Le CNRS et L’Oréal, en accord majeur
Le CNRS et L’Oréal ont signé un accord-cadre, pour une durée de 5 ans. Ce contrat vient renforcer une longue collaboration fructueuse entre l’organisme et le leader mondial de la beauté et dessine de riches perspectives en matière de recherche avancée et appliquée. Décryptage.
« C'est une étape importante dans la relation de confiance que nous avons établie avec L’Oréal », indique Marie Côte, responsable de la filière Parfumerie-Cosmétique au sein de la Direction des relations avec les entreprises du CNRS. « L’Oréal est le premier groupe de l’industrie de la beauté avec lequel nous avons conclu un accord-cadre ». Pour marquer l’événement, une cérémonie de lancement réunissant les équipes du CNRS et celles de la recherche avancée de L’Oréal a été organisée le 29 avril dernier sur le campus de la Recherche Avancée de l’industriel, à Aulnay-sous-Bois.
Dans le cadre de cet accord, les scientifiques parlent aux scientifiques. Car rappelons-le, L’Oréal, c’est avant tout une aventure scientifique, déjà riche de 115 ans d’histoire, initiée par le chimiste Eugène Schueller. L’industriel de la beauté emploie 4 000 scientifiques - dont environ 800 en Recherche Avancée -, dépose plus de 600 brevets par an et investit 1,2 milliard de son chiffre d’affaires dans la recherche. La science comme moteur de l’innovation qui accélère les transformations en matière notamment de durabilité et de digital est placée au cœur de l’accord-cadre. Transition écologique et numérique obligent, et « parce que notre planète le vaut bien », L’Oréal veut devenir le leader en matière de durabilité. Son programme 2020-2030 « L’Oréal pour le futur », affiche en effet des objectifs très ambitieux pour les ingrédients et formules : 95 % des ingrédients seront biosourcés, issus de minéraux abondants ou de procédés circulaires, 100 % des emballages plastiques seront d’origine recyclable ou biosourcée, et 100 % des déchets générés sur les sites seront valorisés.
« Pour atteindre nos objectifs, il s’est avéré tout naturel de nous tourner vers le géant mondial de la recherche, le CNRS, renommé pour l’excellence de ses 100 000 personnels de recherche et de ses plus de 1 000 laboratoires, centres d’expertises présents partout en France et à l’international, et pour sa dimension pluridisciplinaire, fondamentale pour répondre ensemble aux enjeux de notre siècle », développe Luc Aguilar, Directeur scientifique de la Recherche Avancée chez L’Oréal.
L’importance de l’émergence
« Nous sommes convaincus que nous ne pouvons adresser seuls ces enjeux sociétaux et environnementaux, que la science académique est à l’avant-garde et qu’il importe d’agir au bon moment, c’est-à-dire très tôt », analyse Luc Aguilar. Et de citer François Dalle, ancien Directeur général du groupe : « saisir ce qui commence ». Voilà pour l’émergence.
Le scientifique, dont la mission est de mettre en musique puis d’orchestrer la partition de cet accord-cadre, ajoute, enthousiaste : « Nous sommes convaincus du monde du ’’co’’, la co-construction, la collaboration. » Cette ouverture vers l’extérieur est dans l’ADN de L’Oréal. « Si le groupe a toujours développé une activité importante de recherche en interne, il a construit un écosystème large et ouvert allant des institutions académiques aux grands industriels en passant par les PME et, de plus en plus, les start-up. Nous croyons à la puissance de la collaboration et à la synergie des expertises », affirme Guillaume Climeau, Responsable de l’Open Innovation Business Development chez L’Oréal.
Une collaboration placée au niveau stratégique
L’accord-cadre signé pour une durée de 5 ans résulte d’une relation riche, scientifique et humaine, entre les deux acteurs. « De 2019 à 2023, L’Oréal a conclu avec le CNRS 47 contrats de partenariats ou prestations dans le domaine de la chimie, des sciences de l’ingénieur, de la biologie, de la physique ou encore des sciences humaines et sociales ! » détaille Marie Côte. Les chercheurs de L’Oréal collaborent ainsi déjà avec des scientifiques de 25 laboratoires sous tutelle du CNRS.
Ainsi, en 2018, L’Oréal Recherche & Innovation et le laboratoire de chimie des polymères organiques (LCPO – CNRS/Bordeaux INP/Université de Bordeaux) ont lancé un laboratoire commun afin de travailler sur des polymères issus de la chimie verte, fondamentaux pour la cosmétique de demain.
« Nous avons réalisé que notre relation avec le CNRS était importante mais que nous n’avions pas mis en place de stratégie globale avec le CNRS en tant qu’entité. Le premier niveau de cet accord-cadre est donc stratégique. La Direction du CNRS et celle de L’Oréal échangent et se positionnent ensemble sur de nouveaux sillons scientifiques. Ainsi nous appréhendons mieux la pluralité et la richesse de l’offre du CNRS. En retour, le fleuron de la recherche nous connaît mieux également, en France et à l’international », analyse Guillaume Climeau. Et de poursuivre : « le deuxième niveau, plus opérationnel, permet de fluidifier les échanges et de se concentrer sur l’essentiel, la science, au lieu de passer du temps, donc d’en perdre, dans la négociation de chaque contrat ». Concrètement, l’accord-cadre définit une fois pour toutes les sujets définissant les modalités de collaboration : la propriété intellectuelle, la prise de décisions, la gouvernance, la protection de l’information et les conditions financières de l’exploitation commerciale des fruits de la collaboration. « Le troisième niveau de cet accord-cadre tient au suivi, notamment grâce à une animation spécifique du partenariat, autour d’un comité d’orientation stratégique et d’un comité opérationnel », ajoute Guillaume Climeau.
Le vivant, les matériaux émergents et l’IA
Véritable cheville ouvrière de l’animation stratégique de la relation, Luc Aguilar a la responsabilité de sélectionner les priorités de collaboration. Il détaille : « nous en sommes au stade de l’exploration. Trois grands enjeux se distinguent déjà. Premièrement, le destin des cellules de la peau et des cheveux pour anticiper et intercepter les processus de vieillissement dans les domaines de la santé et la beauté. Deuxièmement, la transition énergétique qui sera favorisée par la découverte des matériaux émergents de demain permettra. Troisièmement, les territoires du futur qui sont dessinés par l’IA, la data, le digital et leur convergence avec la biologie et la clinique, », explique le Directeur scientifique.
Bien plus qu’un contrat, une dynamique
« Plus de 60 équipes au sein des laboratoires en co-tutelle CNRS mènent actuellement des travaux directement applicables aux défis de la cosmétique de demain et des dizaines d’autres pourront se positionner sur des innovations de rupture. Nous nous appuierons sur ce potentiel pour développer la feuille de route scientifique commune de la coopération avec L’Oréal » explique Marie Côte.
« C’est la conviction de croiser la multidisciplinarité des expertises sur des questions émergentes avec une recherche appliquée », conclut Luc Aguilar. De son côté, Guillaume Climeau tient à préciser : « cet accord-cadre n’est pas seulement un contrat. C’est un catalyseur pour pousser plus loin nos activités scientifiques communes. C’est donc notre mission collective de nous assurer que la relation reste dynamique et animée par une gouvernance proactive, tant formellement qu’informellement. » Pour permettre de concrétiser les innovations du futur, en somme.