Yujie Lan, Vice-président de la NSFC et Antoine Petit, PDG du CNRS signe une entente pour un appel à projet conjoint en Environnement © NSFC

Le CNRS intensifie sa collaboration avec la Chine

Institutionnel

Une délégation du CNRS s’est rendue à Pékin et Canton du 23 au 26 juin. Un déplacement qui a marqué le lancement de quatre Réseaux internationaux de recherche avec l'Académie des Sciences de Chine et d’un appel à projets avec la National Natural Science Foundation of China.

Une visite éclair, mais riche en substance. Du 23 au 26 juin, une délégation composée entre autres d’Antoine Petit, président directeur général du CNRS, de Christelle Roy, directrice de CNRS Nucléaire et Particules et d’Alain Mermet, directeur de la Direction Europe et International du CNRS, s'est rendue à Pékin et Canton. L’occasion de lancer officiellement quatre réseaux internationaux de recherche1  avec l'Académie des Sciences de Chine (CAS), principale institution scientifique du pays et parmi les premières au monde, et d’annoncer un appel à projets conjoints avec la National Natural Science Foundation of China (NSFC), principale agence de financement de la recherche fondamentale chinoise. Cette visite faisait suite à la venue en octobre 2023 de trois délégations scientifiques chinoises - l'Académie des sciences sociales de Chine (CASS), la NSFC, et la CAS - au siège du CNRS, illustrant la volonté chinoise de renforcer ses coopérations avec la France et l'Europe.

 
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Du 23 au 26 juin, une délégation composée entre autres d’Antoine Petit, président directeur général du CNRS, de Christelle Roy, directrice de CNRS Nucléaire et Particules et d’Alain Mermet, directeur de la Direction Europe et International du CNRS s'est rendue à Pékin et Canton. © Bureau du CNRS en Chine

« Cette visite marque une étape importante pour relancer et renforcer nos collaborations scientifiques avec la Chine – des collaborations souvent anciennes dont le dynamisme a été fortement impacté par la crise Covid. Face aux grands défis de notre temps, et surtout compte tenu de la place qu’occupe aujourd’hui la Chine sur l’échiquier mondial de la science, il est important de redynamiser nos partenariats avec des institutions partenaires de premier plan comme l'Académie des Sciences de Chine et la National Natural Science Foundation of China », remarque Alain Mermet.

Quarante ans de collaboration scientifique sur le risque

Depuis les années 1980, des chercheurs et chercheuses français et chinois travaillent ensemble sur les risques telluriques, notamment les séismes. Stéphane Guillot, délégué scientifique Développement durable et Risques à la direction générale déléguée à la science, souligne que cette coopération a permis de forger une solide culture d'échanges scientifiques entre les deux pays, particulièrement en sismologie et en dynamique de la Terre : « La collaboration scientifique franco-chinoise sur les risques telluriques, notamment les séismes, remonte à l'ouverture de la Chine dans les années 1980 lorsque les équipes françaises furent parmi les premières à répondre à l'appel », explique-t-il. Une coopération qui a donné naissance à une culture d'échanges scientifiques, particulièrement dans le domaine de la sismologie et de la tectonique, alors que le territoire est une zone de prédilection pour ces études. « Le Tibet est un territoire où la plaque indienne rencontre celle de l'Asie avec une convergence de 5 cm par an. Ce raccourcissement, accommodé par les grandes failles traversant le plateau tibétain, provoque régulièrement de puissants séismes. L'absence de végétation dense permet une observation claire des structures géologiques, facilitant les recherches », détaille le chercheur.

Des projets historiques ont également façonné cette collaboration, comme ceux de l'Institut de Physique du Globe de Paris2 , qui ont été marqués par des figures françaises telles que le géophysicien Paul Tapponnier et le tectonicien Yann Klinger, ce dernier ayant récemment obtenu une bourse ERC pour la caractérisation des grands séismes. Les équipes de l'Institut des Sciences de la Terre d'Orléans3  (ISTO) ont également étudié l'évolution de la structure continentale chinoise sur une période de 300 millions d'années. Une collaboration notable existe avec l’Institut de géologie et de géophysique de Pékin (CAS) depuis 2014, où les chercheurs chinois ont mené des études d'imagerie géophysique dans les Alpes en partenariat avec les chercheurs de l’Institut des Science de la Terre de Grenoble4  et des universités italiennes.

« Les risques liés au changement climatique représentent un nouveau défi pour les collaborations franco-chinoises », explique Stéphane Guillot. La Chine, fortement impactée par les catastrophes naturelles telles que les coulées de boue et les inondations, voit augmenter la conjonction des aléas naturels (montée du niveau de la mer, tempêtes) et de la vulnérabilité humaine (densité de population et infrastructures dans des zones autrefois inhabitées). Pour répondre à ces défis, il est crucial de concilier les études sur les aléas et la vulnérabilité. La reprise des échanges post-Covid offre une opportunité de renforcer ces collaborations. « Les récentes visites de délégations chinoises au siège du CNRS illustrent cette volonté renouvelée de travailler ensemble sur ces enjeux cruciaux », ajoute-il.

Pour venir renforcer cette coopération sur les risques et la biodiversité, un appel à projets conjoints fléché sur ces deux thématiques a été lancé entre le CNRS et la NSFC à l’occasion de ce déplacement. Cet appel permettra de financer jusqu'à cinq projets de collaboration entre chercheurs français et chinois, afin de relever ensemble ces grands défis environnementaux.

Les réseaux internationaux de recherche franco-chinois : des outils pour favoriser le partage des connaissances

Lors du renouvellement de leur accord en octobre 2023, le CNRS et la CAS ont défini quatre domaines prioritaires de coopération : la physique des particules, les mathématiques, la biodiversité et l'impact du changement climatique, ainsi que la recherche sur les océans. A la suite de cet accord, le CNRS a officialisé le lancement de quatre réseaux internationaux de recherche lors du déplacement de la délégation en Chine, portant sur les thématiques des mathématiques appliquées, de la physique des particules et la biodiversité.

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Le CNRS a officialisé le lancement de quatre réseaux internationaux de recherche (IRN) lors du déplacement de la délégation en Chine, portant sur les thématiques des mathématiques appliquées, de la physique des particules et la biodiversité. © Bureau du CNRS en Chine

Magali Profitt, coordinatrice du réseau international de recherche Biodiversité explique : « Face aux défis posés par le changement climatique, l'extinction des espèces et l'émergence de maladies, la coopération internationale devient cruciale. Des outils tels que les réseaux de recherche internationaux réunissent des chercheurs français et chinois pour travailler sur ces enjeux environnementaux ». Ce réseau, dont la mise en place a été initiée par Martine Hossaert-McKey et Yvon Le Maho, soutenu par une quinzaine de partenaires en France et en Chine, vise à connecter des chercheurs spécialisés en biodiversité. Une initiative qui favorisera les échanges de connaissances accumulées par les deux pays, en mettant l'accent sur des solutions pour préserver les écosystèmes. « L'un des objectifs du réseau est la formation. Initialement focalisé sur les étudiants chinois, le programme inclut désormais des étudiants français », ajoute-elle. Alain Mermet commente : « Inciter les jeunes chercheuses et les jeunes chercheurs français à davantage se rendre en Chine pour mieux appréhender un écosystème de recherche aujourd’hui de rang mondial est un enjeu important de ces coopérations renouvelées. Les dispositifs de coopération du CNRS permettent précisément d’encadrer ces mobilités ».

Des parallèles entre la Méditerranée et certaines régions de Chine

La collaboration franco-chinoise sur la biodiversité repose sur des bases solides, certaines de ces collaborations existant depuis plusieurs décennies. « Les similitudes entre certains écosystèmes des deux pays, comme par exemple certaines interactions entre plantes et pollinisateurs ainsi que les niveaux élevés de pollution atmosphérique entre la Méditerranée et certaines régions de Chine, justifient des approches comparatives », ajoute Magali Proffit. Les chercheurs abordent aussi des questions zoonotiques, comme les risques liés aux rats bruns dans les grandes villes. « Cette espèce prolifère en Chine comme en France, ce qui permet des études comparatives approfondies. De même, la perte de biodiversité en milieu agricole, observée avec le déclin du hamster d’Europe en France et des espèces similaires en Chine, souligne des préoccupations communes », détaille Caroline Habold, coordinatrice du réseau au côté de Magali Proffit. La formalisation de ces collaborations via le réseau vise à les stabiliser et à les renforcer. En favorisant des échanges théoriques et en bénéficiant de financements dédiés, l’outil s'assure une coopération durable et vise à terme la création d’un laboratoire international de recherche.

 

Une collaboration forte en physique des particules

Autre réseau lancé à l’occasion du déplacement, le réseau France-Chine de physique des particules (FCPPN). « Depuis des décennies, l’institut CNRS Nucléaire et Particules collabore étroitement avec l'Académie des Sciences de Chine, une relation qui trouve ses racines dans les premiers contacts en physique nucléaire établis par Marie et Pierre Curie, puis par Frédéric et Irène Joliot-Curie », explique Eric Kajfasz qui codirige le réseau avec son homologue chinois Chen Gang. Cette collaboration s'est intensifiée avec la construction du premier collisionneur chinois, Beijing Electron Positron Collider, pour lequel le physicien français Michel Davier était conseiller. Avec l'avènement du LHC au CERN, le désir de renforcer les collaborations avec la Chine a conduit à la création d’un outil en 2007, le France China Particle Physics Lab (FCPPL). C’est sur cette base qu’est lancé le réseau du même nom (FCPPN) aujourd’hui. « Cette initiative implique plus de 40 instituts et universités françaises et chinoises, et vise à structurer les collaborations en physique des particules et des astroparticules, en cosmologie, et en technologies des accélérateurs et détecteurs. Pour compléter l’intensification de la collaboration entre les deux pays, un Laboratoire international de recherche5  pourrait voir le jour sur le campus de l'Institut de Physique des Hautes Energies (IHEP) de la CAS à Pékin. Il orienterait plus particulièrement son activité sur des projets déployés en Chine tels que le détecteur de neutrinos JUNO (voir encadré) », ajoute le physicien. Le financement du FCPPN, réparti équitablement entre la France et la Chine, soutient actuellement environ 30 projets collaboratifs annuels et des co-supervisions de doctorants. Depuis 2006, des réunions annuelles de cinq jours se tiennent alternativement entre la France et la Chine (Zhuhai en 2023 et Bordeaux en 2024 pour les deux dernières éditions), consolidant toujours plus cette coopération scientifique.

Le déplacement d’Antoine Petit en Chine a également été l’occasion de visiter les installations du détecteur de neutrinos JUNO (voir encadré) qui devrait être lancé officiellement à la fin 2024. JUNO est le fruit d’une coopération internationale pilotée par la CAS, à laquelle participent les laboratoires français de CNRS Nucléaire et Particules depuis le lancement du projet il y a une dizaine d’années.

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Le déplacement d’Antoine Petit en Chine a également été l’occasion de visiter les installations du détecteur de neutrinos JUNO. © Bureau du CNRS en Chine

Grâce à JUNO, la Chine avec ses partenaires français se positionne comme l'un des leaders mondiaux sur la physique des neutrinos. La signature des quatre accords de réseaux internationaux de recherche lors de la visite témoigne de la détermination du CNRS à renforcer ses collaborations avec des institutions de recherche chinoises de premier plan.

  • 1Les réseaux internationaux de recherche sont des outils de coopération qui structurent une communauté scientifique à l’international, composée d’un ou plusieurs laboratoires français, dont au moins un laboratoire du CNRS, et de plusieurs laboratoires à l’étranger, autour d’une thématique partagée ou d’une infrastructure de recherche.
  • 2CNRS/Institut de Physique du Globe de Paris.
  • 3Bureau de recherches géologiques et minières/CNRS/Université d’Orléans.
  • 4Université Grenoble Alpes/Université Savoie Mont-Blanc/Université Gustave Eiffel/CNRS/IRD
  • 5Ces outils structurent en un lieu identifié la présence significative et durable de scientifiques d’un nombre limité d’institutions de recherche françaises et étrangères (un seul pays étranger partenaire).

Jiangmen Underground Neutrino Observatory (JUNO)

Situé à Jiangmen dans le sud de la Chine, ce gigantesque détecteur en forme de sphère de 40 mètres de diamètre, contenant 20 000 tonnes de liquides scintillants, permettra d’étudier des particules élémentaires encore mystérieuses, les neutrinos - les particules les plus abondantes dans l’univers. L’observatoire JUNO étudiera d’une part les antineutrinos qui sont produits par deux réacteurs nucléaires situés à équidistance d’une cinquantaine de kilomètres du site mais aussi il sera capable de détecter les neutrinos du Soleil, les neutrinos issus de l’explosion d’une Supernova, les neutrinos atmosphériques et même les neutrinos produits dans la Terre. Autant de messagers qui permettront également de mieux comprendre à la fois les phénomènes stellaires et terrestres.

Sous la coordination du porte-parole français Marcos Dracos de l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien1 , les laboratoires français Centre de Calcul de l'Institut National de Physique Nucléaire et de Physique des Particules2 , Centre de Physique des Particules de Marseille3 , Laboratoire de physique des 2 infinis - Irène Joliot-Curie4 ,  Institut Pluridisciplinaire Hubert Curien, Laboratoire de Physique des 2 infinis - Bordeaux5 , Organisation de Micro-Electronique Générale Avancée6 , Laboratoire de physique subatomique et des technologies associées7  ont contribué de manière majeure à sa construction aujourd’hui en cours de finalisation. Pour la direction de CNRS Nucléaire et Particules, la contribution du CNRS au projet chinois est une évidence : « unique en son genre à l’échelle internationale, JUNO est tout simplement le actuellement l’une des meilleurs expériences meilleur endroit au monde , aujourd’hui, pour étudier les neutrinos produits par les réacteurs nucléaires. Cette expérience ouvre une fenêtre unique sur la physique au-delà du modèle standard de la physique des particules ».

  • 1CNRS/Université de Strasbourg
  • 2CNRS
  • 3Aix Marseille Université/CNRS
  • 4CNRS/Université Paris-Saclay
  • 5CNRS/Université de Bordeaux
  • 6CNRS/École Polytechnique
  • 7CNRS/IMT Atlantique-Institut Mines Telecom/Nantes Université