Vers des batteries Li-ion plus performantes et plus stables : nouvelle technologie de la synthèse d’un additif fluoré
En proposant une nouvelle voie d’accès plus écoefficiente à LiFSI, l’équipe de l’IC2MP de Poitiers et la société Syensqo (anciennement Solvay), dans le cadre de la collaboration ANR PRCE « OPIFCAT », ont démontré clairement la synergie entre une collaboration académique et un acteur majeur dans le domaine des additifs dans les batteries Li-ion.
Le marché mondial, ainsi que la grande demande en innovation sur la technologie des batteries Li-ion, conduisent les industriels à développer de nouveaux systèmes plus performants impliquant l’utilisation de composés fluorés comme additifs électrolytiques.
Du fonctionnement d’une batterie Li-ion
Le fonctionnement d’une batterie Li-ion repose sur l’échange réversible d’ions lithium entre les cycles charge et décharge. « Elle est composée d'une anode en graphite ou en silicium et d’une cathode d’oxyde métallique (cobalt, nickel, vanadium, manganèse) et d'un électrolyte comprenant un sel métallique alcalin dissous dans un solvant organique électrolytique, détaille Sylvette Brunet, directrice de recherche du CNRS à l’Institut de chimie des milieux et matériaux de Poitiers (IC2MP, CNRS/Université de Poitiers). Cet électrolyte est constitué d’un sel de lithium et d’un solvant pour favoriser une bonne dissolution du sel de lithium tel que l’hexafluorophosphate de lithium (LiPF6) qui doit être stable et très soluble dans le solvant utilisé et sur une large plage de températures. »
Par ailleurs, ils ne doivent pas causer de réactions indésirables avec des composants de la batterie. Compte tenu de ces inconvénients, le remplacement de LiPF6 par le bis(fluorosulfonyl)imidure de lithium (LiFSI) représente un grand intérêt dans la technologie des batteries Li-ion. De plus, ce composé serait un sel conducteur et un solvant ininflammable pour les batteries Li-ion.
Nouvelle voie d’accès à LiFSI
La préparation de ce composé est jusqu’à présent réalisée en une ou deux étapes avec le bis(fluorosulfonyl)imide (HFSI) comme intermédiaire. La synthèse de celui-ci est principalement décrite à partir du bis(chlorosulfonyl)imide (HCSI) avec 2 voies d’accès proposées en phase liquide, mettant en jeu la réaction HALEX (Halogen Exchange). S’ensuit la formation du sel de lithium correspondant (LiFSI) en utilisant des solvants et des réactifs non recyclables et nocifs pour l’environnement.
« Pour pallier ces inconvénients, une voie alternative innovante a été mise au point à l’échelle du laboratoire à partir du bis(chlorosulfonyl)imide (HCSI) et uniquement en présence de fluorure d’hydrogène comme agent de fluoration (voir illustration). Dans certaines conditions opératoires, la transformation du HCSI est totale en HFSI avec HCl comme seul sous-produit ; et qui présente l’avantage de pouvoir être recyclé », se félicite la chimiste. La réaction mise en jeu correspond alors à une simple réaction d’échange entre les atomes de chlore et les atomes de fluor provenant du fluorure d’hydrogène (voir schéma).
Une entente public-privé prolifique
Cette longue collaboration a débuté il y a 25 ans entre la chercheuse et Syensqo : « Lors d’un congrès en Angleterre, j’avais à l’époque rencontré des représentants de la société. Ils étaient très intéressés par nos travaux académiques sur les réactions catalysées de fluoration en utilisant le fluorure d’hydrogène comme agent de fluoration », se souvient Sylvette Brunet. Elle travaillait alors sur la synthèse de substituts aux chlorofluorocarbures, utilisés notamment dans les réfrigérateurs et les systèmes de climatisations.
« Grâce au climat de confiance que nous avons construit, nous avons acquis au fil de ces années des résultats très intéressants pour différentes applications en bénéficiant de leur part de financements directs à travers des bourses de thèses ou de stages postdoctoraux d’une part ou via l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) en répondant à des appels à projets d’autre part. Ce n’est pas une prestation de services, mais bel et bien une collaboration où tout le monde trouve son intérêt », explique la directrice de recherche. Le groupe belge a désormais toutes les cartes en main pour valoriser cette découverte à la hauteur de son importance pour le futur des incontournables batteries lithium-ion.
Référence brevet : WO 2024/002897 A1, Method for fluorinating of hydrogen bis(chlorosulfonyl)imide in gas phase, Eric Périn, Julien Dieu, Sylvette Brunet