« La France est le premier pays à former l’ensemble de ses agents à la transition écologique »
Missionné par l’État pour coordonner une partie de la formation à la transition écologique des agents publics, le CNRS mobilise et s’appuie sur l’ensemble de la communauté scientifique, comme l’explique Claire Gouny, coordinatrice nationale du module Conférences-débats de la formation.
Il y a un an, le gouvernement annonçait le lancement d’une Formation à la transition écologique des agents publics : quels en sont les enjeux ?
Claire Gouny : En octobre 2022, sous l’impulsion de la Première ministre, le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guérini a lancé ce chantier inédit, qui fait de la France le premier pays à former l’ensemble de ses agents pour inscrire la transition écologique au cœur des politiques publiques. Comme le disait Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, lors du lancement de la formation, celle-ci a pour but de mener « un changement transformateur qui intègre les facteurs technologiques, économiques et sociaux » et, pour ce faire, « convoque toutes les disciplines de la science pour nous inviter à penser les modalités même de notre compréhension de cette crise dans les formations ».
Cette formation, obligatoire, s’effectue en trois temps dans une logique d’exemplarité et de passage progressive à une très grande échelle. Les 200 cadres dirigeants de l’État ont tout d’abord été formés ; c’est depuis la rentrée le tour des 25 000 cadres supérieurs de la fonction publique d’État, qu’il s’agit de former d’ici fin 2024 ; le programme sera ensuite étendu aux 5,6 millions d’agents publics, qu’ils soient de la fonction publique d’État, territoriale ou hospitalière, d’ici 2027 et selon des modalités qui tiendront compte évidemment du retour d’expérience des précédentes sessions.
Ce programme de formation fait partie intégrante de la planification écologique de l’État. De nombreuses initiatives existaient déjà pour certains ministères et services déconcentrés – tel le CNRS et les actions de sensibilisation contenues dans son plan de transition – mais se concentraient souvent sur le seul climat. Ce programme innove en proposant un socle commun de connaissances qui touchent tous les aspects des questions de transition écologique : ainsi, outre la crise du changement climatique, il interroge celles de l’effondrement de la biodiversité et de la diminution des ressources. C’est ce qu’on appelle les connaissances systémiques. La formation insiste en effet sur la relation de tous ces enjeux environnementaux et l’appropriation des grands leviers d’action sur lesquels prioriser les efforts.
En s’appuyant sur les travaux du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), son pendant pour la biodiversité la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques et les groupes régionaux d'expertise sur le changement climatique et la transition écologique1 pour la connaissance des changements globaux, ce programme de formation des agents de l’État replace les scientifiques au cœur de l’action. L’ensemble des communautés scientifiques s’est mobilisé et plus de 1000 scientifiques expertes ou experts dans toutes les disciplines utiles à la transition écologique, se sont déjà portés volontaires pour intervenir dans des conférences-débats.
Pourquoi le CNRS a-t-il été choisi pour coordonner une partie de cette formation ?
C.G. : La délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État, qui coordonne l’entièreté du programme avec l’appui du secrétariat général à la planification écologique, avait besoin d’un point d’ancrage national et d’un interlocuteur unique pour les modules Conférences-débats et Visites de terrain. Le CNRS, à la fois contributeur principal du GIEC, seul organisme national totalement pluridisciplinaire et aussi partenaire de toutes les universités, les écoles et les autres organismes français, a été identifié comme interlocuteur privilégié. Notre rôle n’est pas de diriger mais de faciliter et de coordonner l’action de formation et le déploiement de la communauté scientifique sur tout le territoire.
Ainsi, et comme toujours, le CNRS ne travaille pas seul et les observatoires de sciences de l’univers, les laboratoires spécialisés et les délégations régionales du CNRS œuvrent de concert avec nos partenaires académiques en régions. La coordination de cette formation peut en retour être bénéfique à tous les établissements, car elle va créer des espaces de dialogue et, nous l’espérons, des réflexes de collaboration entre l’administration française et les scientifiques.
En pratique, comment se déroulera-t-elle ?
C.G. : Cette formation dure 28 h, en présentiel, et se décompose en quatre modules. Un premier module est consacré à une sensibilisation aux trois crises actuelles, aux freins et leviers d’action. Le deuxième module, dont je suis coordinatrice nationale, déploie plusieurs centaines de conférences-débats thématiques, animées pendant deux à trois heures par un binôme d’intervenantes ou intervenants issus de disciplines scientifiques différentes qui présenteront aux agents publics les impacts des trois crises, notamment sur leurs territoires respectifs. Un troisième module, dont le CNRS est coordinateur scientifique, donnera l’occasion de visiter des terrains expérimentaux, telles des zones ateliers2
: ce module sera élaboré en s’appuyant sur les forces locales des régions, des acteurs associatifs, des parcs naturels régionaux, des entreprises ou encore des collectivités territoriales qui sont impliqués et impactés par ces changements environnementaux. Enfin, le quatrième et dernier module sera consacré au passage à l’action dans la sphère publique tout particulièrement, à travers des ateliers participatifs au cours desquels les agents de l’État partageront, de manière opérationnelle, leurs bonnes pratiques et initiatives à venir.
À terme, l’enjeu de cette formation est de faire en sorte qu’elle percole au sein des services, de manière à ce que la forte volonté politique qui l’a initiée enrôle les 2,5 millions d’agents de la fonction publique d’État dans cette démarche de transition.
Pourriez-vous présenter l’équipe qui vous accompagnera dans la mise en œuvre des deux modules dont le CNRS est coordinateur ?
C.G. : Après diverses expériences au CNRS de gestion de projets transverses, que ce soit en communication ou pour des programmes de recherche, j’ai rejoint début septembre la Mission programmes nationaux en qualité de coordinatrice nationale du module Conférences-débats de la Formation à la transition écologique des agents publics. J’accompagne en parallèle le déploiement du module Visites de terrain. J’ai retrouvé dans cette mission tout ce que j’aimais dans ma carrière : l’animation de réseaux et la communication auprès d’une cible exigeante, en l’occurrence les décideurs de l’action publique, auxquels le CNRS s’efforce de s’adresser au quotidien.
Pour mettre en œuvre cette formation nationale, je coordonne une équipe de dix personnes, chargées de mission en région employées par le CNRS, qui structurent et animent les actions sur le territoire dont elles ont la responsabilité. Installées dans des observatoires des sciences de l’univers ou des unités mixtes de recherche, ces personnes se situent au cœur de la recherche, au contact direct des scientifiques et des partenaires académiques du CNRS.
- 1Les groupes régionaux d'expertise sur le changement climatique et la transition écologique mobilisent les réseaux de chercheurs et d'acteurs territoriaux (publics, privés, associatifs) afin de mieux informer sur les prises de décision en matière de changements climatiques à l’échelle régionale et locale et collecter les besoins des acteurs du territoire et faciliter leur participation à des projets de recherche.
- 2Constituées en réseau, les zones ateliers ont comme problématique de recherche, de décrire, comprendre et prédire la réponse des socio-écosystèmes au changement global, pour formaliser et théoriser leur fonctionnement, et aider ainsi à leur gestion et à leur gouvernance. C’est le seul outil à ce jour couplant les approches bio-géophysiques, écologiques et sociétales à l’échelle des territoires. Leur spécificité réside dans la taille de l’objet d’étude, qui est de dimension régionale.