Une nouvelle balance pour peser les trous noirs super-massifs

Univers

Pour la première fois hors de notre galaxie, des scientifiques ont révélé les propriétés des nuages de gaz en mouvement rapide au plus près d’un trou noir super-massif, permettant de mesurer la masse du trou noir avec une précision sans précédent. Cette mesure a été réalisée avec l’instrument Gravity du Very Large Telescope (VLT, Observatoire européen austral) par une équipe internationale comprenant des chercheurs du CNRS, de l’Observatoire de Paris – PSL, de l’Université Grenoble-Alpes et de l’Observatoire de la Côte d’Azur1 . Elle est publiée dans Nature le 29 novembre 2018.

  • 1Laboratoires impliqués : le Laboratoire d'études spatiales et d'instrumentation en astrophysique (Observatoire de Paris – PSL/CNRS//Sorbonne Université/Université Paris Diderot), l’Institut de planétologie et d'astrophysique de Grenoble (CNRS/Université Grenoble Alpes), membre de l’Observatoire des sciences de l’Univers de Grenoble, et le Laboratoire J-L Lagrange (CNRS/Université Nice Sophia Antipolis/Observatoire de la Côte d’Azur).

Les chercheurs estiment généralement la masse des trous noirs super-massifs situés au cœur des galaxies en observant le mouvement d'étoiles ou de gaz tournant autour : schématiquement, plus ils tournent vite, plus le trou noir est massif. Pour les galaxies lointaines, mesurer directement les mouvements du gaz au plus près du trou noir était jusqu’ici impossible, ces régions gazeuses étant trop petites pour être observables. Pour estimer la masse du trou noir central, les astrophysiciens mesurent alors plutôt le temps séparant l’émission de lumière depuis l’environnement immédiat du trou noir et sa réverbération par les nuages de gaz, pour en déduire la taille de la structure de gaz et, de là, la masse du trou noir. C’est la méthode dite de « cartographie de réverbération ».

Dans cette nouvelle étude, des astrophysiciens ont utilisé l’instrument Gravity du VLT pour plonger au cœur de 3C 273, le premier quasar identifié, situé au centre d’une galaxie à environ 2,5 milliards d’années-lumière. Selon une technique appelée interférométrie, l’instrument Gravity combine la lumière reçue par les quatre télescopes du VLT, au Chili. Equivalente à un télescope de 130 mètres de diamètre, cette combinaison offre aux astronomes un gain énorme en résolution spatiale puisqu’elle permettrait par exemple de déceler une pièce de 1 euro posée sur la Lune.

L’observation du quasar 3C 273 par Gravity a permis de détecter pour la première fois le mouvement des nuages de gaz en rotation au plus près du trou noir d’un quasar. D’un rayon de près de 4 000 milliards de kilomètres, la structure de gaz observée tourne à des vitesses de plusieurs milliers de kilomètres par seconde autour d’un axe correspondant au jet de matière émis par le quasar.

Ces résultats ont ainsi permis de « peser » le trou noir super-massif au cœur de 3C 273. La masse estimée grâce à Gravity, environ 300 millions de masses solaires, est conforme aux mesures antérieures obtenues par cartographie de réverbération, mais avec une précision 100 fois meilleure.

Gravity valide donc la méthode de « cartographie par réverbération » pour peser les trous noirs super-massifs et offre en outre une nouvelle méthode indépendante, et extrêmement précise, pour mesurer leur masse dans des milliers d'autres quasars.

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Image optique du quasar 3C 273, obtenue avec le télescope spatial Hubble. Le quasar réside au cœur d’une galaxie elliptique géante de la constellation de la Vierge, à une distance d'environ 2,5 milliards d'années-lumière. Un jet de matière provenant des régions centrales de la galaxie est visible à gauche de l’image.
© ESA / Hubble & NASA
graphique
Cartographie de la vitesse des nuages dans le disque de gaz entourant le trou noir super-massif. Les points rouges correspondent à des nuages s'éloignant de l'observateur, les bleus à des nuages se dirigeant vers l'observateur. La simple distribution des points dans la figure démontre la rotation des nuages autour d’un axe de rotation coïncidant avec la direction du jet émis par le quasar.
© Collaboration Gravity

 

 

Bibliographie

Spatially resolved ordered rotation of a quasar broad line region at sub-parsec scale, GRAVITY collaboration: E. Sturm, J. Dexter, O. Pfuhl, M. R. Stock, R. I. Davies, D. Lutz, Y. Clénet, A. Eckart, F. Eisenhauer, R. Genzel, D. Gratadour, S. F. Hönig, M. Kishimoto, S. Lacour, F. Millour, H. Netzer, G. Perrin, B. M. Peterson, P.O. Petrucci, D. Rouan, I. Waisberg, J. Woillez, A. Amorim, W. Brandner, N. M. Förster Schreiber, P. J. V. Garcia, S. Gillessen, T. Ott, T. Paumard, K. Perraut, S. Scheithauer, C. Straubmeier, L. J. Tacconi, F. Widmann. Nature, 29 novembre 2018.
DOI : 10.1038/s41586-018-0731-9 https://rdcu.be/bb6je

Contact

Véronique Etienne
Attachée de presse CNRS