Inégalités éducatives : de nouvelles perspectives pour une recherche structurée
Le CNRS a organisé du 15 au 17 mai à Paris un colloque international sur les inégalités éducatives. Un rassemblement qui ouvre la voie à un futur champ de recherche interdisciplinaire.
« Notre système éducatif est marqué par des inégalités criantes », souligne Grégoire Borst, chercheur en psychologie du développement et neurosciences de l’éducation1 , et coorganisateur du colloque scientifique international « Éducation et inégalités », qui s'est tenu du 15 au 17 mai au Campus Saint-Germain-des-Prés à Paris. Cet événement, organisé par le CNRS2 , dans le cadre du défi Inégalités éducatives de son Contrat d'Objectifs et de Performance (COP) (voir encadré), visait à structurer un champ de recherche encore fragmenté et à dessiner l’avenir sur ces questions.
Avec la présence d'une centaine de participants, de conférenciers internationaux venant notamment du Canada et du Royaume-Uni, ainsi que douze interventions provenant de chercheuses et chercheurs membres du Réseau Thématique Pluridisciplinaires (RTP) Éducation du CNRS3 et des présentations d'une trentaine de jeunes chercheuses et chercheurs, ce colloque a ouvert la voie à une convergence des connaissances pour faire face au défi des inégalités éducatives.
Des multiples facteurs en jeu
Les origines sociales des enfants jouent un rôle prépondérant dans les questions d’inégalité éducatives, comme le démontrent de nombreuses études. Qu'il s'agisse du primaire ou du collège, la réussite scolaire est fortement influencée par le milieu social. Mais les disparités ne s'arrêtent pas là. Les inégalités de genre, avec leurs stéréotypes persistants, ainsi que les troubles de l'apprentissage tels que la dyslexie ou la dyscalculie, ou encore les obstacles liés aux troubles de la cognition sociale comme ceux du spectre autistique, exercent des contraintes sur le système éducatif et appellent à une réelle inclusion de ces élèves. Sans oublier les défis auxquels font face les enfants issus de milieux allophones ou provenant de différents contextes géographiques, qu'ils soient urbains défavorisés ou ruraux. Autant de problématiques complexes qui nécessitent une action concertée pour lutter contre ces inégalités.
« L'objectif clé de l'événement était de mettre en évidence les travaux menés par le RTP Éducation depuis 3 ans et de montrer que prendre en compte la diversité des recherches menées sur les inégalités éducatives revêt une importance cruciale », rapporte Nicolas Vibert, chercheur en psychologie cognitive4 , coorganisateur du colloque et coresponsable du RTP Education avec Grégoire Borst. En effet, le paysage de la recherche sur l’éducation en France demeure très morcelé, notamment parce que cette recherche fait appel à de nombreuses disciplines telles que par exemple les neurosciences, la sociologie, la psychologie, les sciences de l'éducation, la géographie ou encore l'informatique... « Les objets de recherche et les approches méthodologiques divergent, avec des communautés qui peinent à communiquer entre elles. Ce colloque a permis de rassembler ces divers acteurs, et de démontrer comment leurs interventions et leurs recherches peuvent se compléter pour éclairer des objectifs communs », décrit-il. Par exemple, au moins quatre présentations, dont une des conférences plénières faite par Georges Felouzis, professeur à l’Université de Genève, ont abordé la même question de l’intégration des élèves non francophones et/ou issus de l’immigration selon perspectives disciplinaires variées : sociologie, sciences de l’éducation, sciences du langage et didactique des langues, et géographie.
Les clés d'un futur champ de recherche en éducation
Un croisement des différentes perspectives d'analyse est donc nécessaire. Car sur les deux dernières décennies, les inégalités ne se sont pas résorbées, bien au contraire, elles se sont creusées. Comment relever ce défi pressant ? Comment appréhender la diversité des élèves pour garantir une école inclusive ? Autant de problématiques soulevées lors de ce colloque, avec notamment des présentations percutantes de jeunes chercheuses et chercheurs. « Leur impact sur la création et la structuration d'un champ de recherche en plein essor à terme est indéniable. Leurs interventions novatrices et interdisciplinaires - par exemple l’impact de différentes politiques publiques non seulement sur la réussite scolaire mais aussi sur le cerveau et les compétences cognitives et socio-émotionnelles des élèves, les pratiques parentales, ainsi que les enjeux liés au numérique - préfigurent les contours du futur champ des questions éducatives », salue Grégoire Borst.
Le colloque a permis de mettre en lumière les avancées réalisées depuis la création du RTP Éducation, tandis qu'un ouvrage sur la thématique issu des travaux du réseau vient d’être soumis pour publication à CNRS Éditions. « Le RTP a une durée de vie limitée et ne peut inclure que des laboratoires affiliés au CNRS. Nous avons déposé une demande – avec plusieurs instituts du CNRS5 - pour la création d'un nouveau Réseau thématique ouvert aux laboratoires d’autres établissements », explique Nicolas Vibert. Celui-ci devrait inclure une centaine de laboratoires et réunir près de 900 chercheuses et chercheurs. De plus, le Programme Prioritaire de Recherche (PPR) « Sciences pour l’Education » et le Programme et Équipement Prioritaire de recherche (PEPR) « Enseignement et Numérique », financés dans le cadre du dispositif France 2030, seront de précieux soutiens pour ces recherches. Un observatoire dédié aux questions éducatives devrait aussi bientôt voir le jour.
- 1Directeur du Laboratoire de Psychologie du Développement et de l’Education de l'Enfant (CNRS/Université Paris Cité).
- 2La Mission pour les initiatives transverses et interdisciplinaires (MITI) du CNRS et le Réseau thématique pluridisciplinaire (RTP) ‘Recherche autour des questions d'éducation’ de l'Institut des sciences humaines et sociales (INSHS) du CNRS.
- 3Le réseau thématique pluridisciplinaire sur les recherches autour des questions d’éducation a pour objet de fédérer et cartographier les recherches en éducation existantes au CNRS et de promouvoir rencontres et discussions dans une démarche interdisciplinaire.
- 4Directeur du Centre de Recherches sur la Cognition et l'Apprentissage (CeRCA, CNRS/Université de Poitiers/Université de Tours).
- 5En collaboration avec l'INSHS, l'INSB (Institut des sciences biologiques) et l'INS2I (Institut des sciences de l'information et de leurs interactions) du CNRS.
Les six défis du COP
Le CNRS a inscrit dans son COP 2019-2023 six défis auxquels nous faisons face dès aujourd’hui et que l’organisme souhaite éclairer de manière déterminante dans les prochaines années, via une mobilisation coordonnée de ses dix instituts. Des défis complexes qui ont été révélés ou sont portés par les sciences, comme le changement climatique et l’intelligence artificielle, ou qui peuvent être éclairés par celles-ci, comme la transition énergétique. Dans un dialogue inter-institut coordonné par la direction générale déléguée à la science, des groupes de travail dédiés ont identifié les actions et projets déjà menés au sein des laboratoires sur les six défis sociétaux sélectionnés.
Les six défis :
- Changement climatique
- Inégalités éducatives
- Intelligence artificielle
- Santé et environnement
- Territoires du futur
- Transition énergétique