Quand la géologie révèle les secrets du Système solaire passé

Univers

À cause de la nature chaotique du Système solaire, les astronomes estimaient jusqu’à maintenant qu’il était impossible de calculer la position et l’orbite des planètes au-delà de 60 millions d’années dans le passé. Une équipe internationale vient de faire sauter cette barrière en montrant comment l’analyse de données géologiques permet de remonter à l’état du Système solaire il y a 200 millions d’années. Cette étude, à laquelle a participé un astronome du CNRS de l’Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides (Observatoire de Paris - PSL/CNRS/Sorbonne Université/Université de Lille), est publiée dans Proceedings of the National Academy of Sciences la semaine du 4 mars 2019.

Contrairement à l’image que l’on peut s’en faire, les planètes ne tournent pas autour du Soleil sur des orbites fixes, réglées précisément comme sur un planétaire mécanique. Tous les objets de notre Système solaire influencent le mouvement des autres, un peu comme s’ils étaient connectés par des ressorts : une petite perturbation en un point du système se répercute sur l’ensemble des planètes, qui tendront à revenir à leur position initiale. Les orbites des planètes sont animées d’un mouvement de lente rotation autour du soleil , et oscillent autour de leur valeur moyenne (voir cette vidéo réalisée en 1993).

Depuis 1989, grâce aux travaux de Jacques Laskar, les astronomes savent que ces oscillations sont irrégulières, ou chaotiques, et que leurs calculs ne peuvent pas permettre de remonter au-delà de 60 millions d’années (Ma) pour comprendre l’état passé du Système solaire. Les incertitudes dues à la nature chaotique du Système solaire sont en effet multipliées par 10 tous les 10 Ma. Néanmoins, cette limite vient d’être levée grâce aux travaux d’une équipe internationale pluridisciplinaire auxquels a participé Jacques Laskar1 , astronome du CNRS à l’Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides (Observatoire de Paris - PSL / CNRS / Sorbonne Université / Université de Lille). L’astronome français et ses collègues géologues ont en effet montré comment des données géologiques pouvaient permettre de repousser l’horizon de prédictibilité du Système solaire jusqu’à 200 Ma.

Mais comment la géologie peut-elle nous renseigner sur l’astronomie ? Grâce aux célèbres paramètres de Milankovitch : une partie des modifications climatiques du passé est due aux variations de l’insolation à la surface terrestre résultant des modifications de son orbite. Or, ces changements climatiques passés ont laissé des traces sur Terre, dans les strates géologiques. A partir des observations stratigraphiques, il est donc possible de déterminer les paramètres de l’orbite terrestre, et d’en déduire l’état des autres planètes.

Les chercheurs ont ainsi pu extraire des données quantitatives sur l’état passé du Système solaire grâce à deux importants forages dans des couches géologiques du continent nord-américain. Leurs résultats montrent par exemple qu’il y a 200 Ma l’excentricité de la Terre oscillait avec une période de 1,7 Ma, contre une période de 2,4 Ma aujourd’hui. Ceci constitue aussi une preuve géologique de la nature chaotique du Système solaire : s’il était régulier, on retrouverait la même période que celle observée actuellement.

L’équipe de recherche espère maintenant affiner ces résultats grâce à l’étude d’autres dépôts géologiques en haute latitude qui permettrait de donner une information complémentaire sur les variations de l’orientation des orbites planétaires.

Le système solaire
© Y. Gominet/IMCCE/NASA

 

  • 1Jacques Laskar a reçu la médaille Milutin Milankovitch 2019 pour ses travaux sur l’influence des modifications d’orbite sur le climat et la mise au point de solutions astronomiques fiables, importantes pour la communauté de paléoclimatologie : https://www.egu.eu/awards-medals/milutin-milankovic/2019/jacques-laskar/
Bibliographie

The Geological Orrery: Mapping Chaos in the Solar System. Paul E. Olsen, Jacques Laskar, Dennis Kent, Sean Kinney, David Reynolds, Jingeng Sha et Jessica Whiteside. Proceedings of the National Academy of Sciences, la semaine du 4 mars 2019.

Contact

François Maginiot
Attaché de presse CNRS