Découverte du plus ancien plésiosaure au monde

Terre

Alors que les dinosaures régnaient sur la terre ferme et dans les airs, d'autres sortes de reptiles peuplaient les mers et océans. Les plésiosaures, qui se déplaçaient par « vol subaquatique », formaient le groupe le plus diversifié. Mais quand sont-ils apparus ? La découverte du plus ancien d'entre eux montre qu'ils étaient diversifiés dès le début de l'ère secondaire, au Trias. Par ailleurs, l'analyse de leurs os démontre qu'ils étaient à sang chaud et à croissance rapide, ce qui leur a permis de se disperser mondialement et de résister à l'extinction Trias-Jurassique. Ces travaux, signés par des chercheurs des universités de Bonn (Allemagne), Osaka et Tokyo (Japon) et du laboratoire Mecadev (CNRS/Muséum national d'Histoire naturelle), sont publiés le 13 décembre 2017 dans la revue Science Advances.

Il y a 250 millions d'années, à la fin de l'ère primaire, la plus grande crise d'extinction connue à ce jour a vu disparaitre 95 % des espèces marines. A la suite de cette crise, divers groupes de reptiles se sont adaptés au milieu marin. Parmi eux, les plésiosaures constituaient le groupe le plus diversifié de l'ère secondaire et l'un de ceux ayant perduré le plus longtemps, puisqu'ils ont disparu en même temps que les dinosaures non aviens. La plupart d'entre eux avaient une petite tête au bout d'un long cou. Avec leur corps trapu portant quatre nageoires semblables, ils avaient un mode de locomotion très efficace : une sorte de vol subaquatique proche de celui des tortues de mer. Bien qu'ils soient étudiés depuis environ 300 ans, on ne connaissait encore aucun plésiosaure du Trias, première période de l'ère secondaire.

Ce n'est plus le cas depuis la découverte d'un fossile particulièrement bien conservé, réalisée en 2013 par un particulier en Westphalie (Allemagne). Une équipe de paléontologues vient d'en publier la première description formelle. Le squelette comprend une partie du crâne, la colonne vertébrale et la cage thoracique, les ceintures pectorale et pelvienne ainsi que les membres gauches. L'animal vivait à la fin du Trias, il y a 201 à 208 millions d'années et sa longueur a pu être estimée à environ 2,3 mètres, ce qui en fait un plésiosaure d'assez petite taille. 

Suite à une description minutieuse du fossile, il a été attribué à une nouvelle espèce baptisée Rhaeticosaurus mertensi 1 , placée dans la famille des Pliosauridae (plésiosaures à cou relativement court et crâne long). Sa position dans l'arbre des plésiosaures révèle que ce groupe s'était déjà diversifié au Trias et que plusieurs lignées ont résisté à l'extinction de masse entre le Trias et le Jurassique. 

De plus, les os de R. mertensi et ceux d'autres espèces de plésiosaures ont été scannés par microtomographie à rayons X afin d'accéder à leur structure interne, et analysés par microscopie pour étudier la composition des tissus. Ces observations ont permis de déduire que le spécimen était un juvénile, âgé d'un peu plus d'un an, et que cette espèce avait une croissance rapide. Cette vitesse de croissance élevée, proche de celles observées chez les mammifères et oiseaux, est retrouvée chez l'ensemble des plésiosaures, suggérant qu'ils étaient des animaux à sang chaud 2 . Ceci est en adéquation avec leur distribution puisque les plésiosaures se sont très vite dispersés mondialement grâce à l'efficacité de leur mode de propulsion. Capables de réguler leur température corporelle, ils ont pu s'aventurer en pleine mer et dans les eaux plus froides, résistant sans doute ainsi à l'extinction Trias-Jurassique.
 

Fossile complet.
© Georg Oleschinski.

Fossile complet.

 

Détail montrant la colonne vertébrale et les côtes ainsi que la ceinture pelvienne et le départ du fémur, en bas vers la droite.
© Georg Oleschinski.

Détail montrant la colonne vertébrale et les côtes ainsi que la ceinture pelvienne et le départ du fémur, en bas vers la droite.

 

© Georg Oleschinski.  Détail montrant la colonne vertébrale et les côtes ainsi que la ceinture pelvienne et le départ du fémur, en bas vers la droite.
© Martin Sander.

Section du fémur au microscope. La strie visible aux deux tiers de l'image marque la fin de la première année de l'animal.

 

 

  • 1En référence à l'étage géologique du Rhétien et en hommage à son découvreur, Michael Mertens.
  • 2Cela suggère aussi une stratégie reproductive différente de celle de la plupart des reptiles : au lieu de favoriser une descendance nombreuse, ces animaux concentraient l'investissement parental sur un seul jeune, comme chez les cétacés actuels.
Bibliographie

A Triassic plesiosaurian skeleton and bone histology inform on evolution of a unique body plan, Tanja Wintrich, Shoji Hayashi, Alexandra Houssaye, Yasuhisa Nakajima, P. Martin Sander, Science Advances, 13 décembre 2017. DOI : 10.1126/sciadv.1701144

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Alexandra Houssaye
CNRS researcher
Véronique Etienne
Attachée de presse CNRS