ERC Proof of Concept : les quatre lauréats français hébergés au CNRS
Quatre lauréats français ont été retenus dans la seconde vague de l’appel « Proof of concept » 2022 du Conseil européen de la recherche (ERC) ; tous sont hébergés au CNRS. Ce financement complémentaire permet aux scientifiques de développer une piste applicative pour des résultats exploratoires obtenus dans le cadre d’une bourse ERC.
Cette année, le Conseil européen de la recherche (ERC) a retenu 55 projets candidats au second tour de l’appel « Proof of concept » 2022 du programme cadre Horizon Europe, pour un montant total de 50 millions d’euros sur l’année. Parmi eux, quatre lauréats français, tous accueillis par le CNRS. Lors de la première vague PoC de 2022, 166 scientifiques avaient ainsi obtenu ce financement. Parmi eux, 15 français dont 6 étaient hébergés par le CNRS.
Cet appel s'adresse aux scientifiques déjà lauréats d'une bourse ERC (Starting, Consolidator, Advanced ou Synergy), en cours ou terminée depuis moins d’un an, pour leur recherche exploratoire et porteuse de découvertes scientifiques, techniques et sociales, et qui souhaitent se rapprocher d’un marché. Pour un montant maximal de 150 000 euros et sur une période de 18 mois au plus, ces bourses complémentaires soutiennent le développement du potentiel commercial et sociétal d’une ERC.
Les 55 bourses du deuxième appel « Proof of concept » ont été attribué à des scientifiques travaillant dans 16 pays, les Pays-Bas en tête (10) ; suivent le Royaume-Uni (7), l’Italie (6), l’Allemagne (5), Israël (5). La France (4) arrive en 6e position avec l’Espagne (4) et devant l’Autriche (3), la République Tchèque (2), la Finlande (2), le Portugal (2). Enfin la Belgique, la Turquie, la Suède, la Roumanie et la Norvège avec chacun un récipiendaire.
Un troisième appel PoC 2022 est ouvert aux boursiers ERC. La date limite est fixée au 29 septembre 2022.
Le CNRS héberge les quatre lauréats français de cet appel :
Konstantinos Danas, chercheur au Laboratoire de mécanique des solides1 (LMS) pour le projet Haptic sensing skin for biomedical applications with soft magnetorheological elastomers, MagnetoSense
Spécialiste des matériaux composites, ces assemblages de plusieurs constituants qui confèrent des propriétés extrêmes au matériau final, Konstantinos Danas travaille au sein du Laboratoire de mécanique des solides. C’est là qu’il mène ses travaux sur la description théorique et la modélisation numérique des lois de comportement de ces matériaux, à des échelles variant du nanomètre au centimètre. En 2014, il obtient une bourse Starting Grants de l’ERC pour son projet Magneto sur la mise au point d’élastomères magnéto-rhéologiques (MRE) - des matériaux qui changent de forme sous de faibles champs magnétiques - et la modélisation de leur comportement. Dans la lignée de ces résultats exploratoires, MagnetoSense propose un MRE comme capteur haptique - de type pression-déformation - pour des applications biomédicales. « Quand nous avons commencé ce projet, ces matériaux étaient assez innovants et il y avait encore peu d’applications potentielles. Depuis, les études au niveau international se sont multipliées et de nouvelles pistes d’application ont émergé. Nous étions, quelque part, des pionniers. Ce qui nous donne une position de force aujourd’hui », explique le lauréat de la médaille de bronze du CNRS en 2017. « Avec ce financement, si nous arrivons à démontrer que MagnetoSense fonctionne en laboratoire dans des situations simples, cela peut ouvrir la voie à des applications robotiques et biomédicales ». Comme identifier la rigidité de l'organe ou du tissu sous-jacent, appuyer plus ou moins fort pour effectuer une coupe ou encore retirer une tumeur.
Alia Gana, directrice de recherche au Laboratoire dynamiques sociales et recomposition des espaces2 (LADYSS) pour le projet ELectoral information and analYSis System for the enhancement of democrAcy, ELYSSA
Directrice de recherche au Laboratoire dynamiques sociales et recomposition des espaces (LADYSS), Alia Gana explore les liens entre développement, territoires et démocratie, à la lumière des bouleversements politiques en Afrique du Nord. En 2017, elle est lauréate d’une bourse Advanced Grant de l’ERC pour son projet TARICA sur les changements politiques et socio-institutionnels au Maghreb et la concurrence des modèles et diversité des trajectoires nationales. Dans le prolongement de ce projet, ELYSSA propose de développer un outil d'exploration, de visualisation et d'analyse de données électorales, la plateforme ELYSSA s’appuie sur la base de données électorales construite au cours des 5 dernières années. Elle vise à faciliter l'accès aux informations relatives aux élections et à la compréhension des processus politiques et électoraux en Tunisie et au Maghreb depuis le Printemps arabe. « En mettant à la disposition de différentes catégories d’utilisateurs – ONG, médias, acteurs politiques ou institutions de coopération – des outils d’analyse du vote et du changement politique dans le Maghreb post-2011, ELYSSA est conçue comme une contribution de l'expertise scientifique à la démocratisation de l'accès à l'information électorale et au renforcement de la société civile », souligne la chercheuse. « L’acception pour financement PoC du projet ELYSSA représente non seulement une reconnaissance du travail réalisé dans le cadre de l’ERC TARICA, mais aussi de l’utilité sociale de ses résultats. » Elle permettra l’actualisation des données existantes, la mise en place d’un dispositif de collecte de nouvelles données dans la perspective des prochaines élections en Tunisie, l’identification des usagers potentiels et de leurs besoins, et le développement de l’outil technique.
Loïc Salmon, chercheur au Centre de résonance magnétique nucléaire à très hauts champs de Lyon3 (CRMN) pour le projet Virus Inhibition by siRNA Optimized by NMR, Vision
Au croisement de la physique, de la chimie et de la biologie, Loïc Salmon étudie les processus moléculaires biologiques complexes à résolution atomique. Il intègre, fin 2017, le Centre de RMN à très hauts champs où il dirige actuellement une équipe se concentrant sur la dynamique complexe dans les molécules d’ARN dont la description est essentielle pour comprendre le fonctionnement de ces molécules, affiner notre conception biochimique et biophysique fondamentale de l'ARN et ouvrir de nouvelles voies pour la bio-ingénierie ou pour la découverte de médicaments. Il obtient en 2018 d’une bourse Starting Grant de l’ERC pour son projet PARAMIR sur cette thématique. « Le projet Vision propose une nouvelle approche combinant les dernières avancées en biologie structurale et en virologie pour concevoir, tester et optimiser de nouvelles molécules actives contre le SARS-CoV-2 et ces potentiels futurs variants. L'approche permet d'identifier les "talons d'Achille" du virus et de les cibler de manière spécifique », précise-t-il, réjoui par cette annonce. « Ce financement est porteur d’espoir en nous offrant la chance de mobiliser les connaissances issues de la recherche fondamentale pour s'attaquer à un problème majeur très actuel. C’est aussi une excellente opportunité pour, d'une part, lancer une nouvelle collaboration entre le CRMN et le Centre international de recherche en infectiologie4 et, d'autre part, pour accélérer le transfert de la recherche fondamentale vers la recherche appliquée et de potentielles applications ». Si l'approche s’avère fructueuse, elle pourrait être la première étape vers de nouveaux médicaments antiviraux, qui viendraient renforcer l’arsenal thérapeutique disponible, aujourd’hui encore très limité.
Adrien Carretero, chercheur à Institut d’électronique et des systèmes5 (IES) pour le projet Quartz On-chip for Virus Detection, QOVID
Après un passage à l’Institut de nanotechnologie de Lyon, Adrien Carretero rejoint en janvier 2016 l’Institut d’électronique et des systèmes, à Montpellier, où ses travaux sont soutenus par un projet Jeune Chercheur (JCJC) de l’agence nationale de recherche française (ANR). En 2018, il remporte une ERC Starting Grant pour SENSISOFT, projet autour de la fabrication de capteurs piézoélectriques permettant la mesure de minuscules changements de masse et la détection de forces, de distances, de mouvements ou l’accélération, à partir de méthodes de chimie douce, comme le sol-gel. Le principal avantage de cette approche est d’utiliser des couches minces à base d’oxydes épitaxiés sur silicium. QOVID s’inscrit dans la poursuite des résultats obtenus depuis et vise à approfondir le développement de ces capteurs nanométriques à base de quartz, peu coûteux et respectueux de l’environnement, pour détecter des traces infimes du Sars-Cov-2. « Ce financement PoC récompense avant tout le travail accompli jusqu’ici. Cela nous donne la légitimité, la motivation et l’énergie pour poursuivre nos recherches et pour franchir une étape supplémentaire vers le développement d’un démonstrateur fonctionnel et sa commercialisation », confie Adrien Carretero. « Nous envisageons désormais la création d’une start-up pour valoriser cette technologie qui apportera de nouvelles perspectives à l'industrie microélectronique ». Ces biocapteurs ne se limitent pas à la détection du SARS-CoV-2 et pourraient s’étendre à d’autres virus, être utilisés comme capteurs de gaz - par effet photoacoustique - ou encore comme outil de mesure de l’évolution de masse d’une seule cellule.
Adrien Carretero fait également partie d’un projet similaire et interdisciplinaire, QBIOCELL, labellisé PRIME (Projets de recherche interdisciplinaire multi-équipes) en janvier dernier par le CNRS.
- 1CNRS / Ecole polytechnique, Palaiseau.
- 2CNRS / Université Panthéon-Sorbonne / Université Paris Nanterre / Université Paris 8 Vincennes-Saint Denis / Université Cité, Nanterre.
- 3CNRS / Université Claude Bernard / ENS Lyon, Lyon.
- 4Inserm / CNRS / l’ENS Lyon / Université Claude Bernard Lyon 1.
- 5CNRS / Université de Montpellier, Montpellier.