Une nouvelle médaille pour valoriser la médiation scientifique
Dès 2021, le CNRS décernera une médaille de la médiation scientifique à des scientifiques ou du personnel d’appui et de soutien à la recherche.
En février 2020, le CNRS signait la tribune « Donnons de l’ambition au lien chercheurs – médiateurs – citoyens ! » publiée dans Ouest-France et appelant à intégrer dans la loi de programmation de la recherche (LPR) un « soutien ferme » de la culture scientifique et de la valorisation de la science. La loi votée, le rapport annexé souhaite une « science plus ouverte vers les citoyens » et d’établir « un véritable dialogue », jugés comme « un impératif pour l’avenir de notre démocratie ». Il veut notamment s’inspirer du prix de l’impact sociétal que remet déjà chaque année l’Inserm en partenariat avec l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). C’est pourquoi le CNRS remettra dès 2021 une nouvelle médaille, dédiée à la médiation scientifique.
« Cette médaille élargira la communauté de femmes et d’hommes qui font rayonner la science française et son excellence », indique Marie-Hélène Beauvais, directrice de cabinet du P.-D.G. du CNRS. Elle honorera des femmes et des hommes – chercheurs, ingénieurs, personnels d’appui et de soutien à la recherche – qui ont mis en place une action ponctuelle ou un dispositif pérenne de médiation à destination du grand public, mais aussi de scolaires, d’étudiants, de décideurs ou d’industriels. Chaque année, seront récompensés entre deux et quatre lauréats, ainsi qu’un collectif ou une équipe qui a initié ou qui contribue à un outil (action ou support) de médiation scientifique. Comme les autres médailles du CNRS (voir encadré), cette récompense ne sera pas réservée aux seuls agents du CNRS, mais à des membres des unités mixtes du CNRS et de ses partenaires, et ne sera pas dotée financièrement.
Valoriser une compétence
Outil de diffusion de la culture scientifique, la médiation scientifique nécessite du temps et repose sur la « volonté individuelle ou collective de s’impliquer ». Cette médaille vient donc « valoriser une vraie compétence », en pleine évolution en raison des attentes des citoyens mais aussi de la fragilisation de la parole scientifique menacée par les fake news et le poids des réseaux sociaux.
« Il faut savoir reconnaître cette activité, la valoriser, l’encadrer et protéger les femmes et les hommes qui s’engagent dans cette démarche », explique la directrice de cabinet qui souligne que « les scientifiques pratiquent la médiation depuis longtemps ». Au point que le CNRS organise le Forum des nouvelles initiatives de médiation scientifique (NIMS), avec la CPU1 , depuis 2016 (l’édition 2020 ayant été annulée à cause de la crise sanitaire). La prochaine édition aura lieu cet automne, en parallèle de la finale internationale de la compétition « Ma thèse en 180 secondes ».
Cette nouvelle médaille du CNRS s’inscrit également dans la volonté du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation « d’encourager et de reconnaître pleinement l’engagement de l’ensemble des personnels de l’Enseignement supérieur et de la Recherche dans le champ de la médiation scientifique, de l’expertise scientifique et de la recherche participative ». Dans la LPR, d’autres actions sont ainsi prévues en faveur de la diffusion de la culture scientifique.
Conforter la légitimité des scientifiques
Par exemple, l'Institut universitaire de France (IUF), qui sélectionne des enseignants-chercheurs et enseignantes-chercheuses afin de développer une recherche de haut niveau dans les universités et de renforcer l'interdisciplinarité, crée un nouveau profil « médiation scientifique », avec deux postes junior et deux seniors cette année. D’ici 2023, l’Institut devrait accueillir 90 nouveaux lauréats, passant de 110 à 200 membres, dont une quarantaine « présentant un projet remarquable au titre de l’innovation ou au titre de la médiation scientifique », indique le ministère.
© CNRS Images - 2017
L'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) remettra également un prix d’ici la fin de l’année, mettant en avant les démarches de recherche participatives2 . Pour Christophe Roturier, délégué aux sciences en société à l’ INRAE, ce prix se place dans la « continuité » de l’engagement de l’Inra3 – devenu INRAE en 2020 en fusionnant avec l’Irstea4 – pour ces démarches qui associent des « non scientifiques » à la recherche. Une « nécessité pour certains projets, par exemple pour collecter de grandes quantités d’informations ou d’échantillons dans la durée ou sur des territoires vastes » : des citoyens sont alors sollicités pour contribuer à cette collecte, mais d’autres types de participation sont aussi possibles, avec une forte implication de petits groupes d’acteurs professionnels (agriculteurs, éleveurs, viticulteurs, forestiers, etc.) ou non (associations, élus, scolaires, grand public) dans l’élaboration des questions de recherche, la mise en œuvre des protocoles, l’interprétation et la valorisation des résultats. Par exemple, le programme Citique permet au public de signaler les piqûres de tiques, voire d’envoyer les acariens à un laboratoire pour analyse ; Nutrinet-Santé implique plus de 160 000 personnes pour comprendre les liens entre nutrition et santé ; et les démarches de sélection participative permettent d’associer étroitement des agriculteurs à la création de variétés adaptées à leurs besoins.
Et l’organisme entend soutenir la centaine de scientifiques impliqués, tant sur le plan de la formation, du juridique ou de la technique, que de la communication. « Ce prix vise à mettre en visibilité les scientifiques actifs dans des recherches participatives et à conforter la légitimité de ces recherches », précise Christophe Roturier qui souhaite aussi mettre en lumière « les non-scientifiques qui prennent part aux projets ».
« Le P.-D.G. du CNRS, Antoine Petit, accorde beaucoup d’importance à l’idée de mettre le science au cœur de la société, et diffuser une information scientifique accessible à différents publics en fait partie », conclut Marie-Hélène Beauvais. Les premières médailles de la médiation scientifique de l’organisme seront remises par la ministre Frédérique Vidal pendant la Fête de la science, entre le 1er et le 11 octobre 2021.
- 1Conférence des présidents d’université.
- 2Selon la définition figurant dans la Charte des sciences et recherches participatives, ces recherches sont « des formes de production de connaissances scientifiques auxquelles participent, aux côtés des chercheurs, des acteurs de la société civile, à titre individuel ou collectif, de façon active et délibérée ». La charte a été signée en mars 2017 par plus de 30 organisations du monde académique et associatif, dont Inrae et le CNRS.
- 3Institut national de la recherche agronomique.
- 4Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture.
Les Talents CNRS
Chaque année, l’attribution des médailles du CNRS célèbre les chercheurs et chercheuses et les agents qui contribuent de manière exceptionnelle au dynamisme et à la renommée de l'institution. Première médaille à destination de chercheurs comme d’ingénieurs ou techniciens, la nouvelle médaille de médiation scientifique vient s’ajouter aux récompenses suivantes :
- La médaille d'or distingue l'ensemble des travaux d'une personnalité scientifique de renom.
- La médaille de l'innovation honore une recherche exceptionnelle sur le plan technologique, thérapeutique, économique ou sociétal.
- La médaille d'argent est remise à des chercheurs et des chercheuses déjà reconnus sur le plan national et international.
- La médaille de bronze récompense le premier travail d'un chercheur ou d'une chercheuse prometteur dans son domaine.
- La médaille de cristal distingue des femmes et des hommes, personnels d'appui à la recherche.
- Le cristal collectif récompense des équipes de femmes et d'hommes, personnels d'appui à la recherche, pour leur projet collectif innovant ou technique remarquable.