’international. Parmi elles, le programme Aspire, initié par la JST, vise à financer l’insertion des scientifiques du pays, aussi bien jeunes que seniors, dans les réseaux de recherche des grandes nations scientifiques – Europe et États-Unis en tête – et en particulier au sein de domaines de recherche stratégiques. Ou, pour le dire avec les mots du président de la JST : « Aspire évite la fuite des cerveaux et encourage des mobilités internationales mutuellement bénéfiques aux deux parties ». En plus de programmes nationaux, le Japon mise sur un rapprochement avec l’Europe, espérant rejoindre Horizon Europe en qualité de pays associé, aux côtés du Canada, de la Nouvelle-Zélande et de la Corée du Sud. En parallèle du volet européen, le Japon a initié des rapprochements bilatéraux avec plusieurs pays, parmi lesquels la France, deuxième bénéficiaire en volume de projets retenus du programme « Core-to-Core » géré par la Japanese Society for Promotion of Science.

Ce contexte d’ouverture volontariste de l’archipel aux collaborations internationales y favorise l’implantation des institutions scientifiques françaises. Le CNRS a su répondre à la main tendue de ses partenaires japonais et, depuis quelques années, y a multiplié ses dispositifs institutionnels. En octobre dernier, quelques jours avant l’événement tokyoïte du cinquantième anniversaire, un douzième laboratoire de recherche international du CNRS au Japon voyait le jour : EARLY  dédié à l’étude du cycle de vie des poissons dans les récifs coralliens, en partenariat avec l’Okinawa Institute of Science and Technology. La dynamique est particulièrement vive dans la capitale japonaise, où le premier organisme de recherche français dispose d’un de ses six centres de recherche internationaux en partenariat avec la principale université du pays, l’Université de Tokyo. Depuis le lancement du centre en 2022, un nouveau laboratoire de recherche international en mathématiques a été créé et d’autres, issus de groupes de travail communs aux deux institutions, pourraient suivre son exemple.

On le voit, à cinquante ans, la coopération franco-japonaise, menée par le CNRS, a encore toute sa jeunesse et regarde avec sérénité son avenir.

Photo de groupe à l'issue de l'événement-anniversaire à Tokyo en octobre 2024
Photo de groupe à l'issue de l'événement-anniversaire à Tokyo en octobre 2024© CNRS
Plus de 3000 copublications scientifiques, soit la moitié des copublications françaises au Japon
1 centre de recherche international
12 laboratoires de recherche internationaux
26 projets de recherche internationaux
17 réseaux de recherche internationaux