Quand la recherche en physique s’essaie au Grand Oral
Le partenariat « Physique étonnante pour un Grand Oral percutant ! », entre le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse et le CNRS, facilite la rencontre entre lycéens et physiciens. À travers des échanges organisés aux six coins de l’Hexagone, les scientifiques s’essaient au Grand Oral. L’objectif : faire sortir la physique des laboratoires et des livres de travaux pratiques.
Bien qu’elle représente un tiers des recherches au CNRS, la physique souffre d’un déficit de popularité. À l’occasion de l’année thématique qui lui est dédiée, cette discipline s’est donc lancée dans une opération de séduction nationale. L’objectif : informer, faire rêver, mais aussi attirer les lycéennes et lycéens hésitants à rejoindre ses rangs. Pour cibler les jeunes, le CNRS et l’Éducation nationale ont lancé le projet « Physique étonnante pour un Grand Oral percutant ! ». Ce dernier met en relation acteurs de la recherche et élèves dans le but de démystifier la science et ceux qui la font.
Quèsaco, le Grand oral de physique ?
Au cœur de cette action : les ouvrages Étonnante Physique et Étonnants Infinis, publiés chez CNRS Éditions. Rédigés par des scientifiques reconnus de laboratoires du CNRS, ils illustrent la large palette d’action de la recherche en physique d’aujourd’hui à des non-spécialistes. Avec le Grand oral de physique, la mission des scientifiques était de présenter le contenu de leur chapitre à des classes sous la forme d’un Grand oral. « C’est important d’aller vers les élèves, de leur montrer la diversité de la physique et de les rapprocher de la vraie science. Celle qu’on touche avec les mains », témoigne Jihane Maalmi. L’ingénieure de recherche du Laboratoire de physique des 2 infinis Irène Joliot-Curie1 est intervenue au Lycée Martin Luther King de Bussy-Saint-Georges. Elle y a exposé ses travaux en électronique pour l’imagerie médicale.
En amont des rencontres, les élèves suivant la spécialité physique-chimie se sont plongés dans la lecture de l’article de leur invité. Ils ont également étudié d’autres chapitres et se sont entraînés à parler de science sans support. « Avec les élèves, nous avons beaucoup échangé sur la communication scientifique et on a notamment utilisé le format du concours Ma thèse en 180 secondes pour leur montrer la difficulté à vulgariser des sujets techniques », témoigne Antoine Femenias, professeur de physique-chimie au lycée La Martinière – Diderot de Lyon.
Partir d’un format « familier »
Depuis 2021, le Grand oral fait partie des cinq épreuves finales du bac. Il porte sur les enseignements de spécialité des élèves en voie générale et le projet de ceux qui suivent une voie technologique. Tous doivent réaliser une présentation de dix minutes, sans support, devant un jury de deux personnes. « L’idée de notre action est de s’appuyer sur un format qui concerne les élèves et qui leur parle afin de faciliter un dialogue avec les intervenants », précise Séverine Martrenchard, pilote du projet du « Grand oral de physique » pour le CNRS.
Vous l’aurez compris, les intervenants les plus téméraires ont vulgarisé leurs travaux seulement avec leurs mains et leurs mots. « Pour beaucoup d’élèves, ce travail a permis de concrétiser l’exercice du Grand oral. Cela les a rassuré de voir quelqu’un d’autre s’y essayer. L’année prochaine, j’essaierai d’ailleurs de faire intervenir quelqu'un pour mettre à profit cette expérience », confie Gaëlle Gautier, professeure de physique-chimie au Lycée Martin Luther King.
Une science avec ou sans support ?
Le jour J, le Grand oral de physique consiste donc en des rencontres d’une demi-journée. « C’était intéressant de voir comment le livre est perçu et de se confronter à ce regard extérieur. Ce genre de rencontre permet aussi de montrer que les connaissances en physique ne sont pas aussi figées que ce que l’on peut percevoir au lycée », témoigne Marie Le Merrer. La chercheuse de l’Institut Lumière Matière2 est intervenue dans le lycée La Martinière - Diderot. Elle y a présenté ses recherches sur le comportement des mousses.
En plus de l’intervention des scientifiques, des élèves présentent à leur tour d’autres articles des ouvrages. « Je ne sais pas ce qu’ils auront retenu du contenu, mais je pense que cette expérience sera bénéfique aux élèves volontaires qui ont fait une présentation devant leurs camarades », rapporte Antoine Femenias.
Sensibiliser aux métiers de la recherche
Un des points forts de ces rencontres est sa session d’échanges entre chercheurs et élèves. Elle permet notamment d’illustrer la grande diversité des métiers qui font vivre les laboratoires français. « J’étais accompagnée d’un doctorant et d’une ingénieure de recherche de mon institut qui a commencé sa formation post-bac dans une filière technologique. C’était important de montrer que la recherche se fait en équipe et grâce à des profils différents », décrit Marie Le Merrer, également l'une des protagonistes de la BD « Ebullitions, 12 trajectoires en physique », un support de discussions autour des métiers de la recherche.
Jusqu’à présent, ces rencontres ont permis de casser l’image stéréotypée du physicien un peu fou ou celle du vieux monsieur aux cheveux en pétard qui vit reclus dans son laboratoire. « Certains de nos élèves avaient l’idée préconçue que la recherche était une voie inatteignable réservée à une élite. Grâce à cette intervention, ils ont pris conscience qu’ils pouvaient se lancer », confie Gaëlle Gautier.
En parallèle, le projet propose un concours de vidéos. Les élèves volontaires réalisent un Grand oral filmé sur un des articles. Des jurys composés de personnels du CNRS et de l’Éducation nationale les départageront en mai prochain. Ce format permet d’élargir le champ d’action du programme et notamment d’atteindre des lycées d’Outre-mer. « À terme, nous devrions avoir touché une centaine de lycées. Côté recherche, 45 auteurs et autrices des ouvrages ont répondu présents », précise Séverine Martrenchard.
Féminiser l’avenir de la physique
Avec cette année de la physique, le CNRS s’est aussi donné pour mission d’encourager plus de jeunes filles à se tourner vers cette discipline. « Quand je dis aux élèves que je suis ingénieure en électronique et que nous ne sommes que 3 femmes sur 37 électroniciens dans mon laboratoire, c’est aussi pour montrer qu’on peut être femme et ingénieur », confie Jihane Maalmi qui est également une des ambassadrices du projet La Science taille XX Elles en Île-de-France.
Pour le moment, la proportion féminine dans les études scientifiques post-bac reste faible, tout comme les taux d’ingénieures et de chercheuses de CNRS physique (20 %). C’est donc un travail de longue haleine qui s’annonce. À Séverine Martrenchard de conclure : « Je suis convaincue que la rencontre favorise la vocation. Nous travaillons donc à pérenniser cette action avec le réseau d’enseignants et d’inspecteurs que nous avons mis en place pour faire rayonner la physique par-delà cette année thématique ».