Laboratoire commun CAMELIA : vers l’avion du futur avec Safran Tech
L’Institut de Recherche de Chimie Paris (IRCP - CNRS/Chimie ParisTech – PSL) et Safran Tech lancent le laboratoire commun CAMELIA pour la Conception d’Alliages MEtaLliques Innovants pour l’Aéronautique.
Engagé dans une ambitieuse démarche de décarbonation, le secteur de l’aéronautique cherche à améliorer les performances de sa flotte, notamment en développant de nouveaux matériaux. En effet, un avion composé de matériaux plus légers aura des besoins en carburant moindres. Or, les alliages proposés doivent être fonctionnels dans des environnements extrêmes : c’est à ce défi que souhaitent répondre l’IRCP (CNRS/Chimie ParisTech – PSL) et Safran Tech avec ce laboratoire commun, signé pour une durée de cinq ans.
À ère nouvelle, nouveaux matériaux
« Lorsqu’ils sont en service, les matériaux présents dans certaines parties de l’appareil (notamment le moteur) ont affaire à la fois à des contraintes mécaniques fortes et à des températures élevées », indique Frédéric Prima, professeur des universités à Chimie ParisTech, responsable de l’équipe Métallurgie Structurale (MS) et directeur du laboratoire commun Camélia. L’équipe MS est justement spécialiste des alliages de titane qui combinent une faible densité et un ensemble de propriétés mécaniques très séduisantes.
« L’industrie aéronautique est soumise à des contraintes réglementaires, pour des raisons évidentes de sécurité, continue le chercheur. Mais cela peut entrainer une forme de « stérilisation » de la recherche fondamentale, car les acteurs ont tendance à proposer des solutions incrémentales sur des alliages déjà approuvés. Dans ce projet CAMELIA, nous souhaitons au contraire développer des idées en rupture ou des concepts nouveaux. »
« Les travaux de recherche associés traduisent à la fois la profondeur scientifique requise et des principes de fonctionnement communs plus agiles, ajoute Vincent Garnier, directeur de Safran Tech. Les nouvelles méthodes de développement numérique d’alliages et les caractérisations en boucle courte permettront d’accélérer les développements pour contribuer efficacement à la décarbonation de l’aviation. »
Via le partenariat avec Safran Tech, la démarche scientifique est intégrée à des cas d’usage, dans l’objectif d’une mise à l’échelle industrielle rapide – facilitée par la création d’une plateforme ouverte et partagée.
Un Design Lab pour faire émerger des ruptures technologiques
Le Design Lab sur lequel repose ce laboratoire commun est en effet situé dans les locaux du du laboratoire (IRCP). Véritable parc expérimental complet, il est doté d’équipements spécifiques couvrant toute la chaine de développement de nouveaux matériaux : conception, élaboration, mise en forme, traitements thermiques et caractérisation (microstructurale et mécanique).
« Nous souhaitons co-développer une plateforme technique complète, en boucle courte, ce que très peu de laboratoires proposent actuellement », précise Frédéric Prima. Cette proximité permet de coupler les chaines numériques aux chaines expérimentales, dans un contexte où la métallurgie numérique – impliquant de puissants calculs – occupe une place croissante dans la discipline. Le projet CAMELIA couvre un large domaine d’expertises allant des calculs numériques nécessaires pour une conception accélérée (méthodes d’apprentissage automatique, par exemple) à l’ensemble de la chimie expérimentale. Regrouper les outils et les savoirs dans un lieu unique pour gagner en efficacité et flexibilité : c’est le pari du Design Lab.
Cette approche agile est un atout majeur pour le laboratoire commun dont l’objectif est d’accélérer la mise en opération de technologies issues de ses recherches.
L’IRCP et Safran Tech, une histoire de confiance
« Le laboratoire commun CAMELIA concrétise la confiance établie entre le CNRS et le centre de Recherche & Technologie de Safran pour développer les technologies de demain », note Vincent Garnier.
En effet, CAMELIA est l’aboutissement d’une longue collaboration entre les deux structures. L’équipe MS travaille depuis près de 15 ans avec différentes sociétés de Safran, dont Safran Tech, son centre de Recherche & Technologie créé en 2015. Cette collaboration suivie a mené à de nombreux travaux de recherche communs sur les alliages de titane et des collaborations sur les procédés de recyclage de titane donnant lieu au dépôt de brevets communs.
Le parc expérimental disponible au laboratoire MS, qui s’est progressivement étoffé au cours des années, est désormais complété dans le cadre du laboratoire commun. « Le fait que Safran co-investisse dans ces équipements de recherche nous permet de disposer d’un ensemble d’outils de pointe, ce qui est indispensable pour une recherche structurée et ambitieuse », salue Frédéric Prima, qui apprécie également la possibilité de « trouver des champs applicatifs à des recherches plutôt fondamentales ».
Les équipes des partenaires travaillent ensemble sur la plateforme technique : Safran a partiellement détaché un technicien, qui manquait jusqu’à présent à l’équipe MS et un ingénieur de recherche. La convention Open Lab permet par ailleurs aux ingénieurs de Safran de l’utiliser. Enfin, une thèse en commun a été lancée à l’automne 2024 autour de la question des applications à hautes températures, un sujet clé du laboratoire commun.
CAMELIA a pour objectif d’élargir la bibliothèque de matériaux disponibles : « tous les matériaux que nous développons n’ont pas forcément vocation à voler dès demain, mais nous aurons testé de nombreuses approches innovantes qu’il sera possible de reprendre en fonction des besoins et de l’évolution des cahiers des charges », conclut Frédéric Prima.