La mécanique, une clé du futur
Santé, architecture ou ‘smart cities’ de demain, tous les enjeux majeurs de la mécanique ont été abordés lors d’un colloque inédit à l’Institut de France.
Parce que la mécanique est partout, on en revient parfois à ne plus la voir. Pourtant, elle mélange longue tradition – étant la plus ancienne des sciences mathématisées – et innovations les plus récentes. Son apport est aujourd’hui essentiel à la recherche et à l’ingénierie. C’est ce que le colloque ‘La mécanique, une clé du futur’ - qui s’est tenu le 1er juin à l’Institut de France et auquel participaient plusieurs centaines de scientifiques - a souhaité mettre en avant. Organisé par le CNRS, l’Académie des sciences, l’Association française de mécanique et l’Académique des technologies, ce colloque avait notamment lieu à l’occasion de l’année 2021-2022 - Mécanique du futur, organisée par l’Institut des sciences de l’ingénierie et des systèmes (INSIS) du CNRS. Une année qui a notamment donné lieu à des Projets exploratoires premier soutien (PEPS) sur la thématique ou encore au concours photo MécaPixel - dont les prix étaient remis ce 1er juin lors d’une cérémonie de clôture.
« La mécanique est une science ancienne et de pleine actualité, » a souligné Antoine Petit, président-directeur général du CNRS, rappelant que la filière mécanique représentait « 40 % de la production française en incluant notamment le transport, la production d’énergie, les matériaux et procédés, le climat, l’espace, ou encore la défense. » Elle est au cœur d’enjeux socio-économique et climatique. Aujourd’hui, la mécanique française se place au 6e rang mondial, représente plus de 10 000 entreprises de plus de 10 salariés, a un chiffre d’affaires de 133,8 milliards d’euros, est le 1er secteur d’emploi avec 591 000 salariés et investit entre 3 et 8 % de son chiffre d’affaires dans l’innovation. « Les sciences mécaniques sont intrinsèquement liées à l’avenir industriel de la France. Elles représentent le renouveau de la mécanique en France et de son organisation », a tenu à rappeler Éric Arquis, président de l’Association française de mécanique.
Smart cities, biomécanique et grands ouvrages
Car lorsque l’on parle de mécanique, on adresse de nombreux domaines : depuis la biomécanique qui vise à comprendre le fonctionnement du corps humain pour en diagnostiquer des pathologies et proposer des traitements, en passant par la conception de grands ouvrages tels que des ponts de plus 2000 mètres de long. Mais il y a aussi la robotique ou encore la mécanique hybride qui dialogue avec l’IA pour les futures « smart cities » – domaine dans lequel le CNRS s’est pleinement investi avec la création de sa filiale Descartes à Singapour, dédiée à l’Intelligence Artificielle hybride et regroupant 160 chercheuses et chercheurs.
Lors de plusieurs tables rondes et discours portant à la fois sur la mécanique dans le style français, la mécanique hybride ou la mécanique et science des matériaux, le colloque est notamment revenu sur les grandes avancées et les enjeux futurs de la mécanique. Parmi ces enjeux, le triptyque modélisation-simulation-expérimentation. « La mécanique permet de reproduire les phénomènes qui nous entourent sur des ordinateurs géants », notait Thierry Poinsot, membre de l’Académie des sciences expliquant qu’une compétition féroce avait lieu entre les grandes puissances pour aligner des moyens de simulation toujours plus puissants avec notamment la course vers l’ordinateur quantique. L’enjeu des données a également été mis sur le devant de la scène pour aller vers encore plus de précision en mécanique des matériaux grâce à la modélisation - pour étudier, par exemple, la déformation de la matière. La mécanique à l’échelle microscopique – avec par exemple les enjeux de la biomécanique - a été également pointée comme vivant une véritable révolution d’un point de vue expérimental. « Toutes ces avancées représentent des retombées sociétales pour des enjeux allant du moteur hydrogène à la lutte contre la propagation des virus », a revendiqué Anne-Christine Hladky, directrice adjointe scientifique à l’INSIS et présidente de séance de la table ronde ‘Les grandes avancées de la mécanique et les enjeux futurs’.
Depuis une énergie décarbonée jusqu’aux rampes de lancement d’Ariane
Une discipline « au service de la société » et « créatrice de valeur », comme l’ont rappelé les représentants de géants industriels français comme Safran, EDF ou encore Ariane, lors de nombreuses présentations. Pour Safran, équipementier aérospatial dont l’objectif est d’aller vers une aviation décarbonée, « les sciences mécaniques sont essentielles pour aller vers des technologies de rupture ultra sobres », a indiqué Éric Dalbies, directeur Groupe de la recherche, de la technologie et de l’innovation. Bernard Salha, directeur technique du Groupe EDF, dont l’ambition est l’énergie décarbonée, a parlé quant à lui de la modélisation incendie pour les installations nucléaires ou encore du défi mécanique que représentait l’éolien en mer tant dans la phase de construction que pour la pose. Laurence Grand-Clément, représentante d’une start-up et des PMI, a insisté sur la nécessité de former davantage de mécaniciens à tous les niveaux de formation, et pour Isabelle Rongier, inspectrice générale à Ariane Group, la mécanique du bâtiment des pas de tir des fusées Ariane est au cœur du succès du groupe. « Ariane a 40 ans et au fil des ans, nous avons fait des bons technologiques extraordinaires ».
Omniprésente dans nos vies et moteur de notre avenir, la mécanique n’en a pas fini de nous surprendre.