ICMF2E : la mécanique des fluides appliquée à l’énergie et à l’environnement
EDF et l’Institut de Mécanique des Fluides de Toulouse ont créé un laboratoire commun baptisé ICMF2E, portant sur des travaux de recherche en mécanique des fluides, en particulier sur les écoulements multiphasiques. La formalisation d’une relation étroite entre les deux acteurs, riche de plus de 70 ans de collaboration.
Retracer le fil de l’histoire unissant EDF et l’Institut de Mécanique des Fluides de Toulouse (IMFT, CNRS/Toulouse INP-ENSEEIHT/Université Toulouse III – Paul Sabatier) nécessite de remonter quelques décennies en arrière. « Dès les années 1950, EDF faisait appel à notre laboratoire pour des études relatives à ses centrales hydroélectriques dans la région Midi-Pyrénées », relate Éric Climent, professeur en mécanique des fluides à l’INP-ENSEEIHT et ancien directeur de l’IMFT. « Et à partir des années 1990, nous avons entamé une collaboration de recherche avec la R&D d’EDF sur des questions de mécanique des fluides et d’écoulements complexes. » Une relation à laquelle a grandement contribué Olivier Simonin, qui a occupé le poste de directeur de l’IMFT de 2000 à 2006 après avoir passé près de vingt ans à la R&D d’EDF.
Un laboratoire commun pour renforcer une collaboration historique
Les deux partenaires ont par exemple étudié ensemble le phénomène de « crise d’ébullition », phénomène d’intérêt pour la démonstration de sûreté d’une centrale nucléaire. « Un cœur de réacteur est composé d’assemblages combustibles, constitués de crayons cylindriques, qui transmettent leur chaleur à l’eau », explique William Benguigui, ingénieur-chercheur en mécanique des fluides à la R&D d’EDF. « Et dans certaines situations particulières, on étudie à une échelle fine l’ébullition en paroi, afin de mieux comprendre les mécanismes pouvant mener à la formation d’un film de vapeur autour du crayon, qui provoquerait une réduction de l’échange thermique. » Plusieurs thèses ont ainsi été menées par EDF et l’IMFT afin de mieux comprendre et appréhender le phénomène, et ces travaux ont fait l’objet de publications scientifiques.
C’est pour prolonger et renforcer cette collaboration sur diverses thématiques que les deux acteurs ont décidé de s’unir à travers un laboratoire commun. Intitulé « Institut Commun de Mécanique des Fluides pour l’Énergie et l’Environnement » (ICMF2E), celui-ci a été conclu en octobre 2024 pour une durée de quatre ans. « Notre ambition commune est de continuer à explorer les sujets que nous avons déjà identifiés et aussi de nous ouvrir à de nouvelles problématiques, par exemple autour de l’environnement », indique Éric Climent.
Mieux comprendre les écoulements multiphasiques
À travers des stages, des post-doctorats et des thèses CIFRE – dont sept sont déjà en cours –, le laboratoire commun ICMF2E aborde les problématiques liées aux écoulements multiphasiques, c’est-à-dire relatifs à des fluides comprenant plusieurs phases distinctes. Plus précisément, ses axes de recherche physiques se concentrent sur trois domaines particuliers :
- Écoulements liquide-gaz
- Écoulements en présence de particules, dont les dimensions peuvent aller de l’ordre de quelques dizaines de micromètres à la taille de rochers dans des digues
- Écoulements multiphasiques réactifs, c’est-à-dire au sein desquels les phases peuvent réagir entre elles
« À la R&D d’EDF, nous intervenons à la fois en recherche et en support de l’ingénierie, afin de répondre aux problématiques actuelles des sites de production, et pour préparer l’avenir », souligne William Benguigui. « Or, les questions d’écoulements multiphasiques, sur lesquelles l’IMFT possède une expertise reconnue, se retrouvent dans la plupart de nos parcs de production : nucléaire, hydraulique et éolien en mer. » Ainsi, l’objectif du laboratoire commun est d’approfondir la compréhension de ces phénomènes, grâce à une approche mêlant simulations numériques et expérimentations, deux volets s’alimentant mutuellement.
Ces connaissances scientifiques supplémentaires viendront notamment enrichir neptune_cfd, outil phare d’EDF dédié à la modélisation et à la simulation des écoulements diphasiques. « Il permet de prédire l’écoulement d’un mélange liquide-gaz, liquide-particules ou gaz-particules », précise William Benguigui. « Historiquement, il a été surtout pensé en vue de répondre à des problématiques nucléaires, principalement pour des études de sûreté, mais il est désormais aussi utilisé dans le cadre d’applications hydrauliques et de génie maritime. » Mis au point au sein de la R&D d’EDF (en partenariat avec le CEA, Framatome, et l’IRSN), neptune_cfd bénéficie, depuis 2008, de la contribution de l’IMFT quant à son développement, à ses tests et à sa validation. Une démarche qui sera renforcée par les expérimentations menées par les équipes d’ICMF2E et qui profitera des résultats d’un autre axe de recherche du laboratoire commun, consacré au calcul haute performance et au traitement massif des données.
Contribuer à la transmission du savoir et à la communauté scientifique
En outre, afin de préparer au mieux les futures générations aux enjeux liés à l’énergie et à l’environnement, les deux partenaires ont souhaité ajouter un volet d’enseignement à l’ICMF2E. « Aujourd’hui, l’INP-ENSEEIHT propose des cours sur neptune_cfd, dispensés par des enseignants-chercheurs de l’IMFT : pourquoi ne pas les enrichir via l’intervention de collaborateurs d’EDF ? », projette Éric Climent. « Et la R&D d’EDF continuera de proposer des projets à nos élèves ingénieurs, dans le cadre de leur formation ou de stages. »
Enfin, grâce à la création de ce laboratoire commun, EDF et l’IMFT entendent donner davantage de visibilité à leurs activités de recherche conjointes. Un objectif qui sera notamment appuyé en mai prochain, par la tenue à Toulouse de l’ICMF 2025, conférence internationale de référence sur les écoulements multiphasiques. Pour cette douzième édition, l’organisation a été confiée à l’IMFT – sous la coordination d’Éric Climent –, une responsabilité à laquelle le laboratoire a choisi d’associer EDF, une première pour l’entreprise française.